Le 16 janvier 2020, un lynx a été retrouvé mort dans les Vosges. L’autopsie a révélé que l’animal a été abattu par un braconnier. Une marche de prostestation est organisée le 15 février 2020 à Saint-Amarin (Haut-Rhin). Les naturalistes franc-comtois soutiennent cette action.
La nouvelle a eu l'effet d'une bombe. Un lynx du massif des Vosges a été tué par un braconnier d'une balle dans la tête dans la forêt de Fellering (Haut-Rhin). Immédiatement, la colère et la tristesse des amoureux de la nature se sont propagées sur les réseaux sociaux. Les médias régionaux et nationaux ont également largement relayé l'information.
Une enquête pour destruction illégale d’espèce protégée a été ouverte par le parquet de Mulhouse. Les risques sont importants pour l'auteur des faits. Il encourt jusqu’à trois ans de prison et 150 000 € d’amende. Mais dans un milieu où règne souvent l'omerta, il y a peu d'espoir qu'il soit, un jour, identifié.
Face à cet acte de braconnage illégal, deux jeunes femmes originaires de la Vallée de la Thur (Haut-Rhin) se sont mobilisées sur les réseaux sociaux. Léa Zettl et Amelie Wucher Zekkout ont crée la page Facebook Ma Thur Sauvage du nom de cette belle vallée où a été tué le lynx. En quelques jours, le groupe atteint des 700 membres.
Elles décident alors d'organiser une marche blanche dans leur commune de Saint-Amarin le 15 février 2020 à 13 h 30. Leur volonté est de réunir toutes les voix associatives ou individuelles qui ne supportent plus que l'on s'en prenne ainsi au lynx.
Pour Amélie c'en est trop : "Sauvons la nature sauvage ! Nous ne pouvons plus nous taire... Il est de notre devoir de faire entendre la voix de ceux qui refusent que d’autres meurtres soient commis ! Un lynx de trop a été tué ! Oui... Il y avait un lynx dans cette belle vallée... Mais il n’est plus ... Et il faut que cela cesse ! Notre objectif ? Réunir suffisamment de monde ici pour organiser une marche dans la vallée de la Thur afin de faire entendre notre message. La nature est belle, nous en faisons partis... PROTÉGEONS-LA !!"
Olivier Trible est un photographe naturaliste franc-comtois. Il a tout de suite rejoint le mouvement, car il sait combien le lynx est menacé dans le massif jurassien. Dans les Vosges, la situation est véritablement catastrophique. En 2007, on estimait à 30 le nombre de lynx peuplant le massif. En 2014, les réseaux suivant le félin faisaient part de « sérieuses craintes » sur l’état de conservation de l’espèce après plusieurs cas avérés de tir et d’empoisonnement. Aujourd'hui, les individus peuvent se compter sur les doigts d'une seule main et ce ne sont que des mâles selon Alsace Nature. Trois viennent du Palatinat allemand où un ambitieux programme de réintroduction est mis en place.
Olivier a créé un logo "Touche pas à mon lynx". Il propose à tous les amoureux du félin de mettre le logo en photo de profil sur les réseaux sociaux. "Nous y serons pour faire entendre notre colère face à cet acte lâche. En tant que correspondant du Centre Athénas qui dénonce en vain depuis de nombreuses années le braconnage du lynx dans le Jura, je suis satisfait de constater que de nombreuses personnes sont prêtes à venir manifester pour cette cause, mais j'espère que ce mouvement saura maintenir la pression sur les pouvoirs publics pour que celui qui a osé mettre fin à la vie de ce lynx soit retrouvé et jugé. De plus, la meilleure forme de dissuasion serait de relâcher 2 lynx à chaque fois qu'un tel acte est constaté."
Guillaume François connaît bien le lynx. Jeune photographe naturaliste, il piste depuis de nombreuses années le lynx dans son Jura natal. Le braconnage, Guillaume en a été le triste témoin. Durant cinq années, il a réussi à établir une relation particulière avec une femelle lynx qui l'avait accepté. C'est ainsi qu'il a pu dans le plus grand respect de l'animal, observer cette femelle avec deux de ses petits. Mais en janvier 2014, il va découvrir le corps cette femelle, lâchement abattue par un braconnier et balancée du haut d'un belvédère du Jura.
L'affaire reste aujourd'hui impunie, mais à fait naître chez le jeune photographe, le besoin de s'investir totalement dans la préservation de la faune sauvage et du lynx en particulier. Il est aujourd'hui Président du Centre Athénas une expérience unique de plus de 30 ans dans le domaine de la sauvegarde du Lynx Boréal. "Nous ne pouvons pas rester sans rien faire, qu'il est temps d'agir et que les politiciens, à l'échelle régionale et nationale doivent prendre conscience de ce massacre qui se déroule en toute impunité et s'ils ne nous aident pas à préserver ces espèces qui sont les clés du maintien de l'équilibre des écosystèmes, en fuyant sans cesse leurs responsabilités, alors le combat sera une fois de plus perdu pour espérer voir survivre le vivant et nous-mêmes qui le composons," nous explique Guillaume François.
Les photographes suisses du massif jurassien se mobilisent également. Alain Prêtre est de ceux-là et sera présent à la marche blanche de Saint-Amarin. Le lynx est pour lui l'emblème de nos massifs et il en veut profondément aux chasseurs qui voient dans le félin un concurrent pour la chasse des chevreuils et des chamois. Il dénonce avec virulence ceux qui ne respectent pas le statut d'animal protégé que détient le lynx.
Selon Alain Prêtre, "le braconnage du lynx est extrêmement préoccupant car il fragilise l'espèce et hypothèque son avenir dans le massif jurassien franco-suisse".