Concarneau. Une voiture immatriculée en région parisienne incendiée devant une maison

Dans la nuit du 4 au 5 mai, la voiture d’une résidante de Concarneau a été incendiée. Les lettres FLB (comme Front de Libération de la Bretagne) ont été dessinées sur la route. Ces dernières années, les attaques contre des résidences secondaires se multiplient dans toute la Bretagne.

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Devant la maison aux volets clos de ce quartier résidentiel de la Pointe du Cabellou à Concarneau, seuls des traces sur le sol et le portail noirci demeurent.

Dans la nuit du 4 au 5 mai, vers deux heures du matin, Florence Vigouroux, la propriétaire des lieux  a entendu du bruit et le son d’un moteur qui démarrait un peu rapidement. En sortant, elle a découvert sa voiture, immatriculée dans le 92, en flammes.

Les pompiers qui ont éteint le feu lui ont très vite fait comprendre que l'incendie était criminel. Un objet incendiaire avait été déposé sous le reservoir. 

Sur la route, un FLB (comme Front de Libération de la Bretagne) avait été bombé.

"Depuis, je suis dans un état de sidération, témoigne la propriétaire. Oui, ma voiture est immatriculée dans le 92, mais je suis bretonne. J'ai vécu 10 ans à Concarneau, c 'est là que j'ai été au lycée. Je suis partie quand j'ai passé le concours du CAPES pour devenir enseignante. J'ai été nommée dans les Hauts de Seine, mais toute ma famille vit ici, ma mère, mon frère, mon oncle... Je suis bretonne, je me sens chez moi en Bretagne et je vais en Bretagne en toute tranquilité. Jamais je n'aurais imaginé..." 

" Je peux comprendre qu'il y ait de la grogne contre les résidences secondaires, mais je ne ne crois pas que la violence puisse résoudre quoi que ce soit, " poursuit Florence Vigouroux. "Je ne suis pas la bonne cible". 

"Je suis dépité, catastrophé de voir que des gens s'en prennent à des bretons qui ne demandent rien à personne, déplore Yves Le Gal, président de l'association Bienvenue au Cabellou. Tous les bretons n'ont pas trouvé de travail en Bretagne. Moi, j'ai travaillé à Paris, à Nantes, mais je suis revenu. On se plait ici, c'est chez nous. "

"Le quartier a une histoire, continue-t-il, c 'était un petit bout de landes où on a construit des maisons il y a bien longtemps. Des gens de Paris, mais aussi des gens de Scaer ou de Rosporden. Aujourd'hui, ce sont les enfants ou les petits enfants qui occupent les maisons, certaines, peut être la moitié, sont des résidences secondaires, mais c'est notre histoire." 

Et le président de l'association s'étonne que cette résidence soit prise pour cible. "Les artisans, les peintres, les jardiniers, les commerces du secteur, peronne n'est mécontent de notre présence, souligne-t-il, le tourisme fait vivre l'économie de la région."

Le retour du FLB ? 

Les lettres bombées sur la route devant son domicile marquent-elles le retour du FLB ? Le Front de Libération de la Bretagne n'a plus fait parler de lui depuis plus de 40 ans. 

Entre 1964 et 1981, il a revendiqué quelques 300 attentats en France, dont celui de Roc’h Tredudon en février 1974 qui a privé la région de télévision pendant de nombreux mois ou celui du Château de Versailles en 1978.

Ces attentats visent alors le plus souvent des cibles de l’Etat français : bâtiments du Trésor Public, gendarmeries, installations militaires, comme le camp de Ty Vougeret.

Le FLB souhaite attirer l’attention sur les difficultés bretonnes. "Non au désert breton", "Etat breton libre". "Las des atermoiements du pouvoir français, de ses promesses jamais tenues à l'égard de la Bretagne, témoins de son mépris à l'égard de ses intérêts économiques, de noytre développement social, de notre langue de notre culture (...) nous avons décidé d'une séerie d'actions.(...) Nous reprenons le combat progressiste et révolutionnaire (...) pour la liberté de la Bretagne et pour le droit des bretons de rejeter le statut colonialafin de se gouverner eux mêmes librement", précise le premier communiqué du FLB en jullet 1966. 

L’Armée Révolutionnaire Bretonne, ARB, prend ensuite le relais du FLB. Les actions se multiplient jusqu’à la fin des années 1990. La mort de Laurence Turbec lors de l’attentat du Mac Donald de Quévert signe la fin de l’activité du mouvement.

Les résidences secondaires, nouvelles cibles

Ces dernières années, le sigle FLB a recommencé à fleurir. Les nouvelles cibles ne sont plus les bâtiments administratifs mais des résidences secondaires.

Le 12 janvier dernier, à Landunvez, sur la côte nord du Finistère cette fois, une maison est détruite par les flammes. Un tag FLB est retrouvé sur le mur.

Dans la nuit du 17 au 18 mai, à Caurel, dans les Côtes d’Armor, une résidence secondaire est incendiée. Sur un arbre, les enquêteurs découvrent gravé :  "Parisiens dehors, FLB."

En juin 2021, des coups de batte de baseball sont assenés contre la vitrine d'une agence immobilière de Pont-Aven. Là encore, le sigle FLB est inscrit à la peinture. 

 

En novembre 2021, un courriel adressé à nos confrères du Télégramme revendiquait une quinzaine d’attentats contre des résidences secondaires entre avril 2017 et aout 2021 et dénonçait les "profiteurs de l'industrie touristique".

Le FLB est -il de retour ? Erwan Chartier, auteur de "Le dossier FLB, Plongée chez les clandestins bretons" n'y croit guère. "Le FLB n'existe plus depuis 1981" rapelle-t-il.

Il se dit à la fois "surpris" et 'pas si étonné que cela" par les récents évènements. "On voit bien que depuis plusieurs années, les attaques contre des résidences secondaires se multiplient."

"La question de l'immobilier dans la région se fait chaque jour plus pressante, constate-t-il. Il y a des secteurs, notamment sur le littoral, où il n'est plus possible pour les jeunes actifs de se loger à cause des prix qui s'envolent pour des maisons de vacances. Il y a un réel problème, il se peut que des gens souhaitent capitaliser sur cette colère pour fonder une nouvelle organisation clandestine", suggère-t-il.

"Dans les années 1970, au Pays de Galles, plusieurs résidences secondaires avaient ainsi été brulées, se souvient l'historien. Ceux qui ont brulé cette voiture ou des maisons veulent sans doute mettre l'accent sur la question", propose-t-il. 

Plusieurs organisations, notamment de la gauche bretonne; se sont déjà emparées du problème précise Erwan Chartier. En 2020, le collectif Dispac'h a lancé une campagne de collages pour dénoncer la spéculation immobilière liée au développement des résidences secondaires.Ces derniers mois, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes cotières. 

L'immobilier en tension

Selon une récente étude l'INSEE en mai 2023, en Bretagne, en 2019, 12% du parc immobilier breton est une résidence secondaire. Précisément, 233 600 logements sont considérés fiscalement comme des résidences secondaires. Mais le cliché du parisien qui vient acheter une grande maison en Bretagne et qui fait s’envoler les prix des biens est égratigné par l'enquête. “Les détenteurs de résidences secondaires en Bretagne sont pour moitié des habitants de Bretagne ou de Pays de la Loire” affirme l’INSEE.

Mais les locations type Airbnb attisent les colères. Ce week-end de pont du 8 mai, dans le secteur de Saint-Malo, une famille a loué une maison pour fêter un anniversaire. Le temps de décharger les valises et de s'installer, explique un des enfants sur la page Facebook de la ville, la voiture avait été "vandalisée, rayée sur toute la longueur.

"Tout cela c'est des violences inacceptables et cela crée un climat désagréable ", regrette Florence Vigouroux. Elle est rentrée dans le 92, dans une voiture fournie par son assurance. Mais elle reviendra, "j'en ai besoin, dit-elle, c 'est là où je suis née."

( avec Julien le Bot)

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