En moyenne, elles sont 80% à vaincre le cancer du sein. Pour apprendre à accepter leurs poitrines mutilées, certaines passent entre les mains d’Aurélie Bailly-Nonat. Cette tatoueuse auxerroise propose ses services depuis 7 ans, pour le plus grand bonheur de ces dames. Portrait.
Baudelaire rendait beau ce qui ne l’était pas dans ses poèmes. Aurélie Bailly-Nonat fait la même chose, mais à sa façon. À Auxerre (Yonne), dans son petit salon de tatouage “girly”, elle transforme un sein marqué par les cicatrices, en œuvre d’art.
“Les fleurs, la dentelle, ce sont des motifs qui reviennent très souvent. C’est la symbolique du renouveau, la féminité. Ça permet d’avoir un sein plus élégant.” Elle ajoute :"avant, j'avais beaucoup de femmes qui demandaient juste une reconstruction basique de l’aréole. Mais cette tendance a bien changé. Elles sont nombreuses à m’expliquer qu'elles ne sont plus les mêmes femmes, qu’elles veulent quelque chose de complètement différent."
Lorsqu'Aurélie accueille ses clientes dans son salon, elle le sait, la séance promet d'être riche en émotions. “Ça pleure beaucoup dans mon cabinet. J’ai beaucoup de kleenex.”
La phrase que j’entends souvent, c’est : “Ça y est, je ferme le livre”. Je vais pouvoir aller à la piscine, je vais pouvoir mettre un débardeur sans avoir peur qu’on me juge.”
Aurélie Bailly-Nonat, tatoueuse spécialisée dans la dermographie réparatrice.
Cette délivrance, les partenaires de ces femmes la vivent aussi confie la tatoueuse. “Ça change la vie, j’ai même les retours des conjoints qui me remercient en me disant : c’est super, vous m’avez rendu ma compagne.”
Mais avant d'entendre ce genre de réactions, c’est la crainte qui prime."Au début, j’intervenais dans les hôpitaux, mais je ne le fais plus, parce que les patientes qui venaient me voir me disaient : c’est difficile, ça fait 3 ans que je suis en rémission et je ne veux plus voir de blouses blanches. Depuis 7 ans, je réalise des prestations sur cicatrices chez moi !"
Mais depuis qu'elle a son local, l'appréhension n’a pas totalement disparu. En franchissant la porte de son établissement, certaines femmes ont peur de l'aiguille, de la douleur sur leurs corps déjà meurtris. Alors, Aurélie prend le temps de les mettre en confiance. "La plupart du temps, elles n’ont aucune sensation et douleur. Elles ont subi beaucoup de chirurgie, donc ça sectionne tout ce qui est système nerveux. Elles sont nombreuses à avoir subi des rayons, ça brûle la surface cutanée. Après la séance, mes clients sont drôlement surprises.”
Vulgariser le tatouage médical
Aurélie Bailly-Nonat s’est lancée dans le tatouage médical il y a 7 ans, lorsqu’elle a quitté son poste d'infirmière à l'hôpital. “J’ai voulu donner une chance à ces femmes de voir le cancer d’une autre façon, je me suis formée au tatouage.”
Mais pour faire passer son message, Aurélie se bat quotidiennement. “J’interviens à l'école d'infirmière. Je n'hésite pas à leur dire qu’il faut parler aux patientes de cette option tatouage.” Un travail de sensibilisation qu'elle effectue aussi auprès de ses collègues médecins. “Il faut savoir que le corps médical à sa vision du combat contre le cancer du sein. Du moment que vous êtes en vie, il ne faut pas vous plaindre. Je trouve ça profondément dommage. Et d’ailleurs, les témoignages de mes clients me confortent dans cette idée. Elles sont nombreuses à me dire qu’elles sont ressorties de cette épreuve avec un sein en moins, des cheveux de mauvaise qualité, une prise de poids… Il ne faut pas oublier aussi, que leur vie sexuelle est bousillée. Le tatouage est une piste non négligeable, qui doit être proposée à toutes.”
Petit à petit, l’engagement de cette tatoueuse auxerroise commence à porter ses fruits, “depuis 3-4 ans” confie-t-elle. “Étant une ancienne infirmière de cancérologie, mon nom circule. Je suis reconnue professionnelle de santé, et donc mes prestations sont prises en charge. Les 200 euros de tatouage sont intégralement remboursés.”
Aurélie Bailly-Nonat fait partie des 6 infirmières françaises à pratiquer la dermographie réparatrice.