FNSEA, JA, Confédération Paysanne, Coordination Rurale... ils font campagne pour obtenir la présidence des chambres d'agricultures départementales. Elles ont un rôle méconnu, mais capital pour les exploitations agricoles. On vous explique.
Entre le 15 et le 31 janvier 2025, vont se dérouler les élections des Chambres d’agriculture. 179 000 électeurs Bretons sont invités à se prononcer, 2,2 millions à l'échelle du pays. Des agriculteurs évidemment, mais aussi leurs salariés, ceux des coopératives agricoles, les propriétaires forestiers. Une élection importante qui situe la hierarchie des syndicats agricoles, puissants, entre eux. Et qui pourrait déterminer la voie dans laquelle va s’engager la profession. Car les agriculteurs votent pour la présidence des chambres d'agriculture. Ces dernières ont un rôle méconnu, mais prépondérant dans la vie des exploitations. On vous explique.
Les chambres d’agriculture ont fêté leurs 100 ans en 2024. Leur mission est définie par le Code rural : "améliorer la performance économique, sociale, environnementale des exploitations agricoles et des filières agricoles". "C'est dit comme ça, un peu pompeusement, sourit Sébastien Giraudeau, le directeur de la Chambre d’agriculture de Bretagne, de manière beaucoup plus pragmatique, on est là à chaque temps fort, à chaque moment clé où un agriculteur a besoin d'un accompagnement."
"En clair, cela veut dire qu'on est là à la phase de l'installation, de l’exploitation de la ferme, tout le long de la vie de l'exploitant, et on est là aussi au moment où il veut transmettre" poursuit-il.
Accompagner
Les chambres d’agriculture sont des établissements publics, avec une particularité, puisqu'elles ont l'autorisation, contrairement aux autres établissements publics, d'effectuer des missions de prestations de type privé. Ainsi, certains conseils qu’elles apportent, en élevage, en agronomie, en bâtiment, seront facturés.
Des conseils techniques de ce type sont également fournis par les groupements ou les coopératives. "À partir du moment où d'autres acteurs peuvent la faire, justifie Sébastien Giraudeau cette activité est considérée comme concurrentielle, donc il nous est interdit de prodiguer ce type de conseils gratuitement. "
Conseiller
590 collaborateurs travaillent pour chambre d’agriculture de Bretagne. Si quelqu’un appelle parce qu’il a un problème dans une parcelle, avec des animaux, c’est donc une prestation commerciale, mais en parallèle, les conseillers de la Chambre animent des groupes : groupes "herbe", groupes "lait", groupes "volailles", groupes "gestion des bâtiments" etc... où les agriculteurs peuvent se retrouver, échanger sur leurs pratiques, et bénéficier des conseils collectifs et donc gratuits.
"Il y a du conseil aux agriculteurs et conseils à l'agriculture en général"distingue Sébastien Giraudeau. "Les quatre stations expérimentales bretonnes (une en lait, une en porc, une en maraîchage et une en grandes cultures) mènent des expérimentations pour tout le monde. On prend les risques à la place des agriculteurs résume le directeur. Sur la ferme laitière de Trévarez, dans le Finistère, on est en train de travailler sur la ferme bas-carbone de demain. On va faire des erreurs, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas et on pourra dire aux éleveurs, on a expérimenté pour vous, on a pris le bouillon financier, à vous de mettre en place, on va vous accompagner…"
Interface avec l’Etat
Les Chambres d'agriculture doivent également participer au développement des territoires, préserver et valoriser les ressources naturelles. "On a, par exemple, des programmes d'animation sur les bassins-versants pour la qualité de l'eau, la réduction des usages des produits phytopharmaceutiques ou phytosanitaires," décrit Sébastien Giraudeau.
Les Chambres d'agriculture assurent également un certain nombre de services publics. Ce sont elles qui assurent l'identification et de la traçabilité des animaux. Quand on regarde les vaches dans les champs, elles ont toutes une petite boucle orange à l'oreille qui permet de connaître sa filiation et son histoire.
Les Chambres d’agriculture servent également d'interface aussi avec les services de l'État. " Nous sommes le maillon entre les services de l'État et le terrain, les exploitants agricoles, plaide le directeur de la Chambre de Bretagne. Et donc dès que l'État a un message à faire passer ou veut avancer sur un sujet agricole, on est là pour décortiquer le sujet, mesurer les impacts que ça peut avoir sur les exploitants agricoles. Et dans l'autre sens, quand les exploitants agricoles ont des problèmes, quels qu'ils soient, on est là aussi pour les faire remonter auprès de l'État."
"L’an dernier, lors des mobilisations, quand les agriculteurs avaient mis les panneaux à l’envers pour dénoncer le fait qu’on marche sur la tête, on parlait de manque de cohérence des normes" se souvient le directeur. "Ils ont parfois des injonctions contradictoires et ils ont du mal à respecter tout, nous relayons ces difficultés auprès des autorités."
"Nous, on n'a aucun pouvoir de contrôle de la réglementation, affirme Sébastien Giraudeau, mais comme notre rôle, c'est d'accompagner les agriculteurs, nous sommes là pour leur dire voilà ce que dit la loi. Vous pouvez être contrôlés sur telle ou telle chose, à telle fréquence, et voilà ce que vous devez respecter. On effectue ce travail un peu pédagogique, d'expliquer aux agriculteurs ce que l'État n'a pas forcément le temps de faire."
Un nouveau président début mars
La chambre d'agriculture de Bretagne est composée de 46 membres. Dont la moitié est agriculteurs. Ces membres se réunissent en session pour émettre des délibérations qui prônent tel ou tel engagement, émettent tel ou tel souhait. "Ce peut être des orientations sur des sujets comme la PAC, ou sur les dégâts de gibier," détaille Sébastien Giraudeau. Et puis il y a le bureau de 15 membres et enfin des groupes de travail. "On en a sur chaque production, le lait, le porc, la volaille, les céréales, le maraîchage, chaque thématique importante, comme l'énergie, l'environnement, le foncier…"
Un rôle politique
Qui dit élection professionnelle, dit syndicat et évidemment, tous ne sont pas exactement sur la même ligne politique. La majorité des Chambres d’agriculture en France sont dirigées par la FNSEA et les JA (Jeunes agriculteurs) Seuls la Vienne, la Haute-Vienne et le Lot-et-Garonne sont gérées par la Coordination Rurale.
"Forcément, c’est une majorité syndicale qui dirige la chambre d'agriculture, confirme Sébastien Giraudeau. Donc, en fonction des orientations politiques de cette majorité, il y a des orientations dans nos choix."
"Ainsi, le choix actuel de mener une expérimentation sur la ferme laitière bas carbone est un choix politique. Une autre majorité aurait peut-être travaillé sur un tout autre dossier."
"Et ça, c'est très important, affirme-t-il. Quand on parle de la traçabilité, il n'est pas question qu'un élu dise oui, on va donner des moyens pour la traçabilité pour tel type d'élevage parce que c'est le modèle promu, et cet autre type d’élevage, on va pas moins bien l'accompagner. Ça, c'est simplement inentendable !"
Il prend le parallèle avec les collectivités locales. "Dans une mairie, le maire fait des choix, planter des arbres ou faire une rocade, mais il doit entretenir les routes pour tous ses concitoyens. Nous, on doit travailler pour tous les agriculteurs."