Au lac de Saint-Agnan dans le Morvan : "Des gens annulent à cause des cyanobactéries"

Plusieurs plans d'eau de Bourgogne sont interdits à la baignade à cause de la prolifération des cyanobactéries. Une situation récurrente à Saint-Agnan, au cœur du Morvan.

Un grand soleil, une belle chaleur, un paysage idyllique : tout ici donne envie de piquer une tête. Mais au lac de Saint-Agnan, cet été 2023, les cyanobactéries gâchent la fête... Comme chaque année. "Chaque année, je prends un arrêté, je le lève un an après, et à peine levé, je dois reprendre un arrêté..." déplore le maire de Saint-Agnan, Georges Flecq. 

"Il ne faut pas boire la tasse"

Ces bactéries qui se développent dans l'eau par temps chaud peuvent causer nausées, diarrhées, problèmes de peau... Les chiens sont aussi en danger, certains cas d'intoxication pouvant être mortels. Alors la baignade est interdite. Les activités nautiques sont elles aussi interdites en théorie, mais faisables en réalité : "Rien n'empêche un pêcheur d'aller sur sa barque, il ne faut juste pas consommer le poisson. Les canoës et les paddles peuvent très bien circuler, mais il ne faut pas boire la tasse", complète le maire.

Le jour de notre venue en effet, nous croisons Charlène, habitante des alentours de Noyers-sur-Serein, qui termine une sortie paddle avec des proches et des enfants. "On nous a effectivement mis en garde avant de partir en paddle." Cela ne l'a pas rebutée pour autant :

"On s'est dit qu'on prendrait une bonne douche ce soir, que de toute façon ce n'était pas quotidien et qu'on prendrait le risque puisqu'on a fait la route pour venir jusque-là et profiter de la journée."

Charlène

vacancière

"Vous êtes toujours vivants, la cyanobactérie ne vous a pas attaqués ?" plaisante Nicolas Geoffroy, le loueur de paddles et de canoës, lorsque le groupe sort de l'eau. Il sourit, mais il constate que l'interdiction de baignade en rebute certains.

"Il y a un manque à gagner. J'ai eu le cas où des gens ne voulaient pas louer de canoë. Une fois que je les ai alertés, les gens ont refusé de louer."

Nicolas Geoffroy

Loueur de canoës et de paddles à Saint-Agnan

"Pourtant, on est pas obligé de se mouiller lorsqu'on est sur un canoë ou un paddle. Ça n'est pas différent d'une barque de pêche", note le loueur.

En terrasse, les clients se font rares

Au-delà des conséquences sur les activités nautiques, d'autres professionnels du tourisme sont touchés. Dans le village de Saint-Agnan, à une centaine de mètres du lac, la Vieille auberge du lac fait grise mine. "Les conséquences sont assez importantes", déplore la patronne, Delphine Blaisot.

"On a beaucoup d'appels de gens qui nous demandent si la baignade est autorisée, et lorsqu'on leur explique, ils annulent des réservations."

Delphine Blaisot

gérante de la Vieille auberge du lac

"Des gens qui viennent pour se balader et se baigner ne le font pas, donc la terrasse l'après-midi en subit les conséquences : on vend beaucoup moins de glaces et de gaufres. Les gens vont sur les lacs où il n'y a pas de signalement."

D'habitude, le restaurant fait entre 70 et 120 couverts par jour. "Là, on n'a pas fait 20 couverts ce midi", se désespère-t-elle. D'autant qu'en plus des cyanobactéries, elle constate que le début de saison est calme, très calme. Après une forte affluence en mai, juillet est morose. "On manquait de saisonniers, mais je me dis que ce n'est peut-être pas plus mal au final..."

Des doutes sur l'intérêt des prélèvements

Mais autour du lac de Saint-Agnan, habitants, professionnels et vacanciers se posent des questions. Le danger des cyanobactéries vaut-il vraiment toute cette agitation ? "On se baigne depuis des années, tout l'été, et on est jamais tombés malades !" affirme un couple du coin, qui sort de l'eau après quelques brasses dans le lac.

"Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que le lac de Saint-Agnan est une réserve d'eau potable", rappelle Delphine Blaisot, de la Vieille auberge du lac.

"C'est l'eau qu'on boit au robinet et que je sers en carafe à mes clients ! Et on nous dit qu'on est en danger si on s'y baigne !"

Delphine Blaisot

gérante de la Vieille auberge du lac

L'aubergiste a une théorie : "Je pense que si on allait contrôler à fond les lacs autour, on trouverait la même chose. Mais celui-ci étant une réserve d'eau potable, j'imagine qu'on pousse les analyses à fond par précaution et forcément, on trouve des choses."

Les analyses sont payantes

Par ailleurs, ces analyses ont un coût pour la commune. 1469 euros en 2020, 955 euros en 2021, 1994 euros en 2022 et 578 euros cette année, liste le maire Georges Flecq. "C'est énorme ! Il faut qu'on arrête ça. C'est récurrent, ça n'apporte rien. En plus, paradoxalement, la baignade est censée être tout le temps interdite."

Car effectivement, c'est une particularité à Saint-Agnan : créé initialement pour être une réserve d'eau potable, le lac est, depuis toujours, interdit à la baignade. "Néanmoins, elle est tolérée", précise le maire. Mais le coût des analyses pourrait changer la donne. Georges Flecq veut négocier avec le syndicat des eaux de Terre-Plaine, propriétaire du site, "pour réglementer une fois pour toutes".

En attendant, les exploitants du Morvan tirent la langue. "Entre ces cyanobactéries ici, et les soucis liés au manque d'eau au lac des Settons, ça fait beaucoup pour la région", déplore Nicolas Geoffroy. Pour l'heure à Saint-Agnan, aucun cas de maladie n'a été rapporté à la mairie. En revanche, un groupe affirme être tombé malade au lac Kir à Dijon, à cause des cyanobactéries.

durée de la vidéo : 00h02mn00s
Plusieurs plans d'eau de Bourgogne sont interdits à la baignade à cause de la prolifération des cyanobactéries. Une situation récurrente à Saint-Agnan, au cœur du Morvan. ©Lisa Guyenne / Sophie Hémar / France Télévisions

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