Déconfinement : Mon retour chez le coiffeur, après 2 mois de laisser-aller

Les coiffeurs peuvent à nouveau recevoir des clients depuis ce lundi 11 mai. Pour éviter de prendre le moindre risque, un protocole sanitaire a été mis en place. Petit aperçu de ce qui vous attend quand vous retournerez dans votre salon favori.

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Cela faisait trois mois que je n'avais pas mis les pieds dans un salon de coiffure. Eh oui, contrairement à ce que pourraient croire nos fidèles téléspectateurs, les journalistes travaillant pour la télévision n'ont pas eu plus de passe-droit que les autres durant cette période de confinement : ni maquilleuse, ni coiffeur(se)...à l'exception des conjoint(e)s qui savent manier le peigne et les ciseaux bien évidemment. 
 


Alors, comme ce fut le cas pour tout le monde (à l'exception des chauves, grands gagnants de ce confinement) mes cheveux ont poussé et encore poussé. Une sorte de retour dans les années 1970, que je commençais peu à peu à assumer. Mais la tentation du coup de ciseaux était trop forte ! Quelques jours avant le déconfinement, je me jette sur mon téléphone et décide de prendre rendez-vous. Ce sera le lundi 11 mai, à 10 heures, dans un salon de coiffure d'Auxerre (Yonne).

Une coiffeuse masquée, des fauteuils qui brillent

Dès mon arrivée devant le salon de coiffure, la première chose qui me surprend c'est l'absence de file d'attente. Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, il n'y a pas eu de ruée sur les salons de coiffure ce lundi 11 mai.  Seule une petite dame - visiblement la première cliente - est sur le point de quitter les lieux. Arrivé au niveau de la caisse, je me lave les mains avec du gel hydroalcoolique mis à disposition.
 
La coiffeuse, Jessica, porte un masque en tissu. Un masque qui n'est pas très agréable à porter : "Le masque, c'est bien mais ça m'irrite la peau (rires) et ce n'est vraiment pas du tout confortable pour discuter avec les clients." me confie t-elle. Mais elle va malheureusement devoir s'y faire.

Pour respecter le protocole, Jessica part chercher une visière de protection. Puis, armée d'un chiffon et de ses produits ménagers, elle désinfecte énergiquement le fauteuil et le bac à shampooing qui me seront destinés. J'enfile alors un peignoir, lavé à 60°C. Pour éviter tout risque de transmission du virus, je serai le seul à pouvoir l'utiliser dans la journée.
 


Moins de clients, mais un salon ouvert plus longtemps

Il va falloir me couper quatre centimètres de cheveux, et aux ciseaux s'il vous plaît ! Heureusement que, derrière moi, personne n'attend impatiemment son tour, car ma coiffeuse va avoir beaucoup de travail. C'est d'ailleurs ce qui m'intrigue : pourquoi n'y a t-il personne, à part moi ? Serais-je son seul client de la matinée ?
 
Jessica tient tout de suite à me rassurer :  "J'ai déjà rempli tout mon début de semaine, et d'ici la fin de journée, je pense que ma semaine sera complète".  Un carnet de rendez-vous rempli ? Pas vraiment. Du moins, pas de la même manière qu'avant la crise du COVID-19. Pour respecter les mesures de distanciation physique, il faudra au maximum trois clients dans le salon, soit un fauteuil sur deux. Au vu des nouvelles règles sanitaires, la jeune femme n'a pas eu d'autre choix que d'espacer les rendez-vous : "Au lieu de recevoir un client toutes les trente minutes, ce sera toutes les heures. Le temps de pouvoir tout nettoyer, et de tout désinfecter." 
 

 

Beaucoup plus de travail, mais moins de chiffre d'affaires

Jessica n'est pas seulement coiffeuse, elle est aussi gérante de son salon. A partir de maintenant, sa seule solution pour s'en sortir, c'est de travailler encore plus. L'allongement des horaires et des jours de travail ne suffira pas à retrouver le flux de clients d'avant-confinement : "En ne prenant des clients que toutes les heures, au final, il me faudra deux jours pour faire une - vraie - journée complète" confesse Jessica.

Pour recevoir le plus de clients possibles, dans les conditions réglementaires, et "remplir un peu la caisse", la coiffeuse a donc décidé d'ouvrir son salon de 9h à 21h, du lundi au samedi : Pas de quoi entamer le moral de la jeune femme. Car après tout, ces deux mois de "vacances" imposées ont été bien longs pour Jessica. Elle, qui adore son métier, n'attendait qu'une chose : retrouver ses clients. Et d'ailleurs en parlant de ses clients, la crise sanitaire a eu aussi quelques côtés positifs : "J'ai plein de nouveaux clients. Principalement des gens qui considèrent qu'il faut aider les petites entreprises à s'en sortir. Et j'ai aussi beaucoup de clients fidèles qui ont voulu m'aider durant le confinement, en me conseillant par exemple de vendre des serviettes avec le logo du salon pour faire plus de chiffre, c'était assez rigolo." me confie t-elle.

Comme ses autres collègues, la coiffeuse icaunaise a aussi augmenté ses tarifs : "le prix de la coupe n'a pas augmenté, on demande juste aux clients 3 euros de plus pour compenser l'achat des visières, des lessives, des produits désinfectants, car en plus les fournisseurs ont aussi doublé les prix", mais cela ne suffira pas à compenser la perte de chiffre d'affaires.
 


Alors qu'un dernier petit coup de tondeuse frôle ma nuque, je me demande bien comment la coiffeuse va réussir à tenir ce rythme seule durant plusieurs semaines. C'est alors que derrière le masque, je devine un sourire dans ses yeux: "Dès demain, je vais retrouver mon apprentie. Et comme elle est très volontaire, et très travailleuse, on va bien se répartir le travail pour que chacune puisse se dégager un peu de temps pour souffler. "
 


Le rendez-vous est sur le point de s'achever. Ma crinière a disparu. En voyant le résultat, je suis très content, mais tout à coup, un doute m'envahit : était-ce une bonne idée se faire couper les cheveux ? N'était-ce pas l'occasion de changer de style ? Rapidement, je me rends à l'évidence : si tout le monde décidait de se laisser pousser les cheveux pendant six mois, ou de se faire couper les cheveux à la maison, les coiffeurs n'auraient plus beaucoup de travail.

Je quitte alors le salon de Jessica en ayant le sentiment d'avoir participé, aussi modestement soit-il, à la relance de nos artisans et de nos commerçants locaux. Qu'ils soient coiffeurs, restaurateurs, gérants d'une petite boutique, ils auront tous besoin de nous pour survivre
 
Alors ? Pas si mal, non ?





 
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