Alors que les agriculteurs poursuivent leur mobilisation ce mardi 30 janvier, les artisans du bâtiment réfléchissent également à manifester sur les routes du pays. Ils dénoncent eux-aussi de lourdes charges administratives et un système juridique trop pesant pour les petites et moyennes entreprises. MaPrimeRenov' est montrée du doigt.
Après les agriculteurs, bientôt la colère des artisans du bâtiment ? Poids des charges, augmentation des tâches administratives, risque de défaillances des entreprises, dans un communiqué du lundi 29 janvier, les entrepreneurs alertent sur les contraintes qui pèsent sur leur profession et évoquent une potentielle mobilisation en cas de non-action du gouvernement.
"Il y a vraiment une grogne de la base qui veut rejoindre le mouvement des agriculteurs. On retrouve beaucoup de similitudes avec le monde agricole", confie Emmanuel Leblanc, secrétaire général de la CAPEB en Saône-et-Loire (la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment).
Des échanges avec les agriculteurs sur le terrain
La semaine dernière, des représentants de la filière ont d’ailleurs échangé informellement avec des agriculteurs lors des blocages. "Il y a eu des appels à rejoindre les barrages. On a de bonnes relations avec la FDSEA. Mais on veut respecter le mouvement agricole. On ne veut pas aller se greffer même s’il y a des points de convergence. La grogne est contenue", assure Emmanuel Leblanc.
En Saône-et-Loire, 5 000 entreprises sont inscrites à la Chambre des métiers. La CAPEB compte de son côté 1 250 artisans adhérents dans le département. Une filière qui s’inquiète de la multiplication des contraintes administratives et réglementaires et qui pointe le dispositif de soutien à la rénovation énergétique MaPrimeRenov’.
Mise en place en 2020, l’aide a évolué le 1er janvier 2024, avec notamment une hausse du budget alloué, qui passe d’1,6 milliards d’euros à 5 milliards. Le but : atteindre les 200 000 rénovations cette année. "C’est une énième usine à gaz, pointe Emmanuel Leblanc. C’est à la fois compliqué pour les artisans et les clients pour monter les dossiers. Par ses critères, cette réforme va écarter les artisans du bâtiment au profit des grandes entreprises. Nos artisans le supportent de moins en moins".
Ils pondent des réformes. Ils voient que ça ne fonctionne pas donc ils reviennent en arrière. Mais ça fait beaucoup de dégât, cause du stress, de l’inquiétude et ça bloque des marchés.
Emmanuel Leblanc, secrétaire général de la CAPEB en Saône-et-Loire
Face aux contestations, le ministre de l’Ecologie Marc Fesneau a engagé une concertation avec la filière du bâtiment. "La réforme a été décidée le 6 décembre, est entrée en vigueur le 1er janvier. On marche sur la tête, cette discussion, on aurait dû l’avoir à l’automne !", estime Emmanuel Leblanc pour qui les contraintes administratives ne concernent pas seulement le dispositif d’aide à la rénovation énergétique.
Pour obtenir un agrément RGE (Reconnu garant de l’environnement), un artisan doit ainsi monter un dossier et payer en moyenne 400 euros "Le montage du dossier peut facilement prendre une journée complète. C’est inadmissible. Nos artisans ont autre chose à faire. Et il y a toutes les complexités du quotidien. Les normes sont produites par des gens coupés des réalités".
Des propositions faites au gouvernement et l'attente de réponses "concrètes"
La CAPEB fait alors plusieurs propositions pour alléger la charge administrative des artisans du bâtiment. Le coffre-fort électrique par exemple. Une plateforme en ligne qui permettrait aux entreprises de déposer toutes leurs informations. Elle n’aurait donc pas à reproduire ces dossiers pour chaque procédure.
On a fait des propositions sur les simplifications. On attend une loi mais on ne veut pas qu’elle arrive aux calendes grecques.
Emmanuel Leblanc, secrétaire général de la CAPEB en Saône-et-Loire
Des propositions envoyées aux représentants de l’Exécutif. La filière attend désormais des actions concrètes du gouvernement et sera attentive au discours de politique générale prononcé par le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal ce mardi 30 janvier.
"On appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures rapides, à envoyer des signaux. Il faut qu’il soit très concret, qu’on voit immédiatement que le politique a compris et enlève un certain nombre de contraintes", affirme Emmanuel Leblanc.
Ce n’est donc qu’en cas de non-prise en compte de leurs revendications que les artisans du bâtiment pourraient mener un mouvement de contestation. "On voit ce que les agriculteurs sont en train de faire et la question qui se pose chez nous c’est : est-ce qu’il faut descendre avec des engins de chantier pour bloquer et obtenir des avancées ?’".
Selon un bilan du cabinet Altarès, en 2023, 11 000 entreprises du bâtiment ont été en défaillance, avec une hausse des cas de dépôts de bilan ou de redressements judiciaires. Plus globalement, le secteur de la construction représente 24 % des faillites en France.
"Ça monte en flèche. Vous avez la hausse de prix. Des artisans avaient fait des devis. Six mois plus tard, en retournant chez les clients, ils n’ont pas répercuté les augmentations et ont pris sur leurs charges. On a servi d’amortisseur de crise. C’est toujours le petit contre le gros", constate Emmanuel Le Blanc.
Un petit qui pourrait donc se faire entendre en reprenant les mêmes méthodes que le monde agricole.