LGV Paris-Lyon : 30 ans après, les associations contre les nuisances sonores du TGV à Cluny obtiennent une première avancée

Après 30 ans de combat, deux associations de Cluny (Saône-et-Loire) viennent d'obtenir une première avancée contre les nuisances sonores des TGV dans leur commune. La SNCF va ouvrir une étude, pour voir si une réduction de vitesse est envisageable, afin d'améliorer la qualité de vie des habitants.

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"Cette fois-ci, on a les élus de notre côté". Ces mots, ce sont ceux pleins d'espoir de Martine Lafond, enseignante à la retraite, mais surtout présidente de l'association "Chut+s", diminutif de Cluny et ses Habitants Unis pour un Tgv plus Silencieux. Depuis 30 ans maintenant, cette Clunysoise se bat pour faire ralentir le TGV sur la ligne Paris-Lyon, à hauteur de sa commune qui subit les conséquences directes du passage de "ce joyau de l'industrie française".

Son objectif ? "Obtenir l'égalité territoriale pour les nuisances sonores entre les différentes lignes à grand vitesse". Car la ligne grande vitesse (LGV) Paris-Lyon, première a voir été mise en service en 1981, n'est à ce jour pas concernée par les normes les plus récentes en matière de bruit : les trains peuvent y émettre jusqu'à 70 dB en circulant, contre 60 dB pour les autres LGV, comme la Lyon-Marseille.

Mais jusqu'à présent, ce long combat de Martine et de son association n'avait rien donné. Pour cause, peu nombreux étaient ceux qui prenaient le risque d'évoquer le problème des nuisances du TGV, par peur de conséquences sur l'économie de la ville, basée largement sur le tourisme. "Avant il ne fallait pas trop le dire, parce que ça allait faire de la mauvaise publicité, donc on cachait un peu la poussière sous le tapis", explique-t-elle.

L'explosion du trafic sur la LGV, devenue "un métro"

À l'été 2023, les choses commencent pourtant à bouger. SNCF Réseau, le gestionnaire des infrastructures, a alors pour projet d'augmenter le nombre de trains en circulation sur la ligne Paris-Lyon. Ce n'est pas un hasard : il s'agit de la plus rentable de France. Elle représente 33% du trafic grande vitesse à elle seule. La maire de Cluny Marie Fauvet (DVG) prend en main le dossier, afin d'essayer de se faire entendre auprès de l'entreprise ferroviaire.

Pour justifier cette prise de conscience tardive, la maire de Cluny met en évidence sa récente élection en 2020, mais également l'évolution du dossier depuis 40 ans. "Ce n'est bien sûr pas une nouvelle ligne, mais c’en est presque une au vu de l’explosion du trafic. Dans les années 1980, nous n'avions que 70 à 80 trains par jour". Actuellement, selon les chiffres de la SNCF, 240 trains circulent sur la ligne chaque jour, et après des travaux prévus dans les prochains mois, 300 TGV pourraient quotidiennement passer devant Cluny. "On arrive sur un système de métro", glisse l'édile.

De l’avis même de la SNCF, le tracé ne se ferait pas de la même manière si la ligne était conçue aujourd’hui. Ils considèrent désormais que ce n'était pas le tracé le plus judicieux. Mais à cette époque là, le seul but, c’était montrer la modernité par le TGV.

Marie Fauvet

Maire (DVG) de Cluny

Des conséquences sur le tourisme, l'urbanisation, et la santé

Ces nuisances sonores ne sont pas que des bruits désagréables au quotidien pour les près de 5 000 Clunysois. Elles ont des conséquences sur leur santé, avec des risques d'acouphènes, de surdité ou de perturbation du sommeil, comme le rappelle le Ministère concerné sur son site internet. Mais le développement économique de la ville est aussi impacté. "La ville ne s'étend plus que vers l'ouest, loin des nuisances du TGV", souligne Martine Lafond, avant de rajouter que "du côté de la LGV, plus personne ne veut s'installer". 

Sur les annonces immobilières de la ville, il est marqué "sans nuisances" comme critère de vente.

Martine Lafond

Présidente de l'association Chut+S

Mais tous sont unanimes sur le lieu le plus pénalisé par cette pollution sonore : le camping municipal Saint-Vital, situé à 200m des voies. "Il est vide ! Les gens ne restent qu'une nuit ou deux, avant de partir à cause du bruit, incessant entre 6h du matin et 23h". Des faits confirmés par l'office de tourisme de Cluny Sud-Bourgogne, qui dit recevoir régulièrement ce genre de remontées, évoquant un "frein pour les zones économiques".

Une première réunion avec la SNCF en juillet dernier

Pour appuyer le dossier, la maire de Cluny a sollicité la sénatrice de Saône-et-Loire Marie Mercier (LR), à la fin du mois d'août 2023, avec l'espoir d'interpeller SNCF Réseau. Pas si facile, rapporte la sénatrice : "La SNCF avait un vrai problème d'écoute, il fallait réussir à les intéresser au sujet". Finalement, le 9 juillet dernier, Maxime Chatard, le directeur territorial Bourgogne-Franche-Comté du gestionnaire du réseau, et Jean-Philippe Regairaz, chargé des nuisances sonores à la SNCF, se sont rendus à Cluny pour assister à une réunion avec les militants et la collectivité.

Mais l'objectif de Martine Lafond, en faisant se déplacer les représentants de l'entreprise ferroviaire, était aussi qu'ils se rendent compte de la réalité du terrain. Objectif atteint : "Ils ont été très surpris par le bruit", raconte-t-elle. D'autant plus que contrairement aux dossiers similaires sur d'autres LGV, ici, la compagnie sait qu'elle en est pleinement responsable.

La défense habituelle de la SNCF en cas de nuisances sonores, c'est de dire que le train est arrivé bien avant les logements situés à proximité. Mais ici, ce n'est pas le cas : la LGV est arrivée bien après.

Marie Mercier

Sénatrice LR de Saône-et-Loire

Finalement, les différents participants à la réunion ressortent satisfaits. Les échanges se sont bien déroulés, dans le calme, et ont abouti à la promesse, par la SNCF, du lancement d'une étude concernant un potentiel ralentissement des rames à hauteur de Cluny. "Nous, on ne veut pas gêner les TGV, c'est l'affaire d'une minute trente de plus sur le parcours du train, qu'il peut en plus rapidement rattraper derrière", expose Martine.

De quoi faire baisser les nuisances de 5 décibels, ce qui serait un grand pas vers la norme des 60 décibels sur les autres LGV. Mais surtout de la qualité de vie retrouvée, puisqu'une baisse de ce niveau équivaut à la construction d'un mur antibruit, dispositif par ailleurs inefficace à Cluny en raison de la géographie des lieux.

Pour la sénatrice Marie Mercier, il n'y a rien d'étonnant à ce que le dossier avance enfin, même si la mise en route a été compliquée. "Nous n’avons pas affaire à des militants bornés : ils ne demandent pas de démonter le TGV, mais simplement de baisser la vitesse de 270 à 180 km/h sur sept kilomètres. La minute trente se rattrape déjà en cas de retard des trains, alors je pense qu’il faut faire rentrer dans la norme de ces rattrapages de temps qui sont exceptionnels".

Premier point d'étape sur l'étude en fin d'année

Dans quelques semaines, le président de l'APVLC (Association de Protection du Val Lamartinien et du site de Cluny), l'autre association Clunysienne engagée sur le dossier aux côtés de Chut+S, transmettra certaines données relevées par les militants pour aider la SNCF dans son étude. Le prochain rendez-vous est fixé : un point sur l'étude sera fait en fin d'année, a promis l'entreprise ferroviaire.

Marie Mercier promet de ne pas lâcher le dossier, et même de surveiller de très près les engagements de SNCF Réseau : "C'est une démarche très constructive, il faut en tenir compte", justifie-t-elle. En attendant, la ville de Cluny porte toujours, avec le département, la candidature de ses sites historiques à l'Unesco. Une candidature "conditionnée à la baisse de vitesse des TGV", conclut la sénatrice.

Contactée, SNCF Réseau n'a pour l'heure pas donné suite à nos demandes d'interviews à ce sujet.

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