En octobre 2013, la mouvement des "Bonnets rouges" embrasait la Bretagne. Dix ans après, quel est le bilan ?L'économie bretonne se porte-telle mieux ? Faut-il s'attendre à de nouvelles révoltes ? L'analyse d'Erwann Charles, maître de conférences à l'Université de Bretagne occidentale.
À l'automne 2013, le mouvement des "Bonnets rouges" embrasait la Bretagne et faisait trembler les murs du pouvoir à Paris. Mobilisés contre un projet d'écotaxe poids lourds, ouvriers, agriculteurs et patrons bretons faisaient cause commune pour faire plier le gouvernement.
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Dix ans après, quel est le bilan et, surtout, peut-on s'attendre à court ou moyen terme à de nouvelles révoltes ? Réponse d'Erwann Charles, économiste breton, maître de conférences à l'Université de Bretagne occidentale à Brest. Et coauteur notamment de "L'automne des bonnets rouges - de la colère au renouveau" (Editions Dialogues).
Qu’a apporté le mouvement des "Bonnets rouges" ?
Erwann Charles : On ne peut pas ne pas évoquer le fameux Pacte d’avenir pour la Bretagne qui a permis un certain nombre de mutations, d'accompagner des changements dans les filières, une adaptation à une nouvelle donne économique bien entendu.
Mais de ce fameux Pacte, que retient-on aujourd’hui ? Le polder des EMR (énergies marines renouvelables) à Brest et peut-être l’arrivée du siège de l’Ifremer, également à Brest.
Pour le reste, ce qu’on peut peut-être déplorer, c’est que ce ne sont pas toujours les territoires qui s’étaient mobilisés lors du mouvement des Bonnets rouges qui ont été favorisés et qui ont tiré, un peu, les marrons du feu de cette révolte.
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L’économie bretonne se porte-t-elle mieux ?
Erwann Charles : Oui, des indicateurs sont positifs. Mais il faut bien se dire qu'on a affaire aujourd'hui à un sérieux problème d’inflation, avec des répercussions sur le pouvoir d’achat des habitants, et sur la compétitivité des entreprises.
Et l'on sait justement qu'une partie de l’économie bretonne, notamment les industries agroalimentaires, sont fortement demandeuses d’énergie, d’intrants, de matières premières particulièrement impactés par cette inflation et la crise géopolitique.
Faut-il s'attendre à une nouvelle révolte ?
Erwann Charles : Aujourd’hui, peut-être pas directement. Mais des étincelles peuvent venir de plusieurs endroits. J’ai discuté dernièrement avec des maires du littoral, d’une île, qui me disaient qu'à leurs yeux, le problème du logement était devenu majeur, qu'il y avait de fortes tensions, que certains en étaient presque venus aux mains.
On a aussi en tête bien entendu ce qui se passe dans le monde de la santé, avec les déserts médicaux notamment. Et des "réponses" trouvées qui ne sont pas de véritables solutions aux problèmes. C’est la population qui est impactée. On touche à la santé, à la vie même.
Alors oui, il peut très bien y avoir rapidement une étincelle. Avec derrière des causes qui peuvent s’agréger. Mais après, on ne sait pas où ça peut mener.