Dans une tribune, plus de 2.500 scientifiques appellent à se mobiliser contre l'extrême droite. Parmi eux, des chercheurs et enseignants bretons. Ils mettent en avant la nécessité de porter dans l'espace public les consensus scientifiques et les valeurs qui seraient menacés par le Rassemblement national de Jordan Bardella et Marine Le Pen.
Ils sont plus de 2 500 chercheurs et enseignants de toutes disciplines et de toute la France et ils ont décidé de prendre la parole publiquement pour appeler "à une mobilisation contre le Rassemblement national par le vote et l’engagement collectif".
"Le contexte actuel nécessite qu'on prenne position ouvertement et qu'on nomme les choses." Kaina Privet est docteure en écologie évolutive à Rennes et fait partie des signataires d'une tribune publiée dans le Nouvel Obs. Ces scientifiques mettent en avant leurs missions et leurs valeurs qui s'opposent, selon eux, à celles du RN. "Ne pas prendre la parole, c'est être l'allié des pouvoirs en place."
"Porter dans l’espace public les consensus scientifiques"
"Un aspect de notre mission est de porter dans l’espace public les consensus scientifiques, développe la tribune : l’origine humaine du réchauffement du climat, les causes de l’effondrement de la biodiversité, la gravité des pollutions de l’eau, du sol et de l’air et leur impact sur le vivant et nos sociétés humaines, l’effet des politiques publiques sur la hausse des inégalités et de la précarité (santé, alimentation), en sont des exemples."
Une mission qui s'accompagne de "certaines valeurs" comme "le respect de l’ensemble du vivant" mais aussi "l’humanisme, l’équité, la solidarité entre personnes et avec les générations futures. Nous rejetons toutes les oppressions, écrivent les scientifiques, notamment celles à caractère racial ou genré, et défendons une recherche au service de l’intérêt général."
Et de trancher : "l’arrivée au pouvoir du RN, un parti politique d’extrême droite, menace les valeurs auxquelles nous sommes attaché·es."
"Une tribune indispensable"
"On discute depuis longtemps dans le collectif des Scientifiques en rébellion pour prendre la parole dans l'espace public" raconte Fabrice Beline, directeur de recherche à l'INRAE sur l'agroécologie. Ce texte est l'occasion de rappeler "la crise écologique qui menace notre existence".
"Cette tribune est indispensable" continue Kaina Privet. Elle qui est déjà engagée dans la société civile en tant que femme et scientifique ne cache pas sa déception face aux résultats des Européennes et "au coup de poignard" de la dissolution qu'Emmanuel Macron a décidé. "C'est une stratégie de la part du président."
"Les scientifiques se sentent menacés"
Un travail mûrement réfléchi pour elle et les signataires. Ils ont réalisé "un travail de fond" pour analyser les votes des députés d'extrême droite à l'Assemblée nationale mais aussi leurs prises de parole et leur programme.
Fabrice Beline a été surpris de voir l'ampleur des signataires. "J'ai aussi vu des noms que je ne pensais pas voir, assure-t-il. La mobilisation est importante. Certains scientifiques se sentent menacés dans la manière dont ils pourront faire de la recherche plus tard."
Le directeur de recherche de l'INRAE essaie au quotidien de promouvoir des systèmes alternatifs dans le domaine de l'agriculture, de trouver des solutions écologiques aux crises du milieu agricole et d'informer clairement les citoyens. "L'accès du RN au pouvoir est une menace pour tout cela, affirme-t-il. Et puis les discriminations de l'extrême droite sont contraires aux valeurs de la science."
"Des gens considèrent qu'on a un devoir de réserve, commente Kaina Privet, que nous sommes de simples observateurs et observatrices de la société. C'est un leurre de penser que nous sommes complètement neutres. Ne pas prendre la parole, c'est cautionner ce qui se passe. Nous sommes des personnes informées, avec un accès à la connaissance et un esprit critique."
"Se mobiliser dans les urnes"
La tribune dénonce aussi les attaques envers les contre-pouvoirs et l’État de droit qui se trouvent "dans les cartons du RN". Et de préciser que "sous prétexte d’économies", le RN prévoit la privatisation l’audiovisuel public, manière de restreindre encore le pluralisme médiatique. Ils craignent aussi que "le RN ne s’en prenne à l’indépendance de l’autorité judiciaire".
Si le RN se défend de tout climato-scepticisme, la tribune avance que le parti de Marine Le Pen "persiste dans le climato-rassurisme en relativisant les rapports du GIEC. Plus précisément, le RN s’oppose au déploiement des énergies renouvelables, alors que les scénarios des ingénieurs de RTE montrent que tout miser sur le nucléaire ne permettrait pas de respecter de l’Accord de Paris à l’échelle française."
Les scientifiques appellent donc à une large mobilisation dans les urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.