Les parcelles de vigne du nord-Bourgogne ont été durement touchées par un orage supercellulaire, dans la nuit du 1er mai. Le Chablisien paie un lourd tribut.
"On se serait cru en plein hiver, à la montagne. Les coteaux de Beine étaient complètement blancs." Catherine Poitout, du domaine viticole L&C Poitout à Chablis, est encore surprise de la violence de l'orage de grêle qui s'est abattu hier sur une bonne partie de l'Yonne. "C'était puissant, très violent."
D'habitude, ce sont des couloirs de grêle. Là, c'était une autoroute. D'une largeur impressionnante.
Catherine PoitoutL&C Poitout
Le domaine Poitout possède 26 hectares de vigne répartis sur Chablis, Maligny, Lignorelles, Tonnerre, Ligny, Fléhy... La grêle qui s'est abattue à partir de 19 heures a traversé toute cette zone, jusqu'à Tonnerre. "Le seul secteur relativement épargné est notre parcelle de Fléhy", indique Catherine Poitout.
Mais ailleurs, le spectacle est désolant. "Il faudra quelques jours pour évaluer les dégâts, mais c'est de la salade, la vigne est complètement mâchée." Dans cette vidéo publiée par d'autres viticulteurs de Chablis, le domaine Nathalie et Gilles Fevre, on constate que les vignes sont tapissées de grêle.
La veille au soir, "les premiers grêlons étaient assez légers et transparents, ce qui indique que les diffuseurs, ont fonctionné. Mais plus l'heure avançait, plus on avait de petites balles de golf qui tombaient", raconte Catherine Poitout.
On a bien cru qu'on passerait à côté de l'orage. On y a cru jusqu'à 17, 18, 19 heures... Puis quand le ciel est devenu noir, puis est passé au jaune, on a su que ça allait tomber.
Catherine PoitoutL&C Poitout
On constate la violence de l'orage sur cette vidéo, publiée par Jérémy Faillat, ouvrier viticole, et relayée sur la page Météo89. Un véritable tapis de grêle, qui a complètement blanchi les vignes.
Combien de temps a duré l'épisode ? "Le temps semble toujours très long dans ces moments-là, mais je dirais au moins 5-10 minutes. Ça nous a arraché les larmes de voir ça..." Quelques instants, qui ont suffi à détruire des pieds déjà éprouvés par le gel, il y a une semaine. La viticultrice et son mari, Louis, avaient réussi à protéger la vigne, à grands renforts d'éoliennes et de nuits blanches. "Mais contre la grêle, on ne peut rien." Un printemps noir, décidément.
2024, c'est catastrophique.
Catherine Poitoutdomaine L&C Poitout
"La vigne s'était super bien développée, en avance, avec un week-end très chaud il y a quelques semaines. Dans la foulée, le froid est tombé, donc la vigne a déjà pris un choc. Depuis, elle a pris le gel et il continue de faire froid." Et maintenant, la grêle. Que va-t-il rester pour les vendanges ? C'est encore trop tôt pour le dire précisément.
Attendre, soigner la vigne, et relativiser
"La suite, c'est qu'il faut attendre que la vigne se remette. Il faut du chaud pour que la végétation reparte. Ce qui est massacré est massacré, mais les contre-bourgeons n'étaient pas encore sortis." Les vignerons comptent donc sur cette nouvelle poussée, mais il faudra être au chevet de la vigne, plus sensible aux maladies.
C'est comme lorsque vous vous faites une coupure : il faut éviter que ça ne s'infecte. Là, la vigne a pris plein d'éclats de verre. Elle a des plaies. Il faut voir comment elle va réagir, et il faudra peut-être la soigner.
Catherine Poitoutdomaine L&C Poitout
Tout n'est pas perdu pour autant. La viticultrice nuance : "Il faut savoir qu'à Chablis, on ne peut pas faire trois années de bonne récolte à la suite." 2022 et 2023 avaient été de belles années ; 2021 était une année noire... "Ce sont des épisodes qu'on a déjà connus", philosophe Catherine Poitout. "Ce n'est pas la fin du monde, il faut relativiser. De manière générale, de mars à septembre, on est toujours inquiet et on dort mal. Jusqu'aux vendanges."
100 % de pertes par endroits ?
Ce matin du 2 mai, tous les viticulteurs du Chablisien se réveillent avec la gueule de bois. "Tout a été touché, même les contre-bourgeons sur une partie de nos premiers crus", raconte à France 3 Camille Besson, du domaine éponyme à Chablis. "Les premiers crus Vaillon et Montmain sont touchés, et nous sommes en train d'évaluer les dégâts sur les autres parcelles, à Fyé et Courgis."
On attend que ça sèche, mais je pense qu'on est proche des 100 % de pertes sur nos 21 hectares.
Camille Bessondomaine Besson
Pourtant, les diffuseurs anti-grêle avaient été activés... Mais l'orage était trop intense. "Là encore ce matin, c'est blanc, il y a des congères dans les vignes et dans les rues", explique Camille Besson. "C'est comme ça. On travaille avec le vivant."
"Il n'y aura pas beaucoup de Chablis cette année", déclare à l'AFP Arnaud Nahan, co-propriétaire du Domaine du Chardonnay, à Chablis. "La grêle a ravagé une bonne partie de tout le vignoble. À certains endroits, on est à 100% de pertes", confirme-t-il.
Le retour du beau temps, nécessaire
L'orage a aussi durement touché le Tonnerrois. Jérémy Arnaud, viticulteur, estime qu'environ 7 hectares de ses vignes à Tonnerre ont été détruites. "Il y a des rameaux cassés, il y a du dégât. Hier soir, les collines fumaient, elles étaient toutes blanches."
On n'a jamais pris autant.
Jérémy Arnauddomaine Arnaud
L'étendue précise des dégâts sera établie dans les jours à venir, selon la façon dont la vigne repart et le temps évolue. Comme Catherine Poitout, Jérémy Arnaud n'espère qu'une chose désormais : "qu'il fasse beau, pendant deux-trois semaines, pour que la vigne pousse".
En revanche, à quelques kilomètres plus au sud de Chablis, la météo a épargné la région de Saint-Bris-le-Vineux. "Nous sommes miraculés", déclare le domaine Bersan.