Gel dans les vignes et vergers : le "stress permanent" des producteurs face aux caprices de la météo

Depuis les gelées calamiteuses du printemps 2021, le début du mois d'avril donne des sueurs froides à bon nombre de viticulteurs et arboriculteurs de Bourgogne. Mais si les basses températures des derniers jours n'ont pas causé de ravages, les producteurs redoutent d'autres aléas climatiques.

C'est une date scrutée avec appréhension depuis deux ans. En 2021, les premiers jours du mois d'avril avaient été synonymes de dégâts effroyables dans les vergers et les vignes bourguignons. La faute a un épisode de gel qui avait dévasté les cultures, sorties précocement à cause d'un hiver et début de printemps particulièrement doux.

Rebelote cette année ? Difficile d'en être certain à ce stade, malgré des températures frôlant voire atteignant le négatif ces 4 et 5 avril. "C'est encore un peu tôt pour parler des dégâts", admet Sébastien Martin, producteur notamment de cerises et de mirabelles à Jussy, dans l'Yonne. "La situation devient inquiétante quand la végétation sort en avance mais ce n'est pas le cas cette année. Il n'y a encore rien d'alarmant."

Les dégâts liés à la météo, grande inconnue de la saison

Plutôt "optimiste" pour le reste de la saison, l'arboriculteur s'attend tout de même à des pertes. "De toute façon, il faut que la sélection naturelle se fasse. Si on a beaucoup de fruits, c'est bien, sauf que ça veut dire qu'ils sont moins gros. Si ce n'est que 15 à 20% de pertes, ça ira." Et si ce chiffre paraît déjà élevé, il n'est en rien comparable au déficit des années précédentes. En 2022, la moitié de sa production s'est envolée - des bonnes ventes et moins de charges ont permis de compenser. Mais un an plus tôt, ce sont 95% de ses fruits qui ont été détruits par le froid.

À 250 km de là, à Charnay-lès-Mâcon (Saône-et-Loire), on se souvient aussi de 2021 comme d'une année noire. "On a eu de gros dégâts dans nos vignes. Ça nous donnait vraiment des sueurs froides", se souvient Marine Ferrand. "Depuis plusieurs années, la crainte des gelées ça devient récurrent. Jusqu'à mi-mai, c'est un stress permanent."

Dans ce domaine spécialisé dans les Grands Vins de Bourgogne, aucun dégât grave n'est encore, là non plus, à déplorer. "On se prépare depuis la semaine dernière. Ce matin on était presque à 0 degré. Chaque jour, on passe près de la catastrophe", souligne la viticultrice. La crainte, désormais, c'est que le froid ait causé des dégâts sournois, qui ne seront visibles que dans quelques semaines. "Mais pour le moment on ne sait pas ce que ça va donner."

"La culture, ça devient de plus en plus compliqué"

Reste que ces gelées printanières sont un caillou de plus dans la chaussure des viticulteurs et arboriculteurs. "Si ça s'arrêtait au gel, on se dirait heureux. Mais il y a encore plein d'obstacles derrière", explique Catherine Chambard. Ces obstacles, ce sont notamment la grêle, la sécheresse... et dans le cas des cerises, la "Drosophila suzukii", un insecte ravageur véritable fléau des vergers. La productrice de cerises icaunaise l'affirme : "La culture, ça devient vraiment de plus en plus compliqué."

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On peut travailler comme des forcenés pour que tout soit détruit en un claquement de doigts.

Marine Ferrand,

viticultrice à Charnay-lès-Mâcon

"À l'époque de nos grands-parents, ils savaient qu'ils pouvaient avoir une mauvaise récolte tous les 5 ou 10 ans. Nous, depuis six ans, ça peut être une mauvaise récolte par an", soupire Marine Ferrand. "On peut travailler comme des forcenés pour que tout soit détruit en un claquement de doigts. Faire tout ça pour ne rien avoir à la fin, c'est difficile."

Protéger ou ne pas protéger ?

Pour faire face aux aléas climatiques et notamment au gel, certains producteurs font le choix de protéger leurs cultures. C'est le cas par exemple de Laurent Gondard, vigneron dans le Mâconnais. Après avoir perdu 70% de sa récolte l'an dernier, il a investi dans de l'équipement spécialisé qui lui permet de "souffler du chaud" sur ses vignes. "À 16 000 euros l'appareil, c'est un coût énorme pour le peu de superficie que ça permet de protéger", avoue-t-il. "D'autant que des fois, à 0,5 degré près, ça peut faire toute la différence."

Mais pour d'autres, impossible d'installer de tels dispositifs. "Le coût de la protection est très important, c'est vrai. Et puis il y a aussi la question de la logistique, qui est extrêmement compliquée", affirme Marine Ferrand. "Dans l'Yonne, nos parcelles sont petites et escarpées. On ne peut pas facilement installer des protections partout.", ajoute Catherine Chambard. "Aujourd'hui, on n'a juste pas les moyens de se protéger !"

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