Elle fut la première femme française à explorer l'espace. 26 ans après sa première mission à bord de la station Mir, Claudie Haigneré salue l'intégration de Sophie Adenot au sein de l'Agence spatiale européenne. Coïncidence : les deux femmes sont originaires de Bourgogne.
Elle est une pionnière de l'exploration spatiale, et un modèle pour toute une génération. Claudie Haigneré, 65 ans, originaire du Creusot en Saône-et-Loire, a répondu à France 3 Bourgogne au lendemain de la nomination de Sophie Adenot, deuxième femme française à intégrer le corps des astronautes professionnels à l'Agence spatiale européenne.
Quelle a été votre réaction à la nomination de Sophie Adenot, qui est la deuxième Française, après vous, à devenir astronaute ?
Claudie Haigneré : "Vous avez vu le CV et toutes les compétences de Sophie : c'est vraiment une jeune femme exceptionnelle, que j'ai eu la chance de suivre pendant plusieurs étapes de la sélection. Elle a des compétences multiples, à la fois ingénieure, chercheure au MIT, pilote d'essai d'hélicoptère... Et c'est une très belle personnalité, une jeune femme généreuse qui fait beaucoup pour l'attractivité des sciences et technologies pour la jeune génération à venir."
C'est important aussi, c'est vrai, que ce soit une femme. Parce que des femmes qui incarnent ces métiers qui font rêver, d'ingénieure, d'astronaute, il n'y en a pas beaucoup !
Claudie Haigneré
"J'ai essayé de le faire à mon niveau ces dernières années, mais je crois que l'on a besoin de pouvoir offrir cette inspiration, cet enthousiasme, cette possibilité de tenter le rêve avec des personnes féminines aux côtés de nos collègues masculins, pour que les petites filles, autant que les petits garçons, puissent se dire que les rêves sont possibles et qu'en travaillant beaucoup, on peut y parvenir. Ce sera une très belle illustration de ces possibilités d'avenir pour la jeune génération qui veut embrasser ces métiers de la science et de la technique."
Sophie Adenot vous cite comme un "modèle". Elle raconte que, plus jeune, elle se rendait à chaque salon du Bourget pour tenter de vous apercevoir. Elle dit : "Sans elle, je ne serais pas là aujourd'hui."
Claudie Haigneré : "Ça me fait très plaisir parce que c'est que ce que j'ai essayé de transmettre avec le plus de générosité possible, en allant dans les écoles, les universités, les salons, les conférences, en me disant : 'Peut-être qu'à un moment donné, on va allumer une petite étincelle, provoquer un déclic.' J'ai eu pas mal de retours de jeunes femmes, qui étaient petites filles à l'époque, et qui m'ont dit un peu ce que Sophie a dit ces derniers jours ; que c'était une porte qui s'ouvrait un peu plus."
"Si j'ai été à l'origine de ce déclic, j'en suis très heureuse. Mais Sophie, à la limite, elle n'avait pas besoin de déclic (rires) ! C'est une personnalité forte, très engagée, qui s'est construit pas à pas l'aventure de sa vie, et on sent chez elle cette âme d'exploratrice."
Claudie Haigneré
"De plus, vous l'avez vu, il y a tout de même pas mal de jeunes femmes dans la promotion des nouveaux astronautes 2022. À la fois dans le corps des cinq astronautes professionnels [trois hommes et deux femmes, ndlr] et dans le corps de réserve, on est presque à 50% d'hommes et de femmes, donc une diversité beaucoup plus représentative de notre société. Cela va contribuer à faire augmenter cette présence des femmes dans ces métiers qui sont encore catalogués comme strictement masculins."
Il se trouve que vous êtes toutes les deux originaires de Bourgogne : vous venez du Creusot, et Sophie Adenot a grandi dans la Nièvre, à Corbigny et Imphy...
Claudie Haigneré : "Je crois que c'est une coïncidence totale ! Mais il y a aussi Jean-François Clervoy, qui a été sélectionné en même temps que moi, qui a des origines bourguignonnes très fortes et qui vient du Creusot. Nous sommes de la même ville !"
"Donc vous voyez à quel point, effectivement, la Bourgogne regorge de talents... Mais vous le saviez déjà (rires)."
Claudie Haigneré
"Par ailleurs, Sophie Adenot et l'astronaute français du corps de réserve Arnaud Prost, comme Thomas Pesquet, sont des élèves de Supaéro [l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, basé à Toulouse, ndlr]. Il y a plein de liens, des moments qui se rencontrent. Des fois on ne sait pas pourquoi, d'autres fois parce qu'on sait que ce sont de bonnes écoles qui forment à de beaux métiers."
Vous disiez que vous aviez pu suivre Sophie Adenot pendant la sélection. Quels liens avez-vous avec elle ?
Claudie Haigneré : "Je la connais par téléphone et je l'ai croisée à la dernière grande réunion internationale d'astronautique à Paris il y a quelques mois. J'ai beaucoup échangé avec elle par téléphone, et avec d'autres jeunes femmes et hommes qui m'ont contactée parce que cette carrière d'astronaute, c'est quand même un métier particulier. Ils avaient des questions sur le plan des compétences professionnelles, sur l'organisation de la vie, sur la patience à l'entraînement... Et nous ne sommes pas tellement nombreux à avoir eu la chance de faire cette carrière-là.
Ce qui est intéressant avec Sophie, c'est que c'est une jeune femme très généreuse dans le partage, la transmission, la reconnaissance des aînés. Elle est aussi marraine de l'association Ose, pour justement encourager de jeunes femmes vers des carrières scientifiques. Elle a déjà tout ce parcours d'accompagnement des autres."
"Comme on dit dans notre métier : il faut toujours viser la Lune, parce qu'en cas d'échec, on retombe dans les étoiles."
Claudie Haigneré