Entre les Vieilles Charrues, la mairie de Carhaix et Poher Communauté, le dialogue semble de plus en plus difficile. Voire impossible. Le festival dénonce des décisions qui pèsent lourd sur son avenir. Christian Troadec parle de "chantage" de la part des organisateurs.
L'édition 2024 des Vieilles Charrues sera-t-elle la dernière ? C'est en tout cas ce que les organisateurs laissent entendre dans un communiqué. "Les récentes décisions de la municipalité de Carhaix et de Poher communauté condamnent l'avenir du festival" disent-ils.
En cause : des nouvelles pertes de terrain mais aussi une taxe de 367.000 euros pour l'utilisation du site de Kerampuilh. "Sans concertation" selon la direction des Vieilles Charrues qui parle "d'acharnement. Nous avons sans cesse dû nous adapter ces dernières années, face aux revirements incessants - terrains mis à disposition, puis payant ou supprimés, préemption - seulement, aujourd'hui, nous n'avons plus de marge de manœuvre ni de solution de repli autour du festival" alerte-t-elle.
"Une taxe injuste"
Le festival rappelle qu'en 2023, il avait "publiquement annoncé" sa volonté d'acquérir le bâtiment des anciennes chambres consulaires, près de l'entrée principale du site. "Un compromis de vente a été signé le 1er décembre 2023, précise-t-il, on prévoyait une occupation de ces nouveaux locaux à partir de l'été 2024". Or, "la municipalité a décidé de préempter le bâtiment, sans échanges préalables ou explications et nous l'a fait savoir par huissier le 23 février dernier" déplorent les organisateurs des Vieilles Charrues.
Plus de 2 millions d'euros de dons, de travaux, de spectacles, voilà les contreparties apportées par le festival à la Ville de Carhaix
Association des Vieilles Charrues
Quelques semaines plus tard, le 8 mars, Poher Communauté déclare vouloir reprendre la main sur la moitié des terrains occupés par les campings du festival. "On nous impose de les déménager d'ici 2026, dénonce l'association des Vieilles Charrues, alors qu'une convention avait été signée avec la Région Bretagne et Poher Communauté en décembre 2023, promettant une sécurisation des terrains mis à disposition pour les campings".
La facture de 367.000 euros demandée par la Ville de Carhaix, ce 12 avril, ne passe pas non plus. Elle englobe l'occupation de la prairie de Kerampuilh, des bâtiments et la mise à disposition d'agents communaux. "Compte tenu des multiples contreparties apportées par le festival à la Ville, notamment plus de 2 millions d'euros de dons, de travaux, de spectacles et l'équivalent de 2.000 billets offerts chaque année à la mairie, nous jugeons cette taxe injuste et excessive" martèlent les Vieilles Charrues dans leur communiqué.
"Politique et chantage"
Contacté, le maire de Carhaix voit dans ces déclarations "une manœuvre politique" de la part de Jean-Louis Martin, le président des Vieilles Charrues, et Jérôme Tréhorel, le directeur du festival. "Ils font de la politique et du chantage, affirme Christian Troadec. Ils avaient déjà tenté un coup en 2019, avant les élections municipales. Là, ils commencent la campagne électorale en avance" ironise l'élu.
Christian Troadec a bien conscience de l'apport des Vieilles Charrues à la commune. "Et nous sommes très heureux d'accueillir l'événement, souligne-t-il. Mais les organisateurs du festival doivent aussi respecter la collectivité qui a d'autres actions à mener, notamment en termes de développement économique".
Toute cette agitation ne me semble pas très sérieuse
Christian TroadecMaire de Carhaix
Il mentionne le déménagement d'une partie des campings situés sur la zone d'activité économique (ZAC) de Kergovo. "Pour compenser la perte de cette moitié de terrain, sur laquelle des entreprises veulent s'implanter, Poher Communauté propose d'autres parcelles pour les campings, sur la ZAC de la Métairie-Neuve, assure le maire de Carhaix. Les Vieilles Charrues ont participé au découpage de la zone et signé une convention. Donc toute cette agitation ne me semble pas très sérieuse".
Une solution que le festival estime "inadaptée" car, indique-t-il, "cela obligerait les festivaliers à effectuer le double de la distance qu'ils parcouraient jusqu'à présent pour rejoindre le camping, qui plus est sur un axe non sécurisé".
Rapport de force
Christian Troadec n'en démord pas : "ils font des histoires alors qu'en réalité, il n'y a pas d'histoire. Si on leur demande de verser une taxe annuelle, c'est normal. La collectivité veut garder la main sur ses équipements. Le site n'a pas à être privatisé par le festival".
Ce dernier se défend de vouloir le faire. Les organisateurs des Vieilles Charrues évoquent leur attachement "à un modèle 100 % associatif, à but non lucratif" ainsi qu'à Carhaix. Et de citer les 7.000 bénévoles membres d'une centaine d'associations locales, "auxquelles sont reversés plus de 140.000 euros chaque année", les retombées économiques pour ce territoire du Centre-Bretagne, "18 millions d'euros au total et 2.500 emplois directs et indirects".
Ils considèrent que les décisions des deux collectivités communale et intercommunale les mènent à "une impasse". "Nous ne pouvons imaginer la fin des Vieilles Charrues" disent-ils. Christian Troadec non plus qui n'apprécie guère le rapport de force. "J'ai fait partie de ceux qui ont créé les Vieilles Charrues, rappelle-t-il. Mais leur manière d'imposer sans cesse leur point de vue à la collectivité finit par provoquer une réaction de notre part".
Les Vieilles Charrues en appellent désormais "aux élus centre bretons pour sauver le festival".