Quatre jours de travail à plus de 6 mètres de haut ont été nécessaires pour que le sculpteur transforme l’arbre frappé par la foudre en épi de maïs, symbole de la commune de Baudrières en Saône-et-Loire.
Un orme qui connaît une seconde vie. Ce dimanche 28 mars, le sculpteur Jacques Pissenem a achevé 4 jours d’un travail intense pour donner une nouvelle forme à un arbre de plus de 6 mètres de hauteur dans la commune de Baudrières dans la Bresse (Saône-et-Loire). Muni d’une tronçonneuse, il a dessiné une œuvre représentant un épi de maïs, en référence à l’histoire du village et de sa région.
"La commune avait un orme centenaire, des arbres qui en général ont disparu il y a 30 ans. Il a pris la foudre il y a quelques temps et était dangereux. Ils m’ont missionné pour faire une sculpture dedans", raconte l’artiste qui a dû respecter un thème à la demande de l'équipe communale : l’épi de maïs.
Une institution dans la Bresse, où il a fait son apparition au XVIIème siècle et permettait notamment de nourrir les fameux poulets. "Cette idée correspond vraiment à l’emblème du village, à notre culture, notre identité", confie Cédric Dauge, maire de Baudrières.
Une volonté de transmission
L’imposante sculpture aura coûté 4 900 euros à la commune. Après avoir pris la foudre, l’orme a finalement pu renaître de ses cendres. Redonner vie à un arbre est l’un des moteurs de Jacques Pissenem : "L’aspect symbolique de prendre soin de l’arbre me touche. On prend conscience de l’importance du vivant. L’arbre devient autre chose, ça mobilise des gens".
Et la commune de Baudrières a profité du travail du sculpteur de 48 ans pour sensibiliser les plus jeunes à la question de la protection de la nature. 5 classes d’écoliers sont en effet venues suivre l’artiste dans ses œuvres. "Les enfants étaient émerveillés, posaient des questions. C’était des échanges très intéressants sur ce qu’est un arbre. C’était enrichissant de leur transmettre ça".
L’édile de la commune, élu depuis 2014, salue la démarche de Jacques Pissenem. "Il sait s’arrêter quand il y a des gens, des enfants. Il est très pédagogue. Il n’est pas seulement artiste ou sculpteur, il transmet une passion, un amour de la nature. Il est super", décrit Cédric Dauge.
J'ai représenté un enfant. C’est l'idée de la transmission. Il donne naissance à la sculpture. Ça peut symboliser une histoire pour chacun.
Symboliquement, le sculpteur a alors taillé dans le bois un jeune enfant placé sous l’épi de maïs. Car le partage est au cœur du travail de Jacques Pissenem. Lui-même a hérité de sa passion au début des années 2000.
Un changement de vie à 30 ans
Après avoir travaillé dans l’industrie automobile, l’artiste change de vie peu avant 30 ans et apprend la menuiserie. À cette occasion, il rencontre un pionnier de la sculpture à la tronçonneuse : Pio Pascolo. "Il travaillait dans l’atelier à côté. Il m’a bien accueilli. J’ai essayé et ça a vite marché très bien", se souvient Jacques Pissenem.
Depuis cette rencontre déterminante, l’artiste vit de cette pratique, savant mélange entre puissance et finesse. "Je ne saurais plus quoi faire d’autre. J’irais dormir sous les ponts avec mon vin rouge, rigole-t-il. C’est quelque chose que je ne pourrais pas remplacer, ça donne du sens à ma vie".
Le bois a sa réalité à lui. Il faut trouver l’équilibre entre ce qu’on a en tête, et ce que le bois a en tête.
Et ce, malgré les efforts que requiert une telle discipline. "C’est beaucoup de concentration, dans des conditions de sécurité particulières. Je suis à 6 mètres de haut sur deux planches. Et puis je dois tout le temps descendre pour vérifier ce que je fais, il y a un côté physique sympa !".
La réalisation de l'arbre à Manon de Chalon
Une spécialité qui lui permet depuis près de 20 ans de faire le tour de France pour ses réalisations. En décembre 2019, c’est d’ailleurs Jacques Pissenem qui réalise le nouvel arbre à Manon de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). "C’était une pièce très chargée car tout le monde le connaissait, se rappelle-t'il. Réactualiser ça, c’était un très beau moment".
En parallèle, le natif de Plancher-les-Mines en Haute-Saône propose de véritables spectacles alliant la sculpture sur bois et son autre passion, la musique. Des shows de 15 minutes, très physiques pour Jacques Pissenem, où les bruits du moteur de sa tronçonneuse répondent en rythme aux sonorités rock qui l’accompagnent. "La musique et la sculpture c’est du mouvement. Il y a des points communs. C’est une partition qui se déroule. Pour les marier, c’est naturel. Quand la batterie arrive, la tronçonneuse s’arrête", décrit celui qui a reçu une formation de batteur.
Le sculpteur travaille alors avec un metteur en scène pour ces spectacles qui l’amènent jusqu’au Canada. "J’aime beaucoup la scène. C’est un partage que j’apprécie. On propose un condensé de puissance. Je travaille très vite. C’est très intense pour que les gens ne décrochent pas. Il y a une vraie notion de rythme".
Mais en attendant de pouvoir reprendre ses spectacles, Jacques Pissenem garde donc la main, sur la tronçonneuse bien entendu. L’œuvre réalisée à Baudrières fait la joie du maire de la commune. "Quand on voit le résultat, on est très satisfait. On n’a que de bonnes remontées. Les gens sont positifs".