80 ans après, elle retrouve des objets ayant appartenu à son oncle résistant et déporté : "c'est trop d'émotion"

Ce vendredi 10 novembre 2023, Josette Perrier, 80 ans a reçu à Joigny (Yonne) plusieurs objets ayant appartenu à son oncle, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Il avait été arrêté par les nazis avant de mourir dans un camp en Allemagne.

Dans le cadre de l'inauguration de l'exposition itinérante Stolen Memory, au sein du lycée Louis Davier de Joigny (Yonne), l'Icaunaise Josette Perrier a reçu des objets d'une très grande valeur sentimentale. Ils ont appartenu à son oncle Raymond Secrétin, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale et tué par les nazis en 1945.

Une remise permise par les archives Arolsen, dont la mission est de relier les descendants de déportés à leurs proches disparus. Depuis le lancement en 2016 de l'opération #StolenMemory, les archives ont pu retrouver 700 familles. 

Deux oncles emmenés dans un camp de concentration

En ouvrant une petite boîte bleue, Josette Perrier remonte le temps : le portefeuille de son oncle, une place de cinéma ou encore des bons de cuir pour ressemeler des chaussures... quelques objets qui ont traversé les époques.

L'octogénaire a un lien particulier avec son oncle Raymond Secrétin. "Je suis née dans la boulangerie qu'il tenait avec ses parents, à Bleury. J'ai le souvenir d'avoir fait du mouton avec mes grands-parents avant qu'ils ne soient partis en déportation", se souvient-elle.

Arrêtés à la prison d'Auxerre, Raymond et son frère Gilbert Secrétin ont été torturés avant d'être emmenés à Compiègne puis au camp de concentration de Neuengamme, au nord de l'Allemagne, où ils ont été vus pour la dernière fois. "Beaucoup de monde leur doit la vie. Là-bas, ils donnaient à manger à ceux qui étaient plus faibles, ils leur offraient des places plus confortables. J'ai redécouvert tout ça dans les archives de ma grand-mère", explique-t-elle. 

Toute mon enfance, j'étais plongée là-dedans. Je n'osais pas poser de question.

Josette Perrier

"Toute mon enfance, j'étais plongée là-dedans. Je n'osais pas poser de question... Mes grands-parents étaient tellement tristes. Maintenant, je crois que j'ai hâte de tourner la page. C'est trop d'émotion", lâche-t-elle en sanglots.

Patrice Pauly travaille au sein des archives Arolsen. Son travail a permis de retrouver une soixantaine de familles de déportés. "Quand on leur remet des objets, c'est à chaque fois troublant et chargé. Il y a des fois où les familles ne connaissent pas l'histoire de leur proche déporté. Les gens sont toujours très émus, donc forcément on ne reste pas insensible à ça", souffle-t-elle à côté du conteneur dans lequel a lieu l'exposition Stolen Memory.

Prolonger la mémoire décennie après décennie

"Ces objets n'appartiennent pas aux archives mais aux familles de déportés. C'est très important de pouvoir les remettre aux familles. C'est aussi une façon de leur rendre à nouveau hommage, de se souvenir d'eux. Même si les personnes qui les reçoivent sont âgées, elles ont des enfants, des petits-enfants... Donc elles vont partager ça. Ça prolonge le souvenir de ces déportés", continue-t-elle.

Bernard Moraine, ancien maire de Joigny et président de l'Association Résistance Déportation Yonne (ARDY), était présent au lycée Davier. "Les aïeux de cette femme, qui sont partis loin de leur petit village de l'Yonne, sont en quelque sorte revenus aujourd'hui. C'est très émouvant car cette famille a toujours vécu dans le deuil de ces jeunes garçons déportés, qui se sont battus contre l'obscurantisme."

S'il admet qu'il n'est pas le public cible de l'exposition, il juge essentiel le fait qu'elle se trouve dans un lycée. "C'est beaucoup plus utile de toucher les jeunes qui sont parfois intoxiqués par la négation de tous ces faits. Notre travail, c'est celui de la transmission. L'extrême droite est encore bien présente ici et il faut rappeler que ces idées nauséabondes ont amené des millions de morts. Et on est des millions à ne pas vouloir revivre ça au XXIe siècle."

Si l'exposition Stolen Memory a lieu depuis le 19 octobre, son inauguration a été décalée en raison des vacances et du contexte au Proche-Orient. Elle se tiendra jusqu'au mardi 14 novembre.