Agriculteur abattu par un gendarme : ce qu'il faut savoir sur l'affaire Jérôme Laronze, toujours sans procès

Il y a sept ans, le jeudi 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur bovin à Trivy (Saône-et-Loire), était abattu par un gendarme. Quelques jours plus tôt, il s’était enfui de son exploitation après un contrôle vétérinaire. Un collectif de soutien et sa famille réclament toujours un procès et font face au silence de la justice.

« Le dossier est au point mort depuis sept ans. » Maurice Jacquet ne peut que constater les lenteurs de la justice. Il est à la tête de l’association Justice et Vérité pour Jérôme Laronze, cet agriculteur, tué le 20 mai 2017 par un gendarme à Sailly, en Saône-et-Loire.

« Un juge qui oserait dire que l’Etat est impliqué dans un meurtre : ça ferait tache »

Maurice Jacquet, membre de l'association Justice et Vérité pour Jérôme Laronze

Depuis, la famille et les proches attendent désespérément la tenue d’un procès pour enfin comprendre ce qu’il s’est passé. « Ce ne sont pas les gendarmes qui ont décidé de courir après Jérôme Laronze. L’état représenté par la préfecture au niveau local est impliqué dans l’histoire », martèle Maurice Jacquet.

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Rappel des faits

Jérôme Laronze se disait harcelé de contrôles et de mises en demeures de la part de l'administration depuis plusieurs années. À la suite d’une énième visite des services vétérinaires, il prend la fuite alors que son cheptel de vaches allait être saisi. Il est recherché pendant neuf jours et la gendarmerie le retrouve à bord d’un véhicule sur un chemin de la commune de Sailly, située à une trentaine de kilomètres de son exploitation.

L’éleveur aurait foncé sur deux militaires qui voulaient l'appréhender. L’un d’eux ouvre le feu. Le gendarme, qui a blessé mortellement Jérôme Laronze, a été mis en examen pour "violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et plaide la légitime défense.

"Avec deux balles dans le dos, où est la légitime dépense ?", souffle Marie-Pierre Laronze. La sœur de l’agriculteur balaie cet argument en s’appuyant sur les rapports balistiques. Jérôme Laronze a reçu trois balles, deux dans le dos et une sur le côté.

Si une instruction a été ouverte pour faire la lumière sur les circonstances exactes des faits, la justice se penche également sur deux plaintes complémentaires déposées par la famille de Jérôme Laronze au printemps 2019 : l'une pour non-assistance à personne en danger, l'autre pour pollution de la scène de l'infraction.

Des douilles disparues

Les éléments du dossier troublent les proches et la famille. Le soupçon ne les quitte plus : "la scène de crime a été polluée, les gendarmes ont essayé de cacher leur bavure", abonde Maurice Jacquet de l’association Justice et Vérité pour Jérôme Laronze.

« On a fait disparaître des éléments importants comme des douilles. On aimerait aussi savoir pourquoi ils ont laissé Jérôme une demi-heure sur son siège, sans soin. Ces gendarmes étaient pourtant tous formés aux gestes de premiers secours », précise Marie-Pierre Laronze. Elle est avocate au barreau de Lyon, spécialisée dans le droit du travail. Elle suit de près le dossier depuis le début et s’étonne encore d’une telle lenteur de la justice : « c’est un dossier finalement très simple, on n'est pas sur un dossier de terrorisme international. »

Elle est où l'humanité ? Qu'est-ce qui fait qu'on peut laisser un homme qui gît dans son sang en agonisant ?

Marie-Pierre Laronze, soeur de la victime

►À LIRE AUSSI : "Cela fait sept ans que la plaie reste ouverte", la famille de Jérôme Laronze, agriculteur tué par un gendarme, réclame un procès.

Des contrôles « irréguliers » selon la justice

Le 28 février 2020, le tribunal administratif de Dijon a déclaré "irréguliers et nuls" trois contrôles réalisés par des agents de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) sur la ferme de Jérôme Laronze entre juin 2015 et juin 2016. Ces inspections ont porté atteinte au domicile de l'éleveur ainsi qu'à ses droits fondamentaux, selon le juge.

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Une première victoire sur le volet administratif qui aurait dû accélérer la procédure selon la famille : « d'abord parce que le tribunal administratif, est en capacité de rendre une décision en 18 mois. Donc ça signifie que quand la justice veut, elle peut », souligne Marie-Pierre Laronze. « Le dernier contrôle, c'était la suite des précédents. Jérôme était quelqu'un à qui on reprochait plein de choses. Or, il s'avère que les précédents contrôles sont annulés parce que l'administration n’a pas fait les choses de façon régulière. Tout ça a un sens par rapport à une instruction sur la mort d'un homme. »

Cela donne un éclairage sur la compréhension du dossier et pourtant sept ans après, ce dossier est toujours en état de mort cérébrale

Marie-Pierre Laronze, soeur de la victime

Un rassemblement prévu lundi

En quête de vérité et sept ans jour pour jour après le drame, la famille et l’association "Justice et Vérité pour Jérôme Laronze" organisent ce lundi 20 mai 2024 un rassemblement à Mâcon. Le rendez-vous est donné à 16h, square de la paix. Plusieurs happenings seront prévus et des discussions seront menées en public sur les procédures en cours.

Nous avons tenté de contacter le Parquet de Chalôn-sur-Saône qui instruit le dossier. Il n'a pas répondu avant la publication de cet article.

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