Les vignobles de Bourgogne sont-ils menacés par le réchauffement climatique ?

Avec un réchauffement de la planète de 2 degrés, plus de la moitié des régions viticoles actuelles pourraient disparaitre, selon une étude publiée le 28 janvier dans la revue américaine PNAS. En Bourgogne, les cépages pourraient être menacés.

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Le vin de Bourgogne est-il menacé par le réchauffement climatique ? Selon une étude de la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), publiée mardi 28 janvier 2020, plus d’une région viticole sur deux dans le monde pourrait ne plus être apte à la culture viticole actuelle.

Avec un réchauffement de la planète de 2 degrés, cela concernerait 56% des régions viticoles. Si la planète se réchauffe de 4 degrés, le chiffre monte à 85%. L’accord de Paris sur le climat vise pourtant à limiter la hausse de la température à deux degrés d’ici à 2100, par rapport à l’ère préindustrielle.
 


Cette étude a été réalisée par des chercheurs américains et français de l’Institut national de recherche en agriculture, alimentation et environnement (Inrae). Selon leurs recherches, les pays méditerranéens comme l’Italie ou l’Espagne pourraient être particulièrement touchés.

Les pays en zones tempérées, comme la France, perdraient 20% de leurs régions viticoles, mais en gagneraient 20% sur d'autres zones. Les régions avec des latitudes plus élevées, comme la Nouvelle-Zélande ou le nord des Etats-Unis, bénéficieraient quant à elles de ce réchauffement climatique avec de nouvelles zones cultivables.
 

En Bourgogne, vers un changement des cépages ?


En Bourgogne, le réchauffement climatique pourrait avoir des effets très concrets. Pour l’instant, deux cépages constituent plus de 80% du vignoble : le chardonnay et le pinot noir. Mais ce dernier est menacé.

"Le pinot et le chasselas diminueraient, y compris en Bourgogne, mais ils pourraient être remplacés par d’autres cépages, comme le mourvedre, le grenache ou encore la syrah", indique l’étude. Ces nouveaux cépages sont pour l’instant utilisés dans des régions comme l’Espagne, l’Italie et le sud de la France.
  

"La Bourgogne doit garder son identité"


Ces conclusions feraient presque sourire Jean-Claude Rateau. Le domaine de ce viticulteur est situé à Beaune, en Côte-d’Or. Pour lui, pas question d’utiliser ces nouveaux cépages. "Ça ferait du vin complètement différent. La Bourgogne doit garder son identité. Si on change de cépage, on fera surement du bon vin, mais on va perdre ce qui fait notre identité", fait remarquer Jean-Claude Rateau.

Nous l’avons retrouvé au pied de vignes un peu particulières. Car ce viticulteur est également responsable du conservatoire des anciens cépages bourguignons, lancé en 2016 par le GEST (Groupement d'Etude et de Suivi des Terroirs). Sur cette parcelle, les vignerons ont réussi à rassembler une cinquantaine d'anciens cépages locaux. Objectif : préserver ces cépages autrefois cultivés en Bourgogne, et surtout les étudier pour évaluer leur adaptation aux changements climatiques.
 

Si Jean-Claude Rateau ne compte pas importer des cépages de régions du sud, il veut quand même trouver des solutions au réchauffement climatique.
 

Dans les années 1970 - 1980, les viticulteurs bourguignons ont sélectionné une variété de pinot noir qui développait bien le sucre des raisins et donnait un bon taux d’alcool pour le vin. Aujourd’hui, avec les températures plus élevées, ils ont tendance à faire des vins trop sucrés. Il faut donc essayer de trouver d’autres variétés.
        Jean-Claude Rateau - responsable du conservatoire des anciens cépages bourguignons
 

Ces variétés viendraient dans les parcelles pour compléter le pinot noir et le chardonnay. Car selon lui, ces derniers pourront perdurer en Bourgogne. "Ils peuvent fonctionner même s’il fait plus chaud, à condition de bien sélectionner les souches. Il faut choisir celles qui produisent du raisin pas trop alcoolisé, avec de belles acidités, note-t-il. Ce travail est mené par la fondation du pinot noir ou encore par la chambre d’agriculture. En ce moment, beaucoup d’efforts sont faits".

En parcourant les différents cépages présents dans le conservatoire, Jean-Claude Rateau poursuit : "Le saint-laurent, par exemple, est un cépage beaucoup utilisé en Autriche et qui ressemble beaucoup au pinot noir. L’idée, c’est peut-être de l’implanter en Bourgogne, pour voir comment il réagit. On est en pleine réflexion".

Selon lui, il faut environ 20 ans pour bien tester un cépage. Car cela nécessite trois étapes : d’abord l’implantation dans le conservatoire, puis le développement de vignes de production, pour pouvoir déguster le vin et voir ses caractéristiques. Dernière étape : planter des parcelles et voir la vinification à grand volume.
 
 

Des vendanges de plus en plus précoces


En attendant, les effets du réchauffement climatique ont déjà des effets concrets sur les vignobles bourguignons. "Certains viticulteurs sont inquiets. L’an dernier, certaines cuvées sont montées à un taux d’alcool de 16 degrés", remarque Jean-Claude Rateau.

Et d’années en années, les vendanges se font de de plus en plus tôt. C’est ce qu’a remarqué Thomas Labbé, chercheur à la maison des sciences de l’homme à l’université de Bourgogne. Il a publié en 2019 une étude sur les dates des vendanges en Bourgogne, et plus particulièrement à Beaune, dans la revue Climat of the past.
 
Le constat est clair : jusqu’en 1987, elles se faisaient en moyenne à partir du 28 septembre. Et ce depuis le Moyen-Âge. Mais à partir de 1988, les choses ont changé. Les vendanges commencent en moyenne 13 jours plus tôt, le 15 septembre.
 
Vignes
Infogram

"C’est de toute façon lié au changement climatique. Les vignes sont dépendantes des températures, elles suivent le mouvement", fait remarquer Thomas Labbé. Et le chercheur est formel : les vendanges seront de toutes manières de plus en plus précoces en cas de réchauffement climatique, sauf si les viticulteurs adaptent les cépages.

Jeudi 30 janvier, les nouvelles prévisions sur le réchauffement climatique sont plutôt alarmantes. Selon le Met Office, le service météo britannique, les cinq prochaines années pourraient être les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde. D’ici 2024, la température devrait s’établir entre 1,15 et 1,46 degrés au-dessus de l’ère préindustrielle.
 
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