Croix gammées, menaces, agressions... Pourquoi les groupuscules d'extrême droite montent en puissance dans les Côtes-d'Armor

Dans les Côtes-d'Armor, associations et syndicats constatent une "montée en puissance des actes" de l'extrême droite. Le dernier en date étant l'agression de bénévoles de la Serre, un lieu alternatif à Saint-Brieuc. "Beaucoup de digues ont sauté depuis Callac" disent-ils. Les groupuscules identitaires ont, selon ce chercheur, clairement "changé de méthode pour faire parler d'eux et faire circuler leurs idées".

À l'automne 2022, l'union syndicale Solidaires des Côtes-d'Armor a entamé le recensement de tous les actes émanant de l'extrême droite dans le département. L'agression de bénévoles de l'association La Serre, à Saint-Brieuc, est le dernier en date inscrit sur cette liste.

"Un cap a été franchi"

Les faits se sont déroulés ce 17 novembre, dans la soirée. Trois individus cagoulés pénètrent dans les locaux armés de battes de base-ball. "Cette attaque, avec intrusion en défonçant la porte, puis les agressions physiques, coups et blessures pendant une réunion, représente une escalade de la violence fasciste redoutée dans le département" écrit le CVA22 (collectif de vigilance antifasciste) dans un communiqué posté sur Facebook.

Ce lieu, autogéré par des associations et collectifs briochins, était ciblé par des tags depuis plusieurs semaines : croix gammées, croix celtiques, sigles SS, autocollants portant la mention : "les anfifas à Treblinka". "Un cap a été franchi avec cette agression, analyse une adhérente de Solidaires également membre de Visa22 (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). L'attaque était préparée, cela semble évident. La Serre, qui est un lieu alternatif plutôt de gauche, est clairement dans le viseur de l'extrême droite".

La Serre, mais aussi l'union locale de la CGT à Guingamp - prise pour cible deux fois cet été -, les bâtiments municipaux de Rostrenen qui abritent le Secours populaire et la CGT, des événements culturels comme le Festival pour une Bretagne ouverte et solidaire en juillet dernier à Saint-Brieuc, le mémorial de la Résistance de Ploeuc-L'Hermitage... "À tout cela s'ajoutent des menaces de morts sur les réseaux sociaux en direction d'élus, de militants syndicaux et associatifs" souligne l'interlocutrice de Solidaires qui préfère conserver l'anonymat, vu le contexte.

"Faire peur et faire parler d'eux"

Les militants antifascistes des Côtes-d'Armor constatent "une montée des violences" de l'extrême droite dans ce département. "Beaucoup de digues ont sauté depuis Callac" analyse l'un d'entre eux. Ce bourg rural est devenu l'emblème du combat de la sphère zemmouriste contre ce qu'elle nomme "le grand remplacement".

À Callac, le projet d'accueil de réfugiés, porté par la fondation Merci, a capoté sous la pression de l'extrême droite. Les élus locaux ont eux aussi reçu des menaces. "Les opposants se sentent forts, ils ont gagné à Callac confie un adjoint au maire. Le fascisme a gagné du terrain chez nous. C’est terrible".

Selon Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire "Territoires et mutations de l'action publique" à Sciences-Po Rennes, les mécanismes à l'œuvre dans les Côtes-d'Armor depuis un an sont "significatifs d'un changement de méthode avec l'arrivée de nouvelles générations, plus radicales," au sein de l'extrême droite. "Il y a toujours eu des tags nazis ici et là, remarque-t-il. En revanche, les actions plus violentes, les agressions physiques et le fait qu'elles se répètent montrent aujourd'hui que ces groupuscules veulent faire peur et surtout faire parler d'eux pour faire circuler leurs idées".

"La Bretagne, terre de mission pour un réseau plus intégriste"

Romain Pasquier rappelle que le Rassemblement national a progressé en milieu rural dans les Côtes-d'Armor, "mais, nuance-t-il, la Bretagne ne possède aucun député ni maire RN. Ce qui est une exception en France".

Selon lui, la région est devenue "une espèce de terre de mission pour une minorité plus radicale, une terre rêvée" où planter la graine identitaire. "D'ailleurs, observe le directeur de recherche au CNRS, quand il faut mener des actions coups de poing en Bretagne, ces gens, que j'estime peu nombreux ici mais très présents sur les réseaux sociaux, sont obligés de mobiliser hors Bretagne pour faire nombre. C'est ce qui donne cette impression de progression".

Callac en est un exemple : la mobilisation contre le projet d'accueil de réfugiés a vu débarquer dans le village des manifestants qui n'avaient jamais mis les pieds en Bretagne, à l'image de Gilbert Collard, le député européen Reconquête.

"On assiste à une banalisation des idées de l'extrême droite, relève une militante antifasciste des Côtes-d'Armor. On les normalise de plus en plus. "C'est un parti comme un autre" est une phrase que l'on entend souvent à propos du Rassemblement national. Alors que non, ce n'est pas un parti comme un autre".

"Faire front commun contre les attaques de l'extrême droite", c'est l'appel lancé par une dizaine d'associations costarmoricaines qui invitent à une réunion ce 14 décembre à Saint-Brieuc.

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