"Je n'ai plus les moyens de changer les rideaux", asphyxiés financièrement, les Ehpads publics "méritent mieux"

Un plan d'action d'urgence et une loi grand âge, voilà ce qu'ont réclamé les directeurs d'établissements pour personnes âgées à l'occasion de la journée "Les vieux méritent mieux". Car pour beaucoup, la situation est devenue intenable financièrement. Illustration dans les Côtes d'Armor, au sein de l'Ehpad de La Roche-Jaudy.

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Un spectacle de marionnettes, quelques crêpes, et un peu de musique, voilà le programme de l’après-midi à l’Ehpad Kerambellec pour accompagner avec légèreté une situation qui ne cesse de s’aggraver. Car ici, comme dans de nombreux établissements, les comptes sont dans le rouge.

Depuis le début de l’année, le directeur sait qu’il va manquer au moins 100.000 euros à la fin du mois de décembre. Il faut donc sortir la calculette pour chaque dépense. Même lorsqu’il s’agit simplement de changer les rideaux des logements : "C’est du confort. Notre bâtiment est principalement en rez-de-chaussée ou rez-de-jardin donc les rideaux, c'est aussi pour préserver l'intimité des personnes. Aujourd'hui, on a soit des rideaux très vieillissants, soit pas de rideau du tout dans certains logements. La facture pour tout changer s'élève à 4.000 euros et bien, aujourd'hui, ces 4.000 euros je ne peux pas parce que je préfère les garder pour le fonctionnement", témoigne avec regret Eric Darricau, le directeur de l'EHPAD Kerambellec. 

650 millions d’euros pour les Ehpad, "une goutte d’eau dans l’océan" (francetvinfo.fr)

 

En 2030, il faudra plus de 100.000 places d'Ehpad en plus, donc 1000 Ehpad supplémentaires et ils sont déjà tous dans le rouge.

Jean-Louis Even

maire de La Roche-Jaudy (Côtes d'Armor)

Quarante résidents sont ici pris en charge. Avec 300 euros de plus par mois, il serait possible de s’en sortir, selon le calcul de la municipalité. Mais pour l’heure, pas question d’augmenter la facture mensuelle pour les familles.

C’est pourtant la seule solution préconisée : "Les départements n’ont plus les moyens. Ils sont en grosse difficulté. Ils ne peuvent pas donner plus et l'Etat refuse, malgré toutes les promesses de notre chef d'Etat et des précédents présidents, d'étudier la loi grand âge, la cinquième branche de la Sécurité sociale et tout ce qui s'ensuit" explique jean-Louis Even, le maire de la Roche-Jaudy.

"C'est très dur de déménager à 89 ans". Le bouleversement de ces personnes âgées sommées de quitter leur résidence adaptée (francetvinfo.fr)

"Il faut savoir qu'en 2030, il faudra plus de 100.000 places d'Ehpad en plus, donc 1000 Ehpad supplémentaires et ils sont déjà tous dans le rouge", s'alarme Jean-Louis Even. Il appelle à une action forte de l'Etat, "ou alors, est-ce qu'on va tout privatiser mais dans ce cas, il faut qu'ils l'annoncent tout de suite".

Opération "Les vieux méritent mieux"

Autant de questions qui se posent avec encore plus d'acuité lors de la journée "Les vieux méritent mieux", une opération lancée à l'initiative de la FNADEPA (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements & services pour personnes âgées).
L’enjeu de cette mobilisation nationale du 24 septembre : réclamer collectivement plus de moyens pour un meilleur accompagnement du grand âge et une adaptation continue des établissements et services. En espérant que les revendications de cette troisième édition
ne restent pas un vœu pieux. 

Bras de fer au tribunal entre les maires et l'Etat

Car le bras de fer existe depuis des années en Bretagne, entre les communes gestionnaires d'Ehpad et l'Etat. Ces maires qui souffrent de sous-financement chronique dénoncent une situation ingérable. En août 2023, ils avaient décidé de ne plus payer les factures d'électricité de leurs établissements.

Dès septembre 2023, une centaine de maires réunis dans un collectif se réunissait à Bégard, dans les Côtes d'Armor, menaçant une action en justice contre l'Etat. Le gouvernement avait apporté 5 millions d'euros d'aide d'urgence en juillet dernier, qui étaient jugés insuffisants.

Alors, plusieurs maires sont passés à l'action. Parmi eux, le maire de Plouha, Xavier Compain, a annoncé avoir saisi la justice administrative pour dénoncer le non-respect par l'Etat des droits fondamentaux de la personne dans les Ehpad publics. 

Le 16 mai 2024, les dossiers ont été envoyés au tribunal administratif de Rennes et remis à la ministre déléguée chargée des personnes âgées Fadila Khattabi, lors d'une rencontre au ministère où se sont rendus plusieurs élus bretons, maires et présidents de conseils départementaux.

"Toilettes faites rapidement, soins bucco-dentaires reportés"


Les dossiers, divers selon les mairies (Plouha, Plouaret, La Roche-Jaudy...) et établissements, dénoncent un non-respect des droits fondamentaux de la personne, évoquant par exemple des "toilettes de résidents faites plus rapidement, des soins bucco-dentaires reportés, le fait qu'on soit passé de l'alimentation normale à du mouliné". 

Ils estiment à "10 à 12 milliards d'euros par an" l'enveloppe nécessaire pour "remettre à flot les Ehpad" au niveau national et "les maintenir en état de fonctionnement".
Ils demandent aussi un financement de la cinquième branche de la Sécurité sociale et une loi sur le grand âge pour avoir "une vision à long terme".

Au total, les élus de cinquante-sept communes des Côtes-d'Armor ont pris, ces derniers mois, des arrêtés municipaux pour exiger de l'État qu'il instaure un plan d'urgence d'accès à la santé. En réponse, le préfet du département a saisi, en référé, le Tribunal administratif de Rennes, pour suspendre ces arrêtés municipaux.

Dernier rebondissement en date, le 13 septembre dernier, le tribunal administratif de Rennes a suspendu en référé, ces arrêtés de plusieurs maires des Côtes d'Armor sommant l'État "d'agir pour la santé", sous peine d'une astreinte financière. Affaire à suivre. 

(Avec Fabrice Leroy)

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