Si l'objectif est toujours de réduire l'usage des pesticides en France, le gouvernement est accusé d'avoir reculé et fait trop de concessions aux agriculteurs après la crise de cet hiver. Un nouvel indicateur va être mis en place. Il est contesté par les associations de défense de l'environnement. Mais alors, quelles sont les attentes en Bretagne et les solutions envisagées ?
Début février, en réponse à la crise agricole, le gouvernement mettait en pause le plan de réduction des produits phytosanitaire Ecophyto, contesté par la FNSEA et la Coordination rurale. Il est de retour, dans une nouvelle version. L'objectif du gouvernement reste toujours de réduire de 50% l'usage des pesticides d'ici à 2030 par rapport à 2011.
Changement d'indicateurs
Pour changer les pratiques, le gouvernement met 150 millions d'euros sur la table, mais la mesure la plus polémique c'est cette nouvelle méthode de calcul pour mesurer la réduction des pesticides. Terminé le NODU qui considérait le nombre de doses de pesticides utilisées par un agriculteur. Il est remplacé par le HRI1 qui pondère ces quantités par leur dangerosité.
Jean-René Meunier, responsable des productions végétales à la FRSEA Bretagne, se dit satisfait de ce changement : "Le nouvel indicateur européen nous va bien. Cet indicateur pondère l'indice de dangerosité des produits, et ça, on le demandait depuis longtemps. Mais globalement, je reste inquiet. Il y a des domaines sur lesquels on a très peu de capacités d'action. À titre personnel, je fais je viens de détruire des hectares de céréales parce qu'on a supprimé des produits phytosanitaires. On ne les utilise pas par plaisir, mais les solutions mécaniques alternatives, ça marche quand il fait beau, pas quand il pleut tout le temps", commente-t-il.
Le nouvel indicateur européen nous va bien. Il pondère l'indice de dangerosité des produits, et ça on le demandait depuis longtemps.
Jean-René Meunierresponsable des productions végétales - FRSEA Bretagne
Pour ces syndicats majoritaires, se priver des pesticides entraînerait une chute de la production et une destruction des filières, à rebours des impératifs de souveraineté alimentaire. Une ligne que ne partagent ni la Confédération paysanne, ni la filière bio.
Lire : Suspension du plan Ecophyto contre les pesticides : "C’est une victoire de l’agrochimie"
"Un indicateur menteur"
Grosse déception donc pour les écologistes qui dénoncent un indicateur trompeur : "C'est un indicateur menteur qui va donner à voir une baisse qui n'existe pas, qui ne reflète pas les pratiques. On va dire d'ici un an ou deux aux agriculteurs, l'indicateur est à -50%, tout va bien, vous avez bien travaillé alors que rien n'aura changé".
Lire : Agriculteurs en colère. "Ils sont pris dans un engrenage dont ils ne savent plus comment sortir"
Fin 2023, une commission d'enquête avertissait qu'en France, "sur au moins un tiers du territoire national, les pesticides et leurs métabolites, les composants issus de leur dégradation, constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable". A l'heure où le gouvernement révise son plan de réduction des pesticides, élus et responsables de la qualité de l'eau potable s'inquiètent de cette source de pollution toujours plus coûteuse pour les habitants.
"Les collectivités territoriales, responsables de la distribution d'eau potable, ont de plus en plus de difficultés à remplir cette mission. Ce que je sais avec certitude, c'est que la situation n'est pas brillante. 90% des cours d'eau en Bretagne sont touchés par des reliquats de pesticides, qui normalement sont interdits depuis des années", selon Thierry Burlot, président du comité de bassin de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. "Le problème des pesticides n'est pas derrière nous, mais devant nous", insiste-t-il.
90% des cours d'eau en Bretagne sont touchés par des reliquats de pesticides qui normalement sont interdits depuis des années.
Thierry Burlotprésident du comité de bassin de l'agence de l'eau Loire-Bretagne
Entre 1980 et 2019, 4.300 captages d'eau potable ont été fermés dans l'Hexagone pour cause de pollution, "principalement aux nitrates et aux pesticides", selon la commission d'enquête parlementaire. "On ne comprendrait pas qu'au moment où on vit des sécheresses, on ferme des captages", relève Thierry Burlot. Comme d'autres, il plaide pour l'application du principe "pollueur-payeur". D'autant que fin 2023, le gouvernement a renoncé à augmenter la redevance sur les utilisateurs de pesticides pour financer les agences de l'eau.
Des traitements existent pour éliminer les résidus de pesticides dans l'eau, par des charbons actifs ou des membranes, mais pour un surcoût du prix du m3 de l'ordre de 30 à 45%. Un coût rédhibitoire, notamment pour les zones rurales. Mieux vaut traiter le problème en amont, en limitant l'usage des pesticides dans les zones où ruissellent les eaux qui viendront alimenter les captages.
Accompagner les agriculteurs dans la prise de risques
"Moi je veux bien entendre l'idée de progressivité dans la réduction. Je suis réaliste, je sais que ce n'est pas si simple. Mais alors, au moins déjà qu'on mette l'accent sur les zones de protection des captages d'eau potable. Sur ces zones, qu'on interdise les produits. Cela représente moins de 2% de la surface agricole en France. Si on n'est pas capable au moins de ça, alors il ne faut pas imaginer qu'on sortira des pesticides un jour", ajoute Thierry Burlot.
Ce à quoi la FRSEA Bretagne répond, par la voix de Jean-René Meunier, "Qu'est-ce qu'on appelle une zone de captage exactement ? Aujourd'hui, en Bretagne, la majorité des captations d'eau se font sur des rivières ou des lacs. Si on part du principe que le point de captage d'eau potable, c'est par exemple la Vilaine, et qu'on dit zéro phyto sur la Vilaine et bien ça concerne 100.000 hectares, soit 1/3 de la Bretagne, vous vous rendez compte ? Il faut accompagner les agriculteurs dans la prise de risques, sinon ça ne peut pas marcher. Pas d'interdiction, sans solution", conclut-il.
Cet objectif de réduction des pesticides remonte à 2008. Il n'a jamais été atteint et reste incitatif pour les agriculteurs.