De nombreux Bourguignons ont pu le remarquer : les feuilles restent vertes dans le Morvan en ce mois d’octobre. Si ce constat contraste avec les couleurs automnales du reste de la région, est-ce si inédit ?
"Les arbres sont bien verts", remarque Véronique Lebourgeois, au Parc Naturel Régional du Morvan, depuis sa fenêtre. Pour la chargée de mission Eau, Rivières et Climat, il n’y a rien de bien alarmant en ce début de mois d’octobre.
Ce constat semble pourtant trancher avec les fortes températures de cet été et la sécheresse. Les chaleurs estivales laisseraient en effet penser que les feuilles jauniraient plus tôt. Mais ce n’est pas si simple.
Des arbres verdoyants en automne ? "Rien d’exceptionnel"
Patrice Dussouillez, de l’ONF Bourgogne-Franche-Comté, l’explique : "Si les forêts sont encore vertes, c’est lié à trois éléments. D’abord, la sécheresse de cet été, combiné à un mois de septembre très pluvieux. Ensuite, cet automne doux sans gelées significatives qui a permis aux arbres de ne pas jaunir prématurément."
Un phénomène qui n’a "rien d’exceptionnel". "À chaque fois qu’il y a une période estivale très sèche, on remarque cet effet. C’est comme une réaction", détaille le chef de projet de l’ONF. La période douce et le feuillage vert accentuent même la "photosynthèse". Dans ce processus, ce sont les pigments verts de la chlorophylle qui permettent aux végétaux de former des réserves en absorbant la lumière du soleil, l’eau et le dioxyde de carbone et "d’effectuer des réserves pour l’hiver". Quand les feuilles deviennent jaunes ou rouges en automne, c’est qu’elles ne produisent plus de chlorophylle. Elles arrêtent donc de se nourrir.
Des saisons qui se décalent
Les signes de l’automne peu perceptibles dans le Morvan seraient-ils la conséquence du dérèglement climatique ? Véronique Lebourgeois du Parc naturel régional du Morvan répond : "Aucune étude ne permet d’établir aujourd’hui un lien entre des signes d’un automne tardif et le réchauffement climatique. Peut-être est-ce le cas. Mais nous n’avons pas assez de données suffisantes pour l’affirmer."
Les études permettent uniquement d’établir une précocité de l’été et du printemps. Ces saisons semblent s'annoncer avec deux semaines d'avance. Véronique Lebourgeois étaye cet argument : "Il y a des indicateurs sur le long terme. Pour les vendanges, par exemple, on les effectue désormais mi-août, soit 2 à 3 semaines plus tôt qu’auparavant. Au niveau des floraisons, et particulièrement pour les cultures de pommes, les dates sont avancées aussi. Et ce n'est pas sans conséquence sur la biodiversité. Comme pour les mésanges bleues et les mésanges charbonnières qui pondent leurs œufs plus tôt." Il faut cependant rester prudents, comme le conseille la chargée de mission, car "une année ne fait pas l'autre".
Adapter les espèces cultivées
Ces variations climatiques sont aussi à prendre en compte dans les exploitations agricoles. C’est ce qu'explique Frédéric Naudet, pépiniériste dans le Morvan et président de l’association française du sapin de Noël (AFSN) : "Il faut choisir les essences les plus adaptées".
Les changements de météo peuvent en effet avoir des conséquences sur la bonne croissance des arbres. "Par exemple, nous devons migrer nos espèces septentrionales vers le Nord car elles sont plus frugales en eau. Il faut savoir s’adapter à des dons d’eau plus rares" , reconnaît-il. Pas de quoi inquiéter Frédéric Naudet. Car le cultivateur a pris les devants, et le confirme : ses arbres sont eux aussi bien verts.