"Si l'ancre dérape, l'alerte est immédiate", ils inventent la bouée connectée qui permet aux plaisanciers de dormir tranquille

Louis Bridlance et Émile Raison ont baptisé leur bouée connectée du nom de Morphée. Ce système innovant, plusieurs fois primé et unique au monde, veille sur l'ancre du bateau quand il est au mouillage. Les deux ingénieurs ont amarré leur start-up chez Jean le Cam, dans le Finistère.

Il a suffi d'un mouillage agité, au large de la Sardaigne, pour provoquer le déclic. Lorsque l'ancre de leur voilier chasse, en plein après-midi, sous l'effet d'une météo venteuse, Louis Bridlance et Émile Raison ne s'aperçoivent pas tout de suite que le bateau entame lentement mais sûrement sa dérive. Il leur faut quelques minutes pour constater qu'ils se rapprochent dangereusement des rochers. "Et là, on s'est dit : mais si cela arrivait la nuit, quand on dort, comment on ferait pour s'en rendre compte, relate Émile. On a donc cherché des solutions sans vraiment en trouver une qui soit efficace".

Les deux amis, à l'époque étudiants ingénieurs à Centrale Marseille, se mettent à l'ouvrage et consacrent leur projet d'étude à la création d'une bouée connectée qui alerte les plaisanciers en cas de dérapage de l'ancre. Une innovation, première du genre à l'échelle mondiale, qui s'appuie sur l'intelligence artificielle.

Adoubés par  Jean Le Cam

L'idée séduit et trouve écho auprès des navigateurs. Louis, le Vannetais, expert en ingénierie maritime, et Émile, le Marseillais, spécialiste en analyse de données et programmation, se documentent, interrogent les sauveteurs en mer qui leur expliquent que, dans le sud-Finistère par exemple, le phénomène de dérapage de l'ancre est à l'origine de 65 % des opérations de secours.

Ils présentent leur projet au concours Les Entrep', terminent sur le podium en finale nationale et s'envolent, en 2022, pour Seattle où ils sont sélectionnés pour le Start-up Challenge. La bouée connectée décroche une 2e place dans ce défi américain et ses inventeurs, un peu d'argent qui leur permet de se lancer et de créer Mooring Solution, leur petite entreprise dont le siège est à la Forêt-Fouesnant. 

Pourquoi le Finistère ? Tout simplement parce que Louis, au retour de Seattle, rejoint l'équipe de Jean Le Cam pour la construction du nouvel Imoca avec lequel le navigateur s'alignera sur le prochain Vendée Globe.

La bouée connectée intègre l'incubateur Finistère-Mer-Vent, co-fondé par Le Cam, une structure qui accompagne les entreprises des filières nautiques et des énergies renouvelables.

Capteurs de pointe

Il a fallu 18 mois de recherche et de développement à ces deux ingénieurs, passionnés de voile, pour mettre au point leur bouée connectée qu'ils ont tout naturellement baptisée Morphée. De jour comme de nuit, elle veille sur l'ancre et les plaisanciers peuvent ainsi dormir sur leurs deux oreilles. "Ils sont alertés instantanément en cas de dérapage de l'ancre, expliquent les créateurs. La bouée est équipée de capteurs de pointe pour éviter les fausses alertes et est reliée à l'ancre grâce à un mousqueton et un cordage tendu".

Morphée est autonome du point de vue énergétique puisqu'elle dispose d'un panneau solaire qui évite de puiser dans les batteries du bateau. Plusieurs fonctionnalités sont proposées et en option, notamment un module 4G pour alerter à distance (via un sms) le propriétaire si ce dernier est à terre.

Un pas de plus vers une navigation respectueuse de l’environnement

Louis Bridlance et Émile Raison

Co-fondateurs de Mooring Solution

Autre élément mis en avant par Louis et Émile : une réduction de l'impact environnemental. "Lorsque l'ancre se décroche, elle arrache de nombreux herbiers, comme la posidonie que l'on trouve en Méditerranée, soulignent-ils. Elle racle le fond marin et détruit un écosystème essentiel à la biodiversité".  Ils précisent encore que leur invention est réalisée à partir de plastiques durables, "ce qui représente un pas de plus vers une navigation respectueuse de l’environnement".

Premières livraisons fin juin

S'ils sous-traitent la fabrication de la coque et des cartes électroniques, Louis et Émile effectuent eux-mêmes l'assemblage de la bouée. Dans un garage familial du côté du Morbihan.

C'est aussi auprès de leurs familles que les deux fondateurs de Mooring Solution ont opéré leur première levée de fonds pour se développer, avant de bénéficier de la bourse French Tech de la BPI (Banque publique d'investissement) d'une valeur de 30.000 euros. "Et on a aussi fait un prêt bancaire" précise Émile, lequel mesure le chemin parcouru en à peine trois années. "Les planètes se sont alignées, sourit le jeune homme de 26 ans. Avec Louis, on a l'habitude de gérer des choses ensemble sur le court et moyen terme. On a dirigé l'école de voile de notre école tous les deux. Là, on passe dans un autre registre".

Nous voulons jouer un rôle dans l'amélioration de la sécurité maritime et dans la préservation des écosystèmes marins

Louis Bridlance et Émile Raison

Co-fondateurs de Mooring Solution

Les premières bouées connectées seront livrées d'ici la fin du mois de juin. Le carnet de commandes compte déjà une dizaine de demandes. Le Morbihannais et le Marseillais ont l'ambition de vendre, en cinq ans, près de 2.000 unités en Europe. Le prix oscille entre 1.100 et 1.300 euros en fonction du modèle choisi.

Dans leur stratégie d'entreprise, ils ont également intégré la possibilité de louer une bouée connectée, "car nous souhaitons démocratiser l'accès à cette technologie, disent-ils. Notre start-up veut jouer un rôle dans l'amélioration de la sécurité maritime et dans la préservation des écosystèmes marins".

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