​​​​​​​ Coronavirus COVID19 : pourquoi un pharmacien d’Auxerre fait 360 km pour acheter du gel hydroalcoolique à Paris ?

Un pharmacien d’Auxerre multiplie les allers-retours entre Paris et l’Yonne pour aller chercher des litres de solution hydroalcoolique. Un produit indispensable, mais pas si facile à trouver, alors que l’épidémie de coronavirus COVID-19 continue à se répandre.

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Pourquoi vend-on de la solution hydroalcoolique dans des cubis de vin ? 


Elie Henriot est pharmacien à Auxerre. En l’espace de quelques jours, il s’est rendu trois fois à la pharmacie Delpech, dans le 6e arrondissement de Paris, pour acheter plusieurs litres de solution hydroalcoolique. Cette pharmacie parisienne a obtenu l’autorisation de fabriquer chaque jour 10 000 litres de produit antibactérien indispensable en temps d’épidémie de coronavirus.

Preuve que l’on vit une situation exceptionnelle : la fabrication se fait dans un laboratoire à ciel ouvert, installé dans la rue. Puis, le produit est versé dans des cubis de vin "parce qu’il n’y avait rien d’autre" de disponible.

Elie Henriot a déjà fait le voyage trois fois pour s’approvisionner à la capitale : "la première fois, j’ai pris 25 litres qui sont partis l’après-midi même. La seconde fois, j’ai acheté 40 litres qui ont duré un jour et demi. Ce matin, je suis revenu et j’ai pris 150 litres. J’espère que ça durera plus d’une semaine. J’ai aussi pris 150 litres pour un autre pharmacien. Dans l’Yonne, il n’y a pas de structure capable de produire une telle quantité de produit : il n’y a pas assez de matières premières, pas assez de flacons, etc."

 
 

Faire 360 kilomètres aller-retour pour acheter du liquide antibactérien, ça vaut vraiment le coup ?

"On rentre tout juste dans nos frais quand on fait le voyage", répond le pharmacien de l’Yonne. Mais, ajoute-t-il, "on n’y va pas pour faire des bénéfices. De toute façon, les prix sont réglementés par le gouvernement. C’est avant tout de l’entraide, on vient pour approvisionner nos clients et nos collègues. Ce que j’ai rapporté va servir notamment à des infirmiers, qui sont nombreux à nous avoir contactés."

Une fois de retour à la pharmacie Sainte-Geneviève, à Auxerre, il faut transvaser le produit dans des flacons. Mais, là encore, les contenants sont de plus en plus difficiles à trouver. 
 

On ne s’attendait pas à une épidémie d’une telle ampleur.


“Il y a quelques jours, on avait réussi à en acheter sur Amazon, mais il n’y en a plus. Comme tout le monde, on a été surpris. On ne s’attendait pas à une épidémie d’une telle ampleur. Aujourd’hui, grâce à quelques grosses pharmacies et aux efforts de certains industriels (comme les liquoristes ou les fabricants de cosmétiques qui réorientent leur production pour fabriquer du gel hydroalcoolique), on commence quand même à remonter un peu la pente."

 

 

Les pharmaciens courent aussi après les masques, les gants et bientôt peut-être certains médicaments


Rien que pour les hôpitaux et les Ehpad, il faudrait 40 millions de masques par semaine. Sans compter les besoins des autres personnels soignants, des policiers, des pompiers, des caissiers ou des livreurs qui souffrent eux-aussi du manque d'équipement de protection. Face à cette situation, la France a dû commander un milliard de masques en Chine. Une première livraison a eu lieu lundi 30 mars et une seconde cargaison est attendue mercredi 1er avril.

"On attendait une nouvelle dotation de masques de l’Etat", confirme Elie Henriot. "La livraison devait avoir lieu ce mercredi à la pharmacie, mais on n'a rien reçu… Quand elle arrivera, ce sera la troisième dotation. La première fois, on en reçu 300 et le deuxième fois 500. Tout est parti en une matinée. Ces masques sont destinés uniquement aux professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens). Chacun reçoit 18 masques par semaine alors qu’ils doivent en changer toutes les trois heures. Les kinés, eux, n’ont droit qu’à 5 masques par semaine."
 

Nous, à la pharmacie, on a choisi de réduire les horaires d’ouverture pour faire durer nos masques : on ferme à 19h au lieu de 20h. Ce n’est pas grand chose, mais c’est déjà ça.


Comme tous ses collègues de France, le pharmacien auxerrois passe des heures à essayer de s’approvisionner. Outre le gel hydroalcoolique et les masques, "les gants aussi deviennent de plus en plus difficiles à trouver", dit-il. Sans parler de l’approvisionnement qui pourrait devenir de plus en plus difficile pour certains médicaments.


 
 

Pourquoi les pharmaciens doivent-ils être plus à l’écoute que d’habitude ?

"Nous sommes une pharmacie de quartier, située juste entre l’hôpital d’Auxerre et l’antenne de SOS Médecins. On a donc un flux important de patients toute l’année, mais depuis le début de l’épidémie, on en a encore plus. On a calculé qu’en mars 2019, on avait vu passer environ 4 000 clients. Et là, on en a eu 5 200.

Plus que jamais, on a un rôle d’écoute très important. On voit de nombreuses personnes enfermées chez elles, qui ont besoin de parler.

On fait aussi beaucoup de pédagogie. On explique pourquoi il y a un confinement, à quoi ça sert, etc.
 

Certaines personnes ont tellement peur qu’elles se lavent les mains 50 ou 60 fois par jour avec du liquide vaisselle, du gel douche, etc. Résultat : certains arrivent presque avec la peau en sang.


Nous avons aussi développé nos livraisons de médicaments à domicile, surtout pour nos patients âgés. Ordinairement, on en fait 3 ou 4 par jour. En ce moment, c’est une dizaine par jour."

 

 

L’épidémie de coronavirus va-t-elle changer le métier de pharmacien ?


Chez les pharmaciens, comme dans de nombreux secteurs, le numérique prend-il une place plus importante actuellement ?
"En effet, on recoit beaucoup plus d’ordonnances par mail. Est-ce que cela va continuer une fois que l’épidémie sera finie ? On verra."

Et quand le gouvernement évoque une vaste campagne de tests de dépistage du coronavirus dans les mois à venir, quel rôle les pharmacies pourraient-elles jouer ?
"Dans le cas de la sortie du confinement, je pense que les pharmaciens sont capables, en lien avec les autres soignants (médecins, infirmiers etc) de réaliser des tests de grande ampleur si nous avons les moyens adéquats (surblouses, masques, gants...).

Pour exemple - même si le geste n'est pas le même - nous avons depuis octobre dernier participé massivement à la campagne de vaccination contre la grippe dans toute la France, avec des protocoles bien établis et des mesures d'hygiènes strictes. Nous sommes donc capables de participer à des campagnes particulières pour le bénéfice du patient et donc de la santé publique.

D’ailleurs, si l’épidémie n’avait pas tout arrêté et paralysé le pays, actuellement nous devrions pratiquer en pharmacie le dépistage rapide des angines (pour savoir si le patient souffre d’une angine virale ou bactérienne, afin de l’orienter vers un médecin s’il s’agit d'une angine bactérienne). Ce test est similaire au dépistage Covid-19, puisque nous utilisons un coton tige que nous "badigeonnons" dans la gorge (au lieu des narines pour le Covid19). "
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