Nommée dans sept catégories aux Molières, la pièce Courgette de la compagnie Paradoxe(s), conçue au théâtre Gaston Bernard de Chatillon-sur-Seine (Côte-d'Or), a été récompensée lors de la cérémonie du 6 mai dernier. Nous sommes allés la voir au mois de février.
Au théâtre, quand les lumières s'éteignent, c'est toujours le même refrain : le public se calme, achève ses bavardages en chuchotant, puis le silence se fait, tout le monde retient son soufle et les trois coups se font attendre. Courgette s'ouvre alors sur un coup de projecteur. Dans la lumière, seul sur scène, le comédien, Garlan Le Martelot, se lance dans un monologue.
Il s'agit d'Icar, alias Courgette, le personnage principale de l'histoire qui va nous être jouée. Avec cette entrée, je suis un peu surprise, voire destabilisée. J'ai peur de ne pas réussir à m'attacher au personnage. Je crois que je ne m'attendais pas à voir un adulte jouer un enfant de presque 10 ans. Les premiers mots de la pièce sont ceux du livre original, le roman de Gilles Paris, Autobiographie d'une courgette, paru en 2002. Immédiatement, je suis rassurée : la pièce sera fidèle. Il faut dire que je suis familière du récit gagnant, son adaptation cinématographique de Claude Barras, qui a reçu deux Césars en 2017, est l'une de mes oeuvres favorites.
Tout le public a les yeux rivé sur le comédien. L'histoire que Garlan Le Martelot nous présente, la voici : Courgette voulait tuer le ciel pour rendre sa maman alcoolique heureuse. Mais c'est sur elle qu'il a tiré. À la suite de cet accident, il est envoyé dans un "foyer pour enfants écorchés". S'ensuit un récit initiatique intime, qui raconte la vie en foyer d'enfants traumatisés et souvent abandonnés à eux-mêmes. L'adaptation sur les planches reprend la chronologie et la narration du roman, avec des incises musicales et chantées qui parviennent sans forcer à dégager un ton très drôle et poignant à la fois. Et c'est surement ce qui en fait une adaptation aussi touchante et réussie.
Un double jeu recompensé : Vanessa Cailhol décroche un Molière
La pièce s'articule autour d'un décor simple qui au fil de l'histoire prouve sa cohérence et oscille entre un humour innocent, juvénile et empreint de naiveté, et de sujets plus graves et touchants traités avec subtilité. Les violences intrafamiliales, le manque d'amour, l'absence... et finalement, on accroche très facilement au jeu des comédiens, qui pour certains assument plusieurs rôles à la fois.
C'est d'ailleurs le cas de Vanessa Cailhol qui interprête à la fois Camille, la jeune fille placée dont Courgette tombe amoureux, et celui de Rosy, l'éducatrice attachante. C'est elle qui a été récompensée lors de la cérémonie des Molières, le 6 mai - elle a reçu la statuette de la meilleure comédienne dans une pièce de théâtre public. " Son molière représente toute la troupe, c'est une réussite collective", se félicite la metteuse en scène, Pamela Ravassard.
Des rencontres qu'il fait avec les autres enfants mais aussi avec les adultes de la pièce, Icare parvient petit à petit à grandir et à guérir du manque d'amour. Plus le temps avance, moins j'ai envie que ça se termine. J'alterne entre rires et larmes aux yeux. C'est la première fois que je vois une aussi belle pièce sur la résilience et l'enfance.
La pièce a également reçu sept nominations pour les Trophées de la Comédie Musicale, qui auront lieu le lundi 10 juin 2024. La compagnie qui a été en résidence de création en 2021 pour cette pièce au théâtre Gaston-Bernard de Châtillon-sur-Seine doit revenir se produire, dans la région, pour la saison 2024/2025.