Son invention a 200 ans et elle a changé le monde... pourtant, il n'est devenu célèbre qu'après sa mort

Il a inventé la photographie. Le 16 septembre 1824, Nicéphore Niepce, un ingénieur originaire de Chalon-sur-Saône, mettait au point un procédé pour fixer une image sur une plaque métallique, à base de bitume. Retour sur le personnage et le processus photographique qui célèbre ses 200 ans.

Un "véritable chercheur", c'est comme cela que Nicéphore Niepce est décrit par Jean-Yves Mahé, cofondateur du Quai de la Photo, qui propose une exposition sur le Bicentenaire de la Photographie jusqu'au 20 décembre.

Une exposition en hommage à la naissance du procédé photographique

Les propriétaires du cliché original ('le point de vue du Gras'), l'université Harry Ransom Center à Austin au Texas étaient présents lors du vernissage ce 16 septembre. Une exposition qui se veut "artistique et pédagogique, avec des clichés de la maison familiale de Niepce, fournis par des photographes talentueux tels que Paolo Roversi, Daidō Moriyama, Jeanine Niepce, et des photos documentaires que j'ai effectués sur la maison Niepce et le premier labo photo du monde."

De la pédagogie, il en faut pour comprendre la recherche de Nicéphore Niepce. L'exposition permet de retracer le parcours de l'ingénieur :  "on commence par les dates, on fournit les dates, et à la fin de l'exposition on rappelle les dates qu'il faut retenir"

Car le processus découvert par Niepce lui a pris du temps et de la persévérance. Cet ingénieur assidu a travaillé pendant une dizaine d'années sur un procédé permettant de fixer l'image s'affichant sur le fond des chambres obscures. Il a développé à partir du goudron de Judée (du bitume) une émulsion photosensible qui permettait de graver sur des plaques métalliques une image. 

Naissance d'une invention

Le 16 septembre 1824, Nicéphore écrit à son frère Claude, qu'il a trouvé un procédé "pour fixer l'image avec des nuances extraordinaires sur une pierre lithographique. Son frère lui répond que ça lui fait tellement plaisir de revoir sur la pierre la propriété qu'il n'a pas vue depuis 10 ans. C'est bien la preuve que l'image est fixée et qu'elle existe vraiment !" raconte Pierre-Yves Mahé.

Un acte de naissance qui ne sera reconnu que tardivement. À la mort de Niepce le 5 juillet 1833, Louis Daguerre écrit à Isidor Niepce, le fils de Nicéphore, lui faisant part de son "chagrin". Il lui confie surtout : "il nous faudra redoubler d'ardeur en pensant que nous immortaliserons son nom par la publication de sa découverte. Il aurait été si heureux de la voir mettre au jour !"

Pierre-Yves Mahé revient sur la querelle qui existe entre la date de découverte du procédé photographique et la célébration de la photo. Les différentes étapes de la naissance du processus photographique sont selon lui sur 3 dates-clés. Par exemple, 1827 : "Faire le bicentenaire en 2027, c'est le bicentenaire de la première photo parvenue jusqu'à nous, mais pas du tout de l'invention" précise Pierre-Yves Mahé.

De même, le 19 août 1839, c'est le don au monde entier du procédé photographique, devant l'Académie des Sciences :  "Il faudra aussi célébrer le bicentaire en 2039, car c'est une chose exceptionnelle, c'est le don au monde de l'invention, et cela concerne François Arago et Louis Daguerre, mais là c'est une troisième invention, avec le Daguerréotype."

Un inventeur génial à l'héritage immense

Pierre-Yves Mahé confirme que "Niepce a eu du mal à remonter à la surface. Heureusement aujourd'hui on parle de lui comme un inventeur." Le Directeur de l'école de photo parisienne Spéos et co-directeur du Quai de la Photo à Paris précise : "Nous, on a tenu la date, et on sera là également en 2027, pour un bicentenaire 'plus'"

La légitimité de la date de l'invention est étayée par la lettre de Niepce à son frère,  mais également par les écrits retrouvés dans la maison natale à Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire). Niepce documentait avec précision toutes ses expériences : "Niepce explique par écrit comment il a réussi. On a refait le procédé à la Maison Niepce avec le CNRS (avec Jean-Louis Marignier, chercheur au CNRS, ndlr), en suivant son mode d'emploi, on arrive à faire la photo, et on a la lettre de Daguerre."

Le procédé photographique a depuis 200 ans bien évolué, le processus chimique faisant place à un processus numérique, et maintenant la manipulation des images est devenue plus aisée. Mais ce n'est pas terminé, comme le dit Pierre-Yves Mahé : "Toutes les évolutions qu'on voit actuellement autour de la photo, comme l'intelligence artificielle, c'est incroyable, ce n'est pas terminé !"

"Pour nous, ce n'est pas cette année"

Le Musée Niepce de Chalon-sur-Saône ne participera pas aux commémorations cette année. L'explication est fournie par Sylvain Besson, directeur des collections au Musée Niepce : "Comme il y a débat autour des 200 ans, pour nous ce n'est pas cette année !" Le conservateur du musée Niepce souligne, au sujet de l'année 1824 : "en fait il n'y a pas un hiatus, mais c'est qu'il n'y a aucun objet pour le prouver !"

La date retenue par le Musée Niepce et le Ministère de la Culture pour le bicentenaire de la photographie sera 2027 : "On aura des prêts de tous les gens qui ont du Niepce, des originaux. Des prêts de la Bibliothèque Nationale, dont 'le point du vue du Gras' qui est original et daté de 1827." détaille Sylvain Besson.

Le Directeur des collections revient sur la différence d'attribution de l'année pour le procédé photographique : "En 1824, Nicéphore Niepce considère qu'il a réussi, sauf qu'il n'y a aucun objet pour le prouver. En 1826-1827, il réussit à faire un objet qui reste, qui est celui qui est conservé à l'Université Harry Ransom Center à Austin au Texas, qui est la plus ancienne preuve matérielle de l'invention de la photographie. On ne peut pas faire une exposition dans un musée sans trace matérielle."

Au musée Niepce de Chalon, c'est une reproduction de la première photo de l'inventeur qui est exposée.