Prix de l'énergie : dans cette fonderie de l'Yonne, "la facture de gaz passe de 160 000 € à 1 600 000 €"

Avec la flambée des coûts de l'énergie, la fonderie BAM à Joigny (Yonne) voit sa facture de gaz multipliée par 10, et celle de l'électricité par 8. Son patron espère des aides financières de l'État, sans quoi son entreprise sera en péril.

Avec la reprise de l'activité en cette rentrée de septembre, l'envolée des prix se fait ressentir partout, mais certains secteurs en souffrent plus que d'autres. À Joigny, dans l'Yonne, la fonderie BAM (Business-Alu Masué) vient de signer ses nouveaux contrats : le gaz est 10 fois plus cher, l'électricité 8 fois plus chère. 

Une hausse continue des prix depuis plusieurs mois

"Nous sommes un gros consommateur par rapport à une entreprise standard", explique Bruno Janvier, patron de BAM. Dans cette fonderie qui emploie 50 à 60 personnes, on fond de l'aluminium, principalement à destination du marché automobile européen. "On a besoin du gaz pour les fours qui servent à fusionner la matière première qu'on refond ensuite pour fabriquer les pièces. L'électricité nous sert à faire tourner les moteurs des machines, les sécheuses, et dans une moindre mesure pour l'éclairage de nos locaux."

Depuis 2018, les prix du gaz et de l'électricité n'avaient pas bougé, l'entreprise ayant signé des contrats de quatre ans. "Fin 2021, on nous a averti qu'il faudrait prochainement signer les nouveaux contrats, et que le gaz serait multiplié par 2,3", relate Bruno Janvier. "À l'époque, je me suis dit qu'aucun de mes clients internationaux n'accepterait de répercuter cette hausse, j'ai donc décidé d'attendre le printemps, une période à laquelle, habituellement, les prix chutent." Sauf qu'entre-temps, la Russie déclare la guerre à l'Ukraine... Et le contexte change du tout au tout. 

"Au printemps, les prix étaient multipliés par 5 ou 6." Bruno Janvier cherche donc des alternatives : énergie solaire, hydrogène... "Pour découvrir qu'au final, l'utilisation de ces énergies sur de la fusion de matériaux à 700 degrés, ça n'existait pas encore." Privé d'autre solution, le chef d'entreprise se retourne vers Engie pour un nouveau contrat signé au 1er septembre. Et la facture est encore plus salée.

"Pour le gaz, on passe de 160 000 € à 1 600 000 €. Et pour l'électricité, mon nouveau contrat commencera dans quatre mois, je passerai de 220 000 € annuels à 1 600 000 €."

Bruno Janvier

L'entreprise n'est pas éligible au bouclier énergétique de l'État

Aujourd'hui, la fonderie BAM est en pleines négociations avec ses clients : pour compenser en partie cette flambée des coûts, elle doit augmenter ses prix de vente. "Nos clients accepteront de payer une partie, peut-être autour de 20 ou 25%, mais ils n'iront pas au-delà", reconnaît Bruno Janvier. Il redoute surtout la concurrence des pays d'Asie : Malaisie, Inde, Chine, Vietnam, dont les coûts restent moins élevés.

 

"Depuis un an et demi, avec le covid et les retards de livraison depuis l'Asie, on avait vu l'effet inverse : les clients revenaient vers les industriels européens. Aujourd'hui, c'est en train de s'inverser. Avec ce phénomène énergétique, je crains que les sociétés comme la nôtre soient menacées."

Bruno Janvier

Le gouvernement français propose bien des aides financières, mais la société jovinienne n'est pas concernée. En effet, le bouclier énergétique n'est prévu que pour les entreprises dont l'EBE (excédent brut d'exploitation) est négatif : autrement dit, les entreprises qui ne sont pas rentables. Ce qui n'est pas le cas de BAM : "C'est complètement incompatible d'avoir d'un côté fait un plan de relance des entreprises, et de l'autre de dire qu'on aide uniquement les entreprises qui sont dans le rouge", regrette Bruno Janvier. Il espère que les aides seront revues et élargies.

"Nous fonctionnons bien, mais on n'est pas Total non plus ! Si je ne reçois pas d'aides et que les clients ne compensent pas, l'entreprise sera très rapidement en difficulté."

Bruno Janvier

Le dirigeant a alerté les pouvoirs publics, notamment la présidente de région, Marie-Guite Dufay. En conférence de presse la semaine dernière, cette dernière a précisé qu'elle avait écrit au ministère pour demander un élargissement du bouclier tarifaire. "Pour ces entreprises qui consomment autant d’énergie, je ne vois pas d’autre solution que d’augmenter le bouclier, ou bien elles risquent de mettre la clé sous la porte", déclarait Marie-Guite Dufay. 

D'ici là, Bruno Janvier explore les pistes possibles. "Pour moi, la seule option serait le fioul. Ce n'est pas très écologique, mais ça peut être une solution sur un ou deux ans. D'après les spécialistes, c'est le temps qu'il faut pour que les prix de l'énergie se régulent à nouveau." De plus, la fonderie cherche des solutions pour consommer moins. Alors que la Première ministre Elisabeth Borne a demandé, lundi, aux entreprises de viser "une baisse de 10% de leur consommation d'ici deux ans", BAM s'est fixé un objectif de réduire de 20% de sa consommation. "On n'a pas le choix, il faut sensibiliser les gens." Le dirigeant est d'ailleurs en train de recruter un collaborateur chargé de faire baisser le bilan carbone de l'entreprise. 

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