Après les agriculteurs, c’est au tour des apiculteurs d’être en colère ! L’annonce de la mise sur pause du plan ecophyto leur fait craindre le pire. Aujourd’hui, 20 à 30% des ruches se meurent à cause des pesticides. Cette pause, disent-ils, c’est un recul.
Depuis quelques jours, les chatons ont commencé à se déplier au bout des branches des noisetiers. Les abeilles se risquent dehors pour aller butiner. "J’ai vu les premières rentrées de pollen, se réjouit Philippe Charpentier, le secrétaire départemental du Syndicat des Apiculteurs d'Ille-et-Vilaine. Elles sortent pour se nourrir, explique-t-il, c’est le tout début."
Dans quelques semaines, les allers et venues autour des ruches seront bien plus fréquentes. Du moins, il l’espère. Car la mise sur pause du Plan Ecophyto annoncée par le Premier Ministre, Gabriel Attal, inquiète les apiculteurs.
Etymologiquement, insecticide signifie tueur d'insecte
Le plan visait à diviser par deux la quantité de pesticides épandus d’ici 2030. Un premier plan Ecophyto, avec le même objectif, avait échoué en 2008. Un autre avait suivi, avec le même résultat… et le troisième est donc en pause. "C’est un recul", dénonce Philippe Charpentier.
Il suffit de se pencher un instant sur l’étymologie du mot insecticide pour comprendre que la cohabitation avec les abeilles sera difficile. En latin, insectum signifie, insecte, et cædere, tuer !
Les abeilles, c’est comme si elles avaient un GPS intérieur, elles retournent à la ruche parce qu’elles connaissent son orientation par rapport au soleil, mais quand elles ont été au contact de pesticides, elles sont perturbées, elles ne retrouvent pas leur chemin et ne retournent pas à la ruche
Philippe Charpentier, secrétaire départemental du Syndicat des Apiculteurs d'Ille-et-Vilaine
"C’est simple, ça les empoisonne, résume l’apiculteur. Elles perdent le sens de l’orientation. Les abeilles, c’est comme si elles avaient un GPS intérieur, elles retournent à la ruche parce qu’elles connaissent son orientation par rapport au soleil, mais quand elles ont été au contact de pesticides, elles sont perturbées, elles ne retrouvent pas leur chemin et ne retournent pas à la ruche. Et là, décrit l’apiculteur, c’est une spirale infernale qui commence. Si elles ne rentrent pas, il y a moins d’abeilles, et donc moins de miel et de pollen. La reine se met à pondre moins, comme elle pond moins, il y a moins d’abeilles à partir chercher du pollen et la ruche risque de péricliter."
#apiculture #PMDE #revenupaysan #StopALE #pesticides #transition la @ConfPaysanne aux côtés des apicultrices et apiculteurs qui subissent de plein fouet importations à bas prix et reculs sur les ambitions gouvernementales concernant les pesticides https://t.co/4g46Spywmi
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) February 6, 2024
20 à 30 % de ruches mortes
Ces dernières années, les apiculteurs constatent une mortalité de 20 à 30% des ruches. Les apiculteurs ne peuvent rien faire. "J’ai bien essayé de leur dire où aller butiner, plaisante Philippe Charpentier, mais cela n’a pas marché ". Ses abeilles vont où elles veulent. Le plus près possible de la ruche parce que parcourir de longues distances, c’est une perte d’énergie pour elles et que cela veut dire qu’elles ramèneraient moins de nectar. Mais elles vont où elles veulent.
Les abeilles se contaminent avec le pollen mais aussi avec l’eau. "On l’oublie souvent, précise Philippe Charpentier, mais elles ont besoin de boire. Elles repèrent les petites gouttes de rosée du matin ou celles issues de la sudation des plantes, mais si ces petites gouttes contiennent des produits phytosanitaires, elles s’intoxiquent. "
Pour comble de malchance, c’est au printemps que les abeilles butinent le plus. Exactement à la période où se font les traitements à base de pesticides.
Lire aussi : Abeilles en danger : le coup de gueule d'un apiculteur finistérien
43 000 tonnes de pesticides vendues en France en 2021
L’apiculteur se désole de voir les molécules déversées dans la nature. En 2021, selon les chiffres du Ministère de l’agriculture, 43 013 tonnes de pesticides ont été vendues en France. Le problème, c’est que les molécules se mélangent dans la nature." Lorsqu’il y a plusieurs molécules associées, les effets s’ajoutent, décrit Philippe Charpentier. S’il y a par exemple trois molécules, le danger ne sera pas multiplié par trois mais peut être par un facteur bien supérieur. C’est cela, l’effet cocktail et ça a un effet détonnant pour les abeilles."
Colère des agriculteurs : les apiculteurs dénoncent "une forte hausse des importations" et la mise en pause du plan Ecophytohttps://t.co/Rt46kWNLU4
— franceinfo (@franceinfo) February 5, 2024
"Certains produits, ajoute-t-il, ont été interdits il y a trente ans mais on retrouve encore des traces, par exemple le DDT. Ça reste dans la nature, ça ne part pas comme ça. "
Des insectes importants
Les apiculteurs ont créé une intersyndicale. Ils demandent à être conviés au conseil d’orientation stratégique pour faire entendre leur voix et leur point de vue.
Ils ne cessent de le répéter depuis des années, les abeilles sont importantes pour la fabrication du miel, mais elles ont aussi un rôle important pour la vie sur terre en général.
D’après les experts apicoles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, un tiers de la production alimentaire mondiale dépend des abeilles.
"Si les abeilles disparaissaient, l'homme n'aurait plus que quatre ans à vivre", aurait déclaré Albert Einstein.
" Si les pesticides agissent sur les abeilles, ça agit aussi sur nous, termine Philippe Charpentier, nous faisons tous partie du même écosystème. Si l’une est en danger… l’autre le sera aussi… "