"Une bombe à retardement" : les déserts vétérinaires, l'autre crise agricole en Bourgogne

En 2022, l'observatoire national de la profession de vétérinaires a recensé 1 011 professionnels en Bourgogne-Franche-Comté. Depuis cinq ans, ce chiffre stagne dans la région. Le nombre de vétos a même baissé dans l'Yonne ou dans la Nièvre. Depuis un an, de nombreux départements commencent à prendre ce problème au sérieux.

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"Le nombre de vétérinaires dans l'Yonne et la Nièvre diminue. Et, en Côte-d'Or par exemple, plus d'un quart d'entre eux sont proches de la retraite. Donc on a un problème immédiat et on a une bombe à retardement pour les cinq à dix prochaines années."

Selon le président de l'Ordre national des vétérinaires de Bourgogne-Franche-Comté, Jean-Pierre Daman, des déserts de vétérinaires sont de plus en plus présents dans la région. Le constat n'est pas nouveau : les territoires ruraux sont impactés par la désertification de ces praticiens. "En Côte-d'Or, leur nombre diminue et les heures qu'ils font baissent également."

Quelles sont les raisons de cette désertification des vétérinaires ? D'abord, il y a un problème général : "La France ne produit même pas le tiers des praticiens nécessaires pour pouvoir remplacer ceux qui s'arrêtent. Il faudrait former 1 500 personnes par an. Pour l'heure, nous n'en produisons que 500 dans les cinq établissements français. Un autre tiers provient de l'étranger."

Jean-Pierre Daman évoque également un autre souci, qui impacte aussi l'installation de docteurs en ruralité : l'aménagement du territoire. "Quand dans un coin, vous n'avez plus de trains, plus de commerces, de médecins, ou de services essentiels, comment faites-vous pour installer un vétérinaire ?"

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De graves conséquences pour les éleveurs

Selon l'Ordre, les conséquences de cette désertification peuvent être dramatiques : "Dans deux, trois endroits, il n'y a plus de vétérinaires. Donc, les éleveurs ne peuvent plus continuer leurs activités." En effet, une visite sanitaire annuelle, réalisée par un praticien, est obligatoire dans les filières suivantes :  bovine, avicole, porcine, caprine, ovine et depuis 2019, équine.

Pour autant, Arnaud Delestre, président de la chambre agricole de l'Yonne, explique que "certains élevages ne peuvent pas réaliser ces visites, faute de vétérinaire." Le Nord du département est le plus ciblé par ce problème.

Les éleveurs d'Auxerre et du nord du département ont une offre vétérinaire réduite au strict minimum

Arnaud Guyard, président de la section bovine de la FDSEA 89

L'arrêt d'activité reste exceptionnel. Cependant, les conséquences dans la vie de tous les jours sont nombreuses. "Pour tout ce qui est service d'urgence, c'est très compliqué, car les praticiens ont une heure à une heure et demie de route," explique Arnaud Guyard.

"Ce sont des délais très importants pour avoir des réussites normales sur des opérations comme des césariennes. Les coûts d'intervention sont donc très élevés." Il estime donc que "le risque, c'est que des cas problématiques aillent jusqu'au décès, qui pourraient être largement évités avec des services de vétérinaires de proximité."

Les départements déjà à l'action

"On a du mal à mettre des jeunes dans l'élevage bovin et ovin. Et dans ces régions frappées par la désertification des vétérinaires, c'est un frein supplémentaire." Pour répondre à cette problématique, l'Yonne et la Nièvre ont décidé de réaliser un diagnostic du maillage des vétérinaires sur onze territoires pilotes.

Dans un deuxième temps, Arnaud Delestre ajoute que l'Yonne a accueilli, en octobre dernier, neuf étudiants de sixième année venant des écoles de Maison-Alfort et de Lyon. "L'objectif était de montrer le dynamisme du territoire et de comprendre le fonctionnement dans certaines cliniques du département."

Cela semble porter ses fruits : 2 étudiants vont réaliser leur stage de fin d'étude dans le département en 2024.

De son côté, la Côte-d'Or a décidé, en octobre, de fournir plusieurs indemnisations pour les praticiens qui s'installeraient dans ces zones rurales. Les étudiants qui voudraient réaliser leur stage de fin d'étude auront le droit à 300 € par mois pour payer leurs logements, 300 de plus pour les frais de déplacement et enfin 800 de plus s'ils ont un projet professionnel bien établi.

Ceux déjà en exercice gagneront 60 000 € s'ils veulent s'installer en campagne, et 30 000 € de plus pour moderniser leur cabinet. Pour autant, Marc Frot, vice-président du département et le président de la commission agricole et du monde rural en Côte-d'Or, estime qu'il y a "quand même des choses strictes : engagement de rester dans la ruralité pendant dix ans."

"Pour la voiture, on leur demande également de s'acheter des utilitaires. Il y a quelques conditions pour que des personnes ne pensent pas qu'il s'agisse d'une aubaine."

Marc Frot

Les vétérinaires, eux, sont satisfaits des mesures prises par le Département. Et les étudiants reviennent en Côte-d'Or : Trois semaines après la médiatisation du plan, sept dossiers de demande de financement avaient atterri sur la table du conseil départemental.

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