Le Sénat va examiner à partir de ce 16 mai une proposition de loi "pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France". L'objectif, selon les défenseurs du texte, est d'enrayer "le déclin de la puissance agricole française". Pour les écologistes, cette loi remet en cause, entre autres, l’indépendance de l’Agence française de sécurité sanitaire qui interdit certains produits phytosanitaires.
Porté par les sénateurs Laurent Duplomb (LR), Pierre Louault (centriste) et Serge Mérillou (PS), auteurs d'un récent rapport alertant sur la perte de compétitivité de l'agriculture française, le texte de loi est co-signé par 174 sénateurs, essentiellement LR et centristes.
Parmi les co-signataires, on trouve six sénateurs bretons : Alain Cadec, sénateur (LR) des Côtes-d'Armor, Jacques Le Nay (Union centriste) et Muriel Jourda (LR), sénateurs du Morbihan, ainsi que Michel Canévet (Union centriste) et Philippe Paul (LR), sénateurs du Finistère, Françoise Gatel, (Union centriste) sénatrice d'Ille-et-Vilaine.
Le groupe socialiste a annoncé son intention de voter contre.
L'exposé des motifs du texte estime que la France "est l'un des seuls grands pays dont les parts de marché s'effondrent, alors que le volume des échanges agricoles et agroalimentaires ne cesse de croître dans le monde… Jamais la France n'a autant importé".
Trois propositions phares
Les 26 articles poursuivent "trois objectifs ambitieux". Ils proposent par exemple d'instituer un "haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires". Il crée "un fonds spécial" pour soutenir l'investissement et la recherche des petites filières et un "livret Agri", pour faciliter l'accès à l'emprunt des agriculteurs.
Il comporte également des dispositions pour "maîtriser" les charges sociales, comme l'exclusion des entreprises agricoles et agroalimentaires de l'application du bonus-malus sur les contrats courts.
Le travail des sénateurs permet de prendre acte du déclin de l'agriculture française, la balance commerciale agricole étant désormais déficitaire et de mettre en œuvre des mesures pour y remédier
Muriel JourdaSénatrice (LR) du Morbihan
Pour la sénatrice du Morbihan, Muriel Jourda, il faut s'assurer que "les agriculteurs français redeviennent compétitifs et puissent vivre de leur travail". Pour Alain Cadec, sénateur (LR) des Côtes d'Armor, il s'agit d'éviter une concurrence déloyale avec les autres pays européens et de retrouver de la compétitivité.
L'indépendance de l'Anses menacée
Une disposition cristallise les oppositions : il s'agirait de revenir sur une loi de 2014 consacrant l'indépendance de l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) en permettant au ministre de l'Agriculture de suspendre une décision de l'agence qui interdit certains produits phytosanitaires.
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Les sénateurs signataires souhaitent que l'Anses dresse un bilan "bénéfice-risque", en matière de santé et d'environnement, avant de retirer l'autorisation de mise sur le marché d'une de ces substances.
Dans le cas où elle interdirait un produit, elle devra aussi accorder un délai aux agriculteurs afin de laisser le temps à la recherche de leur fournir un accompagnement technique.
Alain Cadec explique que "l'Anses doit avoir une vision économique et sociale tout en respectant d’abord tous les critères environnementaux et sanitaires bien entendu".
Pour Joël Labbé, le sénateur écologiste du Morbihan, la proposition de loi "répond favorablement aux lobbies et à la FNSEA".
C'est gravissime (...) c'est un grand pas en arrière. De semaine en semaine, on a des informations comme quoi l’eau est de plus en plus polluée, parce que l’on recherche d’autres molécules, des métabolites que l’on trouve, et qui peuvent être potentiellement dangereux pour la santé. Il est temps de mettre un arrêt à ça et avec un texte comme celui-là, non seulement on va continuer, mais on va accélérer, c’est complètement inacceptable.
Joël LabbéSénateur écologiste du Morbihan
Le texte est aussi dénoncé par des associations écologistes, telles que Générations Futures, laquelle voit dans la lutte contre les surtranspositions de règles européennes, une manière d'encourager l'utilisation des pesticides.
Motion de rejet du texte par les écologistes
L'association écologiste dit aussi s'inquiéter "tout particulièrement de deux autres articles" de la proposition de loi. L'un revient sur l'épandage de pesticides par drones via des dérogations. L'autre suggère de modifier la définition des aliments de qualité en restauration collective pour ouvrir l'offre à "d'autres démarches de certification".
Sans guère de chances de succès, le groupe écologiste présentera toutefois une motion de rejet du texte, arguant notamment que son calendrier d'examen "n'est pas respectueux du processus de concertation en cours sur la construction de la future loi d'orientation et d'avenir agricoles". Sans grand espoir, pour Joël Labbé, car, selon lui, la proposition de loi sera adoptée par la majorité au Sénat.