ENQUÊTE. Top Chef, Restos du cœur, cantines et stockage à gogo : quatre épisodes au cœur de la fracture alimentaire

L’aide alimentaire à bout de souffle, le flop du bio à la cantine, le monde des stratèges du stockage et la cuisine à l’écran : dans l'enquête “Arrière-cuisine”, les étudiant·e·s en master 2 de journalisme de Sciences Po Rennes questionnent l’alimentation en quatre dimensions.

Si tout le monde connaît le guide Michelin, qui a déjà pu se payer un repas dans un de ses restaurants étoilés ? Au royaume de la gastronomie, tout le monde n’a pas le droit à la même part du gâteau.

"Ce n’est pas normal que dans le pays de la bouffe, les gens n’en aient pas", déclarait Coluche en 1985. Aujourd’hui, dix millions de Français ne mangent pas à leur faim chaque jour, selon le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie). Comment expliquer ce chiffre face à l’abondance dans les rayons des magasins ? Comment cela est-il possible dans un pays où, en 2020, 8,7 millions de tonnes d’aliments ont été gaspillées ?

Pourtant, en France, la cuisine serait un art. Elle est vue comme une passion nationale, au cœur de nos discussions, partagée en masse sur les réseaux sociaux, ou sujet d’émissions visionnées par des millions de téléspectateurs. À l’étranger, les Français sont perçus comme de véritables cordons bleus, des fins gourmets qui mangent trois fois par jour. Nos voisins s’étonnent même du temps que nous passons à table quotidiennement : deux heures et treize minutes en moyenne, selon l’OCDE.

Pendant plusieurs mois, on a cuisiné le vaste sujet de l’alimentation et le fossé entre nos perceptions et la réalité nous a sauté aux yeux. Résultat : une enquête en quatre volets, qui met les pieds dans le plat.

Dans les placards de ceux qui stockent comme des fourmis

Économiser face à l’inflation, gagner du temps dans un quotidien chargé ou vivre de manière plus autonome : stocker, ce n’est pas que pour les survivalistes.

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Notre troisième enquête le démontre. Pot-au-feu, haricots verts, soupes… Les placards de Jean-Philippe sont remplis de toutes sortes de bocaux. Céline, elle, peut tenir deux mois sans faire de courses. Il y a aussi Ange, qui partage ses trucs et astuces pour ranger son cellier sur le réseau social TikTok et affirme avoir fait “plus de deux mille euros d’économies par an” en cinq ans.

Qui sont ces Français qui remplissent leur congélateur de victuailles, empilent les bocaux dans leur garage, et font des réserves comme des fourmis ? Rencontre avec ceux qui veulent mettre la faim au placard.

La cuisine à l’écran : le beurre et l’argent du buzz

À la télévision ou sur les réseaux sociaux, la nourriture inonde nos écrans. Impossible de terminer cette enquête sans s’y intéresser. Top Chef passionne chaque semaine les Français, mais l’émission leur a-t-elle vraiment donné le goût de la cuisine ?

Vous rêvez d’une bonne table, d’un carpaccio de champignons ou des astuces d’un chef étoilé ? Tout est en ligne sur Internet. Pour les producteurs et financeurs de ces contenus, l’enjeu est de taille : il faut séduire pour être rentable. Et même gagner gros.

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Grâce à la mise en scène, l’humour et la compétition, les audiences atteignent des chiffres records. Mais gare à l’indigestion. Face à l’abondance de contenus, difficile de distinguer la publicité du bon conseil culinaire. Plongée au cœur de ce business de la cuisine virtuelle, où les consommateurs ne mangent finalement pas mieux qu’avant.

L’écran fait vendre du papier

L’une des meilleures ventes des librairies rennaises à Noël 2023 : le livre de recettes d’une influenceuse “lifestyle” aux plus de 500 000 abonnés sur Instagram. Comme elle, des dizaines de vedettes, en vogue à la télévision ou sur les réseaux sociaux, prolongent leur influence culinaire sur le papier et leur stratégie marketing paie.

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Précarité alimentaire : l’Etat délègue, les associations dégustent

Le premier article s’attaque à un sujet d’actualité : la précarité alimentaire. Au début de l’hiver 2023, les associations d’aide alimentaire ont tiré la sonnette d'alarme. Pour la première fois, les Restos du cœur ont dû refuser du monde. Les files d’attente s'allongent, tandis que les dons issus de la grande distribution diminuent. En France, 16% de la population ne mange pas à sa faim (Credoc, 2023). 

Étagères vides, bénévoles sursollicités et produits ultratransformés: notre modèle d’aide alimentaire semble prêt à craquer. Mais alors, comment garantir à tous et toutes l’accès à une alimentation suffisante, sans lésiner sur la qualité ? Que fait l’Etat face à l’étendue de cette crise ?

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En France, aucun droit à l’alimentation n’est garanti. Sans attendre, des citoyens et citoyennes inventent de nouvelles formes d'entraide. En Bretagne, Damien sillonne les petites communes au volant d’un camion épicerie à prix solidaires. À Montpellier, quatre cents personnes cotisent dans une caisse commune et reçoivent de l’argent pour faire leurs courses. Bientôt l’avènement d’une Sécurité sociale de l’alimentation ? Pour l’instant, ça coince.

Dans les cantines scolaires, le bio fait chou blanc

La seconde enquête pousse la porte des cantines scolaires. Pourquoi est-ce si compliqué d’y proposer des aliments bios et locaux ? C’est une des questions que nous nous sommes posées, et qui nous a menées dans les rouages complexes d’Egalim. Parmi les mesures phares de cette loi votée en 2018 : 50% d’aliments durables, dont 20% de bio, dans les cantines scolaires.

Dit comme ça, cela paraît simple. Mais dans les faits, son application a tout du casse-tête : formations inadaptées, coût du bio, manque de financements, langage administratif parfois indigeste… Qu’est-ce qui explique que certains établissements réussissent mieux que d’autres ?

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Pour le comprendre, nous sommes passées derrière les fourneaux et avons interrogé des cuisiniers, des fonctionnaires et des élus. Nous nous sommes aussi plongées dans les méandres de l’administration. Et ce que l’on a découvert, c’est que réussir à appliquer Egalim dans la vraie vie, ce n’est pas de la tarte.

"Arrière cuisine" : qui sommes-nous?

Rédactrices en chef : Juliette Pirot-Berson et Daphné Brionne

Secrétaires de rédaction : Adriana Dagba, Isis Marvyle et Romain Blanchard

Responsables iconographies : Camille Debaud et Camille Margerit

Responsables communication réseaux sociaux : Agathe Alabouvette, Laurine Le Goff et Anna Audegond

Equipe pédagogique : Christophe Gimbert et Claire Thévenoux (responsables du master Journalisme)

Equipe éditoriale France 3 Bretagne : Anthony Masteau, Benoit Thibaut

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