Attendu dans les jours à venir à Brest, le Maxi Edmond-de-Rothschild barré par Charles Caudrelier est en passe de devenir le premier trimaran à boucler une course autour du monde en solitaire, tout un symbole pour un voilier devenu référence.
Il y a eu le Manureva d'Alain Colas, premier à avoir effectué ce coup d'éclat contre la montre en 1974. L'Idec Sport et ses tours du monde sans escale entre les mains de Francis Joyon. Puis le Macif de François Gabart, détenteur du record depuis 2017.
Mais aucun de ces multicoques de légende n'avait réalisé un tel exploit en course. Parti pour gagner l'Ultim Challenge, le Gitana 17, nom de baptême du Maxi Edmond-de-Rothschild, s'apprête à entrer dans le grand livre d'histoire de la course au large.
"J'ai toujours dit qu'il marquerait son temps ce Gitana 17. Il l'a déjà fait à vrai dire, mais là il ne manque plus qu'une petite pierre, la victoire finale, pour montrer à tout le monde qu'on aura vraiment tout accompli" a déclaré Charles Caudrelier à l'AFP.
Pensé pour voler
La conception de ce bateau bleu et blanc aux dimensions gigantesques, 32 mètres de long pour 23 mètres de large, a été lancée par les membres de l'écurie Gitana et financée par la baronne et armatrice Ariane de Rothschild à partir de 2013.
"On a vu le catamaran des Néo-Zélandais sur la Coupe de l'America faire des sauts au-dessus de l'eau grâce à ses foils et atteindre des vitesses de dingue. On s'est dit, c'est ça la suite" se remémore Cyril Dardashti, directeur de l'équipe depuis 2009.
Sollicité par l'écurie, le célèbre architecte naval Guillaume Verdier se met au travail pour dessiner un trimaran pensé autour de ses appendices et sa capacité à voler au-dessus de l'eau, une première pour un navire de course au large de cette taille.
"On nous prenait pour des fous. À l’époque, il n'y avait pas tous ces engins volants à l'eau : les wingfoils, les surfboards à foil, alors construire un Ultim avec cette technologie, c'était audacieux, mais c'est ce qu'on voulait" affirme Cyril Dardashti.
170.000 heures de construction
Fruit de 170.000 heures de construction, le Gitana 17 est mis à l'eau en juillet 2017 et ne tarde pas à prendre son envol, au sens propre. "On a vu nos vitesses exploser, sur certaines allures on gagnait plus de dix nœuds (18km/h)" raconte Cyril Dardashti.
Mais en course, la fragilité de cette technologie pionnière, bientôt imitée par tous les concurrents de la classe Ultim comme Sodebo ou Banque Populaire, perturbe les ambitions de l'équipe : les casses et les abandons s'accumulent pendant un temps.
"Il y avait de la frustration et c'était dur à encaisser, mais il fallait passer par là. On a continué à vouloir voler plus tôt, plus vite", assure Dardashti. En 2019, la nomination à la barre du tandem Franck Cammas-Charles Caudrelier marque un tournant.
Dernier navire à avoir fait une escale
Avec des victoires de prestige sur la Rolex Fastnet Race, la Brest Atlantique, la Drheam Cup, la Transat Jacques-Vabre 2021 et la Route du Rhum 2022, le Maxi Edmond de Rothschild devient le bateau de référence pour les autres écuries.
Elles mettront plusieurs années à combler leur retard, mais toutes choisiront les foils. "Les Ultim volent depuis que le team Gitana a défriché cette nouvelle ère avec succès" décrypte le navigateur Loïck Peyron, grand spécialiste des multicoques.
Lors de l'Arkea Ultim Challenge, le Maxi Edmond-de-Rothschild est le dernier navire de la flotte à avoir fait une escale, après avoir pris un avantage quasiment irrattrapable pour ses adversaires.
Un peu comme si les années d'avance prises par ce bateau pionnier avaient fini par payer.