En 1943, Jean Maurice s'engage à 16 ans dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo, il est envoyé dans plusieurs camps de concentration en Allemagne, où il aura connu les horreurs de la déportation. Celui qui réside désormais dans l'Yonne a décidé de raconter son expérience, alors qu'il va fêter son centième anniversaire.
C'est l'un des seuls vestiges de sa vie dans les camps qu'il lui reste. Sa chemise de prisonnier encore tâchée du sang d'un co-détenu belge, abattu à côté de lui. Le 23 juillet 2024, Jean Maurice aura 100 ans. Et cet âge, il n'aura jamais cru pouvoir l'atteindre.
En 1943, Jean Maurice n'est alors qu'un jeune homme de 16 ans qui vit à Luché, dans la Sarthe. Il décide d'entrer dans la Résistance et devient agent de liaison. Sa mission : trouver des armes sans se faire prendre par l'ennemi. "C’était la guerre, il n'y avait pas d'âge pour ça. On était occupé, et on voulait les freiner autant que possible. On était au courant des parachutages par la radio. La nuit, on allait chercher des armes et on les entreposait. Une fois, j'ai été chercher des armes chez la sœur d’un ami. Et j’ai rencontré les Allemands alors que j’avais les fusils attachés sur mon vélo. Ils n’ont pas fait attention", raconte-t-il.
Mais un jour, Jean Maurice est dénoncé, puis arrêté par la Gestapo. "Je me souviens très bien du jour où j’ai été arrêté. Ils sont arrivés à la maison et ils m’ont dit “venez avec nous, on va vous questionner et on vous relâchera ensuite.” Mais ils ne l’ont pas fait."
"Je pourrais faire un film"
Jean Maurice est envoyé au camp de Buckenwald, puis à celui de Dora-Mittelbau. Près de 80 000 personnes sont mortes dans ces deux camps de concentration situés en Allemagne. "Dora, c'était infernal, creusé sous terre. Je suis resté 18 mois en prison en tout. Je me souviens de tout, je pourrais faire un film avec. Ça m’est resté imprégné. Il n’y avait pas de bons souvenirs, il fallait éviter de se faire remarquer. C’était un endroit très dangereux, il y avait toujours quelqu’un qui nous surveillait."
Une fois, j’ai trouvé un cheval mort et j’ai arraché un bout de viande
Jean MauriceAncien déporté
En avril 1945, alors que les Alliés gagnent du terrain, Jean Maurice est emmené dans une marche de la mort, jusqu'à Malchow. "J’ai marché pendant 18 jours. On était très peu nourri. On prenait ce qu’on trouvait sur la route. Une fois, j’ai trouvé un cheval mort et j’ai arraché un bout de viande."
"Dans les wagons, il y avait beaucoup de gens qui mourraient de soif et de faim", poursuit-il. "Je ne suis pas tombé malade. Je suppose que c’est le fait d’avoir travaillé dans les carrières, j’étais endurci. Mais j’ai souffert comme les autres. J’ai subi des tortures. Sur le coup, on ne se rend pas compte de ce qui va se passer."
La vie d'après
5 mai 1945. Jean Maurice se souvient de cette date comme si c'était hier. Après deux ans de détention en prison et dans les camps, il est enfin libéré par les Russes, à Malchow. "C’était bizarre, je réalisais ce qu’il se passait. J’avais peur que les Russes ne me relâchent pas. Alors, j'ai fui vers la ligne anglaise qui était à 10 kilomètres."
Jean Maurice finit par rentrer en France. À 18 ans, il tente alors de retrouver une vie normale, tant bien que mal. "J’ai travaillé avec mes parents. Mon souhait, c'était de garder les prisonniers de guerre allemands. J’en avais 25 et je les surveillais tous les jours. Ils ont ensuite été remis aux autorités."
Jean Maurice a fini par se marier et a eu trois enfants. Mais il n'oubliera jamais ce qu'il a vécu, et il tient à ce que les nouvelles générations soient conscientes des horreurs du siècle dernier. "J’ai déjà été dans des collèges pour parler aux jeunes de ce que j’ai vécu. C’est important pour moi de dire la vérité. Il faut dire ce qu’il s’est passé."
Le 23 juillet prochain, Jean Maurice fêtera ses 100 ans, entouré de ses filles et arrière-arrière petits-enfants. Une fierté pour cet infatigable témoin de l'Histoire.