Au cours d'un débat d'entre-deux tours organisé par la presse locale, le député RN de l'Yonne Daniel Grenon, candidat à sa réélection, a tenu des propos qualifiés de racistes par l'opposition. Les socialistes ont annoncé saisir la justice.
Il est député depuis deux ans, candidat à sa propre succession, vainqueur du premier tour des législatives anticipées dans sa circonscription, avec plus de 40% des voix. Et, depuis ce mardi 2 juillet, dans la tourmente après des accusations de racisme : Daniel Grenon va être signalé au procureur de la République, a annoncé le premier secrétaire du Parti socialiste dans l'Yonne, Mani Cambefort.
Je vais saisir le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Je le fais en tant qu'élu et sans lien avec la campagne législative.
Mani Cambefort,premier secrétaire du parti socialiste dans l'Yonne
Au cœur de la polémique, des propos tenus par le député Rassemblement national (RN) lors d'un débat d'entre-deux tours organisé par le quotidien local l'Yonne Républicaine. "Des dérapages, il y en a partout", a assuré l'élu, interrogé sur les "dérapages" des candidats du parti d'extrême-droite, avant d'ajouter de façon quelque peu nébuleuse : "Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux."
De quoi susciter immédiatement l'indignation de la candidate Nouveau Front populaire Florence Loury, adversaire de Daniel Grenon au cours du débat et du second tour de l'élection : "Quand j'entends M. Grenon, j'entends qu'il est raciste", a-t-elle réagi, ainsi que le retranscrit l'Yonne Républicaine.
"Attention, danger"
D'autres figures politiques de l'Yonne se sont à leur tour saisies de l'affaire, au premier rang desquelles Dominique Vérien, sénatrice UDI de l'Yonne. "Comme j'étais invitée de France Bleu Auxerre ce matin, je me suis dit que j'allais lire l'Yonne Républicaine, et c'est là que j'ai découvert ces propos hallucinants", nous confie-t-elle. "Le RN n'a pas sorti M. Grenon pendant la campagne pour éviter qu'il dise des bêtises : finalement, ça n'a pas pris longtemps."
Le RN s'est acheté une respectabilité au moyen de costumes et de cravates, mais il ne faut pas gratter bien loin pour prouver que c'est un parti raciste.
Dominique Vérien,sénatrice UDI de l'Yonne
L'ex-député (Les Républicains) de l'Yonne Guillaume Larrivé, battu par Daniel Grenon en 2022, s'est lui fendu d'un post sur X, anciennement Twitter : "Voilà ce que déclare le député RN qui m'a battu en 2022 et a, depuis, doublé le nombre de ses électeurs", photo des propos à l'appui. "Vox populi, vox dei ? Attention, danger." À noter que Guillaume Larrivé n'a appelé à voter ni pour Daniel Grenon, ni pour Florence Loury au second tour.
Voilà ce que déclare le député RN qui m'a battu en 2022 et a, depuis, doublé le nombre de ses électeurs : "Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux."
— Guillaume Larrivé (@GLarrive) July 2, 2024
Vox populi, vox dei ? Attention, danger.https://t.co/8P2eH2wskq pic.twitter.com/OB0asl8Jbr
L'actuel minstre de la Justice Eric Dupond-Moretti a publié, ce 2 juillet, un tweet sur le réseau social X : "À ceux qui me disent que parler du racisme du Front national est un argument « ringard et éculé », que "tout ça remonte aux années 80", cette déclaration date d’il y a quelques heures. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Honte à ceux qui ont banalisé l’extrême-droite."
À ceux qui me disent que parler du racisme du Front national est un argument « ringard et éculé », que « tout ça remonte aux années 80 », cette déclaration date d’il y a quelques heures.
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) July 2, 2024
Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Honte à ceux qui ont banalisé l’extreme-droite. https://t.co/siWaYLqqys pic.twitter.com/nJgooQsXqf
L'Yonne Républicaine confirme les propos du candidat
Contacté, Julien Odoul a simplement indiqué n'avoir pas eu connaissance des propos tenus par son collègue. Daniel Grenon a quant à lui dénoncé une "phrase incomplète de la part de l'Yonne Républicaine". Dans un communiqué envoyé dans l'après-midi, il a déclaré avoir dit exactement : "des Maghrébins binationaux comme Najat Vallaud-Belkacem sont arrivés au pouvoir et c'est très bien, mais ils n'ont parfois pas leur place dans certains postes en hauts lieux du fait de leur binationalité qui peut poser un problème d'allégeance."
Le journal l'Yonne Républicaine, que nous avons joint, nous confirme que les propos retranscris dans le quotidien sont exacts. Que le débat entre Daniel Grenon et Florence Loury a été enregistré, et que le nom de Najat Vallaud-Belkacem n'a jamais été prononcé. Et que par conséquent, les précisions de Daniel Grenon sont "tout simplement mensongères".