Douceur hivernale : à ce stade, pas (trop) d'inquiétude pour la vigne et l'arboriculture en Bourgogne

On observe depuis quelques semaines un remarquable redoux hivernal et des températures bien au-dessus des normales de saison en Bourgogne. Avec quelles conséquences sur la nature ?

Plus de 10 degrés chaque jour, une fin d'année "parmi les plus douces que la France ait jamais connu", note Météo France. Impossible de ne pas s'en rendre compte : il fait bien plus chaud qu'il ne devrait, ces dernières semaines. Certains d'entre vous l'ont remarqué, en observant ça et là des bourgeons en forêt ou dans les jardins, ou des animaux qui sortent de leur torpeur. Faut-il pour autant s'inquiéter pour nos cultures ?

La vigne : "pas encore prête" à repartir

En premier lieu : la vigne, déjà durement touchée en 2021 par un épisode de gel qui avait anéanti une vaste partie des récoltes de vins de Bourgogne. Mais pour l'heure, les observateurs restent sereins : "La végétation ne va pas démarrer tout de suite, je doute que ça arrive si tôt", rassure Guillaume Morvan, conseiller viticole à chambre d'agriculture de l'Yonne.

"En revanche, oui, si ça commençait à débourrer (bourgeonner) maintenant, ce serait catastrophique. Mais la vigne n'est pas encore prête." Car outre la température, il y a d'autres paramètres à prendre en compte : déjà, le nombre de jours consécutifs de douceur, mais aussi le nombre d'heures de jour et de nuit. 

"Là, ça ne risque pas de repartir, la vigne dort", confirme par exemple le domaine du Cerberon, à Meursault (Côte-d'Or). "L'inquiétude sera plutôt entre mi-février et fin mars." Autrement dit, la période qui risque de voir arriver le gel, si dangereux pour les jeunes bourgeons. En effet, "si en février, on a une grosse semaine "chaude", la vigne risquera de débourrer en avance", prévient Guillaume Morvan.

S'il n'y a pas encore lieu de s'inquiéter, le conseiller viticole ne se fait pas d'illusions sur le changement climatique. "De toute façon, le risque de gel augmente avec le réchauffement climatique, puisque la vigne avance plus vite que les gelées ne disparaissent. On a gagné environ une semaine sur la date des dernières gelées, alors que la vigne débourre 15 jours plus tôt. Ce qui veut dire qu'on risque d'avoir semaine de gel précoce en plus."

Les arbres fruitiers, davantage victimes des insectes

La situation est à peu près similaire pour les arboriculteurs. Le Clos de Rochy, producteur de pommes et de poires bio basé à Charny-Orée-de-Puisaye dans l'Yonne, se dit "confiant" pour l'heure : "On n'observe pas de phénomène très spécifique, même si quelques arbres ont encore un peu de feuilles", note la gérante Pauline Gois. "On surveille les quantités de précipitations et on se demande à quoi cela ressemblera au moment de la floraison et de la mise à fruit, mais pour l'instant, on est confiants."

En fait, c'est plutôt un effet indirect de la douceur hivernale qui préoccupe les exploitants du verger. "C'est par rapport aux insectes. Certaines espèces qui avaient un ou deux cycles de reproduction par an en ont développé un troisième", explique Pauline Gois. "Ce sont des insectes qui piquent les fruits. On voit aussi que, du temps de mon grand-père, on en voyait pas chez nous. C'était des insectes que l'on observait dans la Drôme, le Roussillon, mais pas dans l'Yonne."

Des insectes venus de contrées plus chaudes, et plus nombreux : voilà l'un des défis auxquels doivent s'adapter les producteurs de fruits. D'autant que dans son cas, le Clos de Rochy travaille en bio, donc avec le moins de pesticides possible. "On compte aussi sur d'autres espèces, végétales, et animales qui viendront se nourrir des insectes, pour que tout se régule de lui-même", explique la gérante.

Les animaux perturbés par les températures clémentes

Ces animaux qui se réveillent, les naturalistes les observent aussi : "coccinelles, abeilles, chauve-souris", liste Daniel Sirugue, le président de la Société d'histoire naturelle d'Autun. Le problème, c'est qu'en reprenant une vie "active", ces espèces consomment de l'énergie, de la graisse notamment, sans forcément avoir à disposition assez de ressources pour s'alimenter correctement.

"Beaucoup d'espèces sont moins liées aux températures qu'au cycle jour/nuit", précise Daniel Sirugue. "Le gros changement, c'est pour les espèces qui ont besoin du froid pour entrer en hibernation, en hivernation ou en diapause (un état de torpeur qui survient chez les insectes, ndlr)."

"De grosses variations chaque année"

"A cause des variations très importantes, les animaux n'ont pas le temps de s'adapter", note le président de la SHNA. Avis partagé par Christine Dodelin, chargée de mission patrimoine naturel au parc naturel régional du Morvan. Spécialiste des tourbières et des zones humides, elle a pour mission de travailler sur les impacts du changement climatique à horizon 2050, 2100, notamment en suivant les évolutions du cycle de l'eau.

"Ce qui est compliqué, c'est que les statistiques et les modèles peuvent nous donner des tendances globales - une tendance à la hausse des températures, par exemple, mais ce que l'on mesure d'une année à l'autre, c'est qu'il y a de grosses variations au sein de chaque année."

Alors, que faut-il espérer pour 2023 ? "L'alternance des années favorables et défavorables est imprévisible", répond Christine Dodelin. Les prévisions météo ne sont pas une science exacte, et encore moins depuis ces dernières années.

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