Depuis 4 ans, Abdelaziz Hajji vient en aide aux sans-abris qui vivent dans les rues d'Auxerre (Yonne). Le collectif qu'il gère compte 13 bénévoles et apporte de la nourriture aux plus démunis 4 fois par semaine.
Il y a 4 ans, en plein cœur de l’hiver bourguignon, Abdelaziz Hajji tombe sur un sans-abri dans les rues d’Auxerre (Yonne). "Il était en t-shirt par -5 degrés. Je lui ai offert un sandwich, un café, un dessert et on a parlé 5, 10 minutes. Le soir-même, je travaillais. Je n’ai pas arrêté d’y réfléchir. Alors j’ai posté une publication sur Facebook pour récolter des affaires. En une semaine, j’avais une centaine de sacs de vêtements".
Conscient que même à sa petite échelle, il peut changer les choses, le jeune brancardier décide à partir de ce moment-là d’œuvrer à améliorer le quotidien des personnes qui vivent dans la rue. Il rejoint deux amis à lui qui effectuent des maraudes pour leur donner de la nourriture. "On les a faites ensemble, puis la famille a grandi". Le collectif dont il est aujourd’hui responsable regroupe 13 bénévoles et s’occupe de 12 sans domicile fixe dans la capitale de l’Yonne.
4 maraudes par semaine
4 fois par semaine, Abdelaziz et les volontaires qui l’accompagnent se rendent dans la rue pour distribuer les repas qu’ils ont préparés : le mardi, le jeudi, le samedi et le dimanche. Sans compter les maraudes improvisées. "J’effectue un planning et je leur donne des dates. Les bénévoles choisissent et je leur dis ‘vous êtes les chefs, vous faites ce que vous voulez'. Les ingrédients viennent de leurs poches. Mais tous ceux qui préparent ne calculent pas. Ça vient du cœur, du plus profond de leur âme. Ils aiment ça, la solidarité".
Le collectif Nécessiteux89 se donne alors pour mission de préparer des plats copieux et généreux. "C’est plus que de la nourriture. Les plats sont faits avec amour, empathie. Ce sont des repas qui sont très consistants, qui viennent de différents horizons et que certains n’ont jamais goûté. Ça peut être des plats d’origine maghrébine, africaine, suédois, française. Ça leur donne du baume au cœur et surtout foi en l’humanité".
On est là 24 h sur 24. Si une personne identifie un sans-abri dans le besoin, elle a mon numéro sur notre page Facebook. Elle m’appelle et je me déplace pour l’inclure dans la liste de nos bénéficiaires.
Abdelaziz Hajjibrancardier et bénévole
Abdelaziz peut aussi compter sur les dons de l’épicerie solidaire de l’Auxerrois, mais aussi de certains restaurants comme La Palmeraie, Espacio Piscina, Sunpizza, Ozyil Kebab, le 128 avenue, le BBY ou le Daily Pizza. "Une boulangerie nous donne des dizaines de baguettes chaque dimanche", ajoute le père de deux enfants.
La distribution des repas est surtout l’occasion d’apporter un peu de réconfort aux sans-abris. Les bénévoles prennent ainsi le temps de discuter avec eux et de leur donner une chaleur humaine dont ils ont besoin. "On les connait pour certains. Pour ceux qu’on ne connait pas, on s’approche gentiment, on leur propose à manger, une écoute, un café, une soupe. Au début, ils sont un peu craintifs puis après ils ont une totale confiance en nous. Ils vident ce qu’ils ont dans la tête, ça peut être leur passé, leur présent. Ils évoquent aussi leur futur pour essayer de sortir de la galère".
"Une famille de la rue"
Entre donateurs, volontaires et bénévoles, c’est alors une véritable communauté qui s’est constituée au fil des années. Abdelaziz parle même de sa "famille de la rue". "On a exactement les mêmes valeurs. La valeur de base, c’est d’aider les gens, quelles que soient leurs origines, leur religion. On ne fait pas de politique. On donne du porc, on donne de la viande hallal, des repas végétariens. On s’adapte. Il y a d’autres associations, comme la Saint-Vincent-de-Paul qui font les mêmes maraudes que nous. On se complète. Ce sont des personnes qui ont de très grandes valeurs".
Certains sont dans la rue par tout temps, malgré la canicule, la pluie, le froid. Ça nous touche énormément.
Abdelaziz Hajjibrancardier et bénévole
Si Abdelaziz confie avoir grandi et notamment gagné en patience depuis son engagement bénévole, il avoue également que voir chaque semaine la misère sociale dans laquelle sont certains gens n’est pas évident. "Que ce soit un Français, un Africain, un Européen, on s’en fout, aide ton prochain ! On est en mission. Malgré tout, on est humain et à chaque maraude, on en prend plein le visage. On se dit qu’on a de la chance d’avoir un chez soi, de s’habiller et de manger. Après chaque maraude, c’est très difficile".
Fort heureusement, le brancardier a vu des gens s’en sortir, notamment grâce à l’aide de son collectif. En début d’année, un couple de sans-abris a obtenu un logement et a même retrouvé le chemin de l’emploi. "Ça échoue pour certains, mais ça évolue pour d’autres. Quand ça marche, ça fait du bien au moral !".
Plus récemment, le collectif a soutenu une femme battue qui a décidé de reprendre sa vie à zéro. "On lui a offert à manger et une grande écoute. Une fois qu’un appartement lui a été attribué, on lui a meublé. On ne fait pas que donner à manger". Les bénévoles projettent d’ailleurs de se constituer en association pour pouvoir notamment stocker des jouets ou encore des meubles et ainsi multiplier ce genre d’initiatives.
En France, près de 300 000 personnes n'auraient pas de domicile fixe. "Dans un pays classé cinquième puissance mondiale, voir autant de personnes démunies, sans manger et parfois mourir de froid, ça nous fend le cœur, c’est inadmissible", conclut Abdelaziz.