Forges, "plan d'urbanisme", commerce fluvial : aux "confins de la Bourgogne", des archéologues découvrent les prémices d'une ville gauloise

Des fouilles sont menées depuis 2019 à Verdun-sur-le-Doubs et Bragny-sur-Saône, deux villages voisins en Saône-et-Loire. Les archéologues font visiter ce chantier exceptionnel le 27 juillet.

Un hameau, un village, une ville ? "C'est interprété comme une sorte d'agglomération ouverte en bord de Saône", explique Emilie Dubreuck, archéologue-attachée scientifique. "On a trouvé des objets importés de très loin, comme une amphore de vin de Marseille, des récipients en verre venus de Grèce... Alors qu'on est, en quelque sorte, aux confins de la Bourgogne." 

Ce chantier exceptionnel, riche en découvertes, est pour la première fois ouvert au public ce samedi 27 juillet.

Une place stratégique, du temps des Gaulois

Depuis 2019, une cinquantaine d'archéologues (étudiants et chercheurs) mènent des fouilles à Verdun-sur-le-Doubs et Bragny-sur-Saône, en Saône-et-Loire. Ces deux villages sont situés de part et d'autre du cours d'eau, à l'endroit précis où le Doubs se jette dans la Saône. Deux chantiers "devenus des références en Europe pour la période celtique gauloise", précise Emilie Dubreuck, en charge du chantier de Bragny pour le bureau d'études archéologiques Eveha. 

Pour comprendre l'intérêt de ces fouilles, il faut remonter plus de 2 000 ans en arrière. 

Nous sommes à l'âge du fer. Le site de Bragny-sur-Saône est daté de -550 à -450 avant Jésus-Christ ; celui de Verdun-sur-le-Doubs est daté de -180 à environ -90 avant Jésus-Christ. 

Aujourd'hui, les deux communes sont de taille modeste - moins de 1000 habitants chacune - et sont situées en zone rurale. Mais en cinq ans de fouilles, les archéologues ont déterminé qu'autrefois, cet endroit était un lieu stratégique, avec sans doute un port de commerce.

On est à la confluence de la Saône, du Doubs, mais aussi de la Dheune qui elle-même relie l'Arroux, qui est un affluent de la Loire : c'est une zone de contact des rivières. Sans doute qu'une partie très importante des importations arrivait par bateau. Il y avait probablement un port, que l'on a pas encore trouvé.

Emilie Dubreuck

archéologue-attachée scientifique

"Et les fleuves, c'est aussi des vallées, donc du transport terrestre : on est situé sur un ancien noeud de circulation", précise Emilie Dubreuck. Ici donc, il y a bien longtemps, régnait une activité intense et diverse.

Découvert par hasard dans les années 1970

Les sites de Verdun et Bragny ont été découverts "de manière fortuite dans les années 70", explique Emmanuel Hamon, doctorant en archéologie à l'université de Franche-Comté et directeur des fouilles sur le chantier de Verdun. 

Lors de la construction d'un pavillon d'habitation à Verdun-sur-le-Doubs, on trouve du mobilier gaulois. Ça intéresse un érudit local, Antonin Guillot, professeur des écoles. Il commence à mener des fouilles avec des étudiants.

Emmanuel Hamon

doctorant en archéologie à l'université de Franche-Comté

"Dans les années 90", poursuit Emmanuel Hamon, "les archéologues s'y intéressent à nouveau, sous l'influence d'un professeur de protohistoire".

Pendant plusieurs années entre 1970 et les années 1990, Antonin Guillot mène ainsi plusieurs campagnes de fouilles sur de petits secteurs autour du Doubs. Il est rejoint par d'autres chercheurs, un projet commun est monté pour explorer en même temps le site de Bragny.

En sommeil pendant un temps, un projet de reprise de fouilles est relancé en 2016 avec l'université de Franche-Comté. D'abord, les scientifiques font de la prospection géophysique : des appareils de mesure au sol permettent de repérer les structures enfouies sous terre.

Trois ans plus tard, c'est le début du "vrai" chantier de fouilles : en 2019, les archéologues commencent à creuser. "Très tôt, on découvre un atelier de forges", indique Emmanuel Hamon. "Dernièrement, on a découvert un très grand fossé qui ceinture l'habitat de Bragny", ajoute Emilie Debreuck.

Une installation organisée

Qui étaient les habitants de ces agglomérations ? Difficile à dire, les archéologues ne peuvent pas être formels sur ce point. En revanche, ils ont pu déterminer "une sorte de plan d'urbanisme". "On a pu montrer qu'il y avait une manière programmée de s'installer. Les Gaulois n'ont pas posé leurs maisons, individuellement, de manière anarchique les unes à côté des autres."

Il y a un alignement des bâtiments qui montre une organisation de la circulation. C'est une nouveauté. Ça laisse à supposer qu'il y avait probablement un organe politique à l'origine de ce plan d'installation.

Emilie Dubreuck

archéologue-attachée scientifique

Pourtant réfléchis et organisés, pourquoi ces deux sites ont-ils été abandonnés ? "C'est l'un de nos objets d'étude : la dynamique de peuplement sur l'âge du fer", note Emilie Dubreuck. Il semblerait que le site de Bragny ait été abandonné en premier, les habitants se déplaçant vers le site - plus récent - de Verdun. Abandonné autour de -90 avant Jésus-Christ, le site de Verdun-sur-le-Doubs se serait quant à lui déplacé à l'emplacement actuel de la commune, alors que les fouilles se situent dans un hameau excentré du village. 

Mais pourquoi l'activité de ces agglomérations n'a-t-elle pas perduré ? Emilie Dubreuck : "Il y a des changements de voies de circulation, parfois liés à des décisions politiques. À l'époque, on peut créer des villes sous l'impulsion de l'Empereur." 

Avec les changements politiques et socio-économiques de la période gallo-romaine, certains sites sont abandonnés.

Emilie Dubreuck

archéologue-attachée scientifique

Des problématiques que l'on retrouve encore aujourd'hui, 2 000 ans plus tard, avec par exemple l'abandon de la Nationale 7 au profit de l'autoroute, qui a laissé dans son sillon de nombreux villages sinistrés, minés par la fin du passage des touristes. "C'est un parallèle intéressant que l'on peut faire", confirme Emilie Dubreuck. 

Vous souhaitez visiter les fouilles ?

Pour la première fois depuis le début des fouilles, une journée d'ouverture au public est prévue le 27 juillet. Vous pourrez découvrir les fouilles en cours : "structures liées aux habitations, ateliers de métallurgie, et aussi voir toutes nos méthodes de fouille, la façon dont on travaille", explique Emilie Dubreuck. 

Pour visiter le chantier, c'est gratuit : les renseignements sont ici.

Chaque année, les campagnes de fouilles durent quatre à cinq semaines l'été. Les fouilles de Bragny-sur-Saône sont prévues jusqu'au 2 août, celles de Verdun-sur-le-Doubs jusqu'au 9 août.

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