Sécheresse : pourquoi des agriculteurs se plaignent d’être pris "pour des benêts"

Face à la sécheresse qui sévit en France, des mesures de restriction d’usage de l’eau sont prises. Mais, cela suscite la colère d’un certain nombre d’agriculteurs qui se plaignent d’être pris "pour des benêts".
 

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Météo-France prévoit  27 à 28 degrés pour le premier week-end de septembre 


Pour la troisième année consécutive, une grande partie de la France connaît une sécheresse sévère.
C’est le cas notamment en Bourgogne où Météo-France n’envisage pas de précipitations significatives dans les prochains jours. Le mercure va même repartir à la hausse : selon les prévisionnistes, il fera entre 27 et 28 degrés les vendredi 4, samedi 5 et dimanche 6 septembre 2020.

Autant dire que les mesures de restriction des usages de l’eau qui ont été prises par les préfets ne devraient pas être levées tout de suite. 
Dans le département de l’Yonne, le dernier arrêté date du 20 août. Quatre secteurs sur onze sont en "crise" et trois sont en "alerte renforcée". Dans ces zones, tous les usagers doivent faire un effort : les particuliers, les industriels, les collectivités, les usagers de la navigation… Ainsi, l’arrosage des jardins et des pelouses privées est interdit. On n’a pas le droit d'arroser les potagers entre 8h du matin et 19h, etc.

Les agriculteurs, eux, peuvent irriguer seulement pendant la nuit. L'exploitation de Francis Letellier est située à Saint-Privé sur un bassin placé en alerte renforcée. Alors que la moisson du maïs est en cours, il lui est interdit d'irriguer ses cultures entre midi et 20h. Une décision qui pénalise tous les agriculteurs du secteur, estime-t-il. "Ça a un impact sur le rendement. Ça donne aussi une plante qui stresse beaucoup plus vite et du coup, elle arrête de pousser et elle redémarre difficilement" explique-t-il.
 
 
 

"C’est injuste comment c'est fait !"


Cet exploitant de l’Yonne est en colère. "Il faut laisser les agriculteurs utiliser la ressource en eau. Nous sommes des chefs d’entreprise, nous savons piloter une exploitation agricole. Mais, on nous prend pour des benêts, comme si on ne savait pas qu’arroser en pleine chaleur ou quand il y a du vent, ça ne se fait pas.

On est capable de se raisonner et de ne pas le faire. Car, tout ça, ça coûte vous savez ! Arroser un hectare de maïs à l’année, entre l’énergie et l’eau, ça coûte environ entre 150 et 200 euros à l’hectare. On ne met pas de l’eau n’importe comment et n’importe où, parce que ça nous coûte cher."

Pour ce producteur de maïs, "c’est injuste comment c'est fait. C’est décidé à Dijon par la Dreal (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) sans venir voir les ressources en eau disponibles", dit-il.

 Reportage de Yoann Etienne, Hélène Assekour et Chantal Gavignet
 

C’est la troisième année de sécheresse dans l’Yonne


En réalité, une  commission "sécheresse"se réunit toutes les semaines pour examiner la situation, précise Julien Labeth, responsable de l’unité ressources en eau à la DDT (direction départementale des territoires) de l’Yonne.
 

Toutes les semaines, la Dreal nous envoie des données de débits de cours d’eau qui sont analysées. On a aussi des données piézométriques sur le suivi des nappes. Il y a également les informations de l’Office français pour la biodiversité qui observe l’étiage sur les petits cours d’eau. Toutes ces données sont ajoutées à celles des acteurs du territoire (la Chambre d’agriculture, les syndicats de rivières, etc). Et en fonction de ces informations, on propose au préfet de limiter ou de suspendre certains usages de l’eau.

Julien Labeth, chargé de la ressource en eau à la DDT de l'Yonne

 



C’est la troisième année de suite que le département de l’Yonne subit une sécheresse à la fois hydrologique au niveau des cours d’eau et aussi au niveau des sols.

"Cette année, on a battu des records historiques. On a eu un début d’été très sec avec très peu de précipitations. Depuis deux semaines, on a quelques orages, mais ils sont assez localisés. Certaines parties du département sont assez arrosées, mais d’autres restent sèches. Car, le problème avec ces orages, c’est que l’eau ruissèle simplement. Résultat : le débit des cours d’eau va gonfler pendant un ou deux jours. Mais, cela ne va pas permettre de recharger durablement les nappes. C’est pourquoi on a toujours une tendance à la baisse au niveau des piézomètres suivis par la Dreal", ajoute Julien Labeth.

"La prochaine commission sécheresse aura bientôt lieu. On examinera s’il y a lieu d’aller un cran plus loin ou pas. Il faut rappeler que ce ne sont pas des décisions que l’Etat prend seul, mais de façon concertée avec la Chambre d’agriculture et l’association des irrigants de l’Yonne."

 


Par ailleurs, la Chambre d’agriculture (accompagnée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie et la DTT) a engagé une réflexion sur l’irrigation et le changement climatique. Une réunion avec l’ensemble des irrigants de l’Yonne est prévue d’ici la fin de l’année 2020 pour réfléchir à ces problématiques.
 

Il y a des problèmes sur le maïs ou encore le soja, des plantes tropicales qui ne sont pas forcément adaptées à notre climat. Et dans le contexte actuel, on doit se poser la question de la pérennisation de ces filières et de l’alimentation du bétail via ce type de cultures et réfléchir aux alternatives durables qui seraient envisageables pour la profession.

Julien Labeth, responsable de l’unité ressources en eau à la DDT de l’Yonne

 
 





 
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