Hausse des prix : et si on relançait les gisements de pétrole de l'Yonne ?

Alors que la guerre en Ukraine entraîne une nouvelle flambée des prix, une question agite le débat public : la France peut-elle se passer du gaz et du pétrole russes ? En tout cas, elle dispose de plusieurs gisements sur son sol. Dont une petite partie dans l'Yonne, en Bourgogne.

Dans l'Yonne, on a des idées... Mais aussi du pétrole : une petite partie des gisements français se trouve ici, en Bourgogne. En particulier au nord de l'Yonne, à cheval sur Bagneaux et Courgenay, au nord de Villeneuve-l'Archevêque.

Une petite concession exploitée jusqu'en 2018 près de Villeneuve-l'Archevêque 

C'est là qu'à l'été 1988 est découvert le "champ de Bagneaux", une surface souterraine de 17,37 km² qui s'étend jusqu'à l'Aube voisine. L'exploitation commence. Depuis, "le gisement de Bagneaux a produit 83 000 m3 de pétrole, soit 500 000 barils", précise le ministère de la Transition écologique. Le permis d'exploitation, déposé par la sociét Geopetrol, expire en 2021, et une nouvelle demande est en cours d'instruction, indiquent l'exploitant et le ministère de la Transition écologique.

Sur les quatre puits de la concession, deux sont implantés sur le territoire de Bagneaux, petite commune dont William Georges est le maire depuis 2014. L'un n'est plus en service depuis longtemps, l'autre est à l'arrêt depuis 2018. Arrêté, car à l'époque, la production n'était plus rentable : "le prix du pétrole était assez bas et le volume de pétrole extrait était faible", se souvient le maire. Depuis, seules des activités de surveillance sont assurées, selon l'exploitant.

"En octobre 2018, le gisement a fourni 39 tonnes de pétrole et 25 tonnes le mois suivant, alors que les années précédentes, c'était de l'ordre de 60 tonnes par mois."

William Georges, maire de Bagneaux

Mais le contexte actuel change la donne : l'invasion de l'Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine a entraîné une nouvelle flambée des coûts. Le prix du pétrole atteint des niveaux historiques, à plus de 100 dollars le baril. La France, dont 10% du pétrole brut et 25% du gazole proviennent de Russie, réfléchit à se fournir ailleurs. Et pourquoi pas en local, dans l'Yonne, en rouvrant le site de Bagneaux ? "J'y songe très fortement", nous confie William Georges. "Vu le niveau vertigineux des prix actuellement, je pense que les exploitants pourraient envisager de reprendre l'activité ici. J'y suis en tout cas extrêmement favorable." Favorable, aussi parce qu'une partie des recettes du forage est reversée à Bagneaux : "Il y a une dizaine d'années, c'était entre 7 000 et 8 000 euros par an. En 2018, comme le rendement avait faibli, nous étions autour de 2 000 euros. Ces sommes ne sont pas négligeables pour une petite commune comme la nôtre.

De nouveaux forages à venir ?

Rouvrir la concession de Bagneaux, est-ce alors envisageable ? Contactée, la société Geopetrol dit devoir attendre l'arrêté ministériel avant de pouvoir prendre toute décision. Les installations sont en tout cas prêtes, selon le maire, qui se souvient qu'avant d'arrêter le forage en 2018, "Geopetrol avait entièrement remis en état le puits". Le site ne nécessitait pas non plus beaucoup de logistique : il n'y avait pas d'employé sur place, le système était entièrement automatisé et des camions passaient régulièrement récupérer le pétrole brut. En outre, l'exploitation ne présente pas de nuisances, selon le maire : "le puits est en pleine forêt, il ne dérange personne". 

Le site était également conforme aux normes exigées par la législation. Un document de 2021, consultable sur le site du ministère de la Transition écologique, indique que l'exploitation du gisement de Bagneaux est faite "de manière tout à fait conventionnelle (grâce au procédé traditionnel du pompage aux tiges) sans recours aux techniques interdites en France telles que la fracturation hydraulique". Ce qui n'est pas le cas de toutes les exploitations.

L'échec du "permis de Cézy"

En 2010, la société Bluebach Ressources dépose une demande de permis de recherches d'hydrocarbures, un préambule obligatoire avant de commencer un forage. Quelques années s'écoulent avant que ne soit lancée une consultation publique en 2014, comme le rapportait à l'époque l'Yonne Républicaine. La demande concerne le périmètre de Cézy et Dicy sur un territoire de 636 km², selon les données du ministère. Nicolas Soret, aujourd'hui maire (PS) de Joigny et président de la Communauté de Communes, s'en souvient bien pour avoir travaillé sur le dossier à l'époque.

"À la Ville, on s'y était opposés parce que la technologie utilisée pour extraire le gaz de schiste" - la fameuse fracturation hydraulique - "était catastrophique pour l'environnement, ça consistait à faire exploser la roche".

Nicolas Soret, maire de Joigny

Au final, ce projet n'a jamais vu le jour. Il est rejeté sur décision du ministère en avril 2017. Stéphane Touché, gérant de Bluebach Ressources, confirme : "Effectivement, on avait déposé des demandes, mais elles ont été retoquées à cause de la "loi Hulot", qui visait à mettre fin à l'exploitation de gaz et de pétrole en France", regrette-t-il. "Actuellement en France, il ne reste plus que quelques concessions qui produisent 1% à 1,5% de la consommation en France. Si l'on autorisait davantage, on pourrait monter à au moins 5%", estime-t-il.

D'autres forages envisagés dans l'Yonne

Pourtant, il y a bien eu des forages dans le secteur, il y a plusieurs décennies de cela, à en croire Bernard Moraine. L'ancien maire de Joigny, arrivé il y a plus de 50 ans dans l'Yonne, s'en rappelle : "Dans ma jeunesse, je me souviens d'avoir vu des pompes d'extraction dans la forêt d'Othe." En 2008, le PDG de la société Toreador Energie France confirmait à la presse : "Dans les années 60-70, plusieurs forages ont été effectués en forêt d’Othe, au nord et à l’est de Joigny par des filiales de Shell et de Total. Du pétrole avait été trouvé. Mais la production était assez modeste et l’exploitation peu rentable. Les puits ont donc été fermés."

Et les sites de Bagneaux et de Cézy-Dicy ne sont pas les seuls à avoir, un jour, été envisagés par des exploitants pétroliers. Dans les archives du Journal Officiel, on retrouve trace de nombreux permis de recherches accordés dans l'Yonne et ses alentours : Sens, Appoigny, Saint-Valérien en 2002, et jusqu'en 1986 avec des permis accordés pour les zones de Saint-Florentin et de la Puisaye. Au niveau national, la carte des titres miniers d'hydrocarbures la plus récente est accessible vie le ministère.

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