En raison de l'effondrement des populations, qui s'est accéléré depuis 4 ans, le comité breton de gestion des poissons migrateurs était réuni ce matin à Rennes. Il a donné un avis favorable à l’interdiction de toute pêche du saumon en 2025 dans les rivières bretonnes mais aussi dans leurs estuaires et en mer.
La population de saumon sauvage s'est effondrée en 2024. Sur les trois stations de contrôle de Bretagne, 643 saumons ont été observés en 2023, contre 813 l’année précédente, 1 073 en 2022 et 2 098 en 2020. Des chiffres très mauvais, alors même que la pêche est déjà interdite dans plusieurs endroits de France.
Cette espèce menacée possède un rythme de vie particulier : les géniteurs se reproduisent en rivière
l’hiver, avant de repartir en mer au printemps. Or, il semble que cette année encore, la population de juvéniles que l’on devrait trouver en rivière a continué à chuter de manière spectaculaire, alors que les conditions sont bonnes.
Les pêcheurs redoutent les braconnages
De ce fait, le comité de gestion des poissons migrateurs, réuni à Rennes ce 15 novembre, a donné un avis favorable à la suspension de la pêche en Bretagne, pour l’année 2025, dans les cours d’eau, les estuaires et en mer. Mais c’est seulement après un délai et une consultation publique que l’arrêté préfectoral sera validé.
Plusieurs fédérations de pêche bretonnes regrettent la décision. Non seulement elles craignent qu’un retour en arrière soit difficile et long, mais elles redoutent aussi les braconnages. Pour elles, les pêcheurs, même pour des quotas très infimes, représentent toujours des sentinelles au bord des rivières.
De plus en plus rare en France, le saumon sauvage va-t-il disparaître des rivières bretonnes ?
"Une mesure de bon sens, indispensable, mais pas suffisante"
Eau et rivières de Bretagne, qui soutenait cette mesure, a également réagi. Pour Arnaud Clugery, porte-parole de l’association, "cette suspension est une mesure de bon sens, indispensable mais pas suffisante". L'association demande à l’État d'accélérer et d'intensifier la lutte contre le changement climatique.
Elle réclame que "simultanément à la suspension de la pêche, trois mesures soient mises en œuvre en Bretagne : le renforcement de la prévention des rejets dits accidentels de lisier qui tuent chaque année des dizaines de km de nos cours d'eau ; la suppression des points noirs de blocage à la remontée des géniteurs vers les zones de frayères, et enfin une politique de contrôle de la réglementation en rivière et en mer",
Déplacement de certains courants maritimes
Pour le moment, il est difficile de savoir pourquoi les saumons sauvages disparaissent.
Les saumons seraient notamment victimes du déplacement de certains courants maritimes. Ils ne trouvent plus les crevettes et autres ressources qui constituaient une part importante de leur alimentation. Ils sont obligés de rester plus longtemps en mer pour atteindre une taille qui leur permet de remonter les rivières et sont donc de moins en moins nombreux à y parvenir.
En moyenne, les saumons sont quatre fois moins nombreux qu’avant à remonter dans les rivières par rapport à la moyenne des remontées sur les trente dernières années et ce phénomène s’est accentué sur les 3 dernières années avec des résultats catastrophiques.
"Nous constatons que les individus qui remontent sont moins nombreux, moins gros et pondent donc moins d’œufs" indique la Fédération de pêche du Morbihan dans un communiqué. "Le nombre d’œufs dépend du poids du saumon, c’est un cercle vicieux, plus l’espèce va mal, moins elle se reproduit ", expliquait le mois dernier François Jossec, technicien de la Fédération de pêche du Morbihan.
Élevages aquacoles mis en cause
L’effondrement des populations de saumons s’observe partout, en Irlande, en Ecosse et en Norvège tout particulièrement, où là aussi de sévères restrictions de pêche ont été adoptées cette année, avec la fermeture de dizaines de rivières au mois de juin dernier. Mais au pays du saumon, ce sont les élevages aquacoles très nombreux, qui sont principalement mis en cause. Ils contamineraient les saumons sauvages.
(Avec Krystel Veillard et Séverine Breton)