Après deux épisodes de gel, la FDSEA 35 demande le classement "calamité agricole" pour l'Ille-et-Vilaine. Selon le syndicat agricole, les producteurs de pommes à couteau, les plus touchés, déplorent de 50 à 90% de pertes sur leurs vergers. Témoignage d'une arboricultrice de Feins.
C’est un verger familial quasi-centenaire. A Feins, en Ille-et-Vilaine, à mi-chemin entre Rennes et la côte, Rachel de Kerautem cultive six hectares de vergers en agriculture biologique, 12 variétés de pommes de table, vendues en grande partie sur l’exploitation, ou en circuits très courts.
Plusieurs nuits avec des températures en dessous de zéro
Ses pommiers, qui sont actuellement au stade du bouton vert, ou bouton rose selon les variétés, ont souffert de plusieurs nuits consécutives avec des températures en-dessous de zéro, jusqu’à -4 la nuit la plus froide, celle du lundi de Pâques, le 5 avril. Or l’arbre est sensible dès -1,5 degré. Si ses deux hectares et demi de Reinettes d’Armorique, une variété rustique et locale plus tardive, semblent avoir été relativement épargnés, après un comptage dans ses allées, la productrice estime que 50% d’une autre variété a elle été touchée par le gel.
"Noir à l'intérieur" des toutes premières fleurs
Il lui faudra attendre le stade de la « nouaison », la formation du fruit juste après la pollinisation, pour mesurer plus finement l’impact du gel sur sa future production. Mais en prélevant les toutes premières fleurs, elle a pu voir que c’était « noir à l’intérieur », et certains boutons, coupés en deux, révèlent un pistil noir. Quand il n’est que "marron", l’arboricultrice se dit que « ça peut repartir peut-être ». Mais les fruits risquent d’être plus petits.
Installée depuis 12 ans, l’arboricultrice énumère les années où le gel a frappé. Depuis 2017, c’est tous les ans, rien à voir avec ce que ses parents ont connu avant elle.
« En 40 ans de carrière, ils ont subi trois fois le gel. On a le sentiment qu’on va le voir tous les ans. Ça va devenir une lutte annuelle »
Il y a 4 ans, elle est confrontée à son épisode de gel le plus dur. Elle s’attendait à faire une très grosse récolte, elle n’obtient que 60 tonnes sur les 200 attendues. En 2019, elle en espérait 120, la récolte ne sera que de 30 tonnes. Elle fait partie de la vingtaine de producteurs d’Ille-et-Vilaine indemnisés après la reconnaissance par l’Etat de la calamité agricole cette année-là sur son exploitation.
"Calamité agricole" demandé pour le département d'Ille-et-Vilaine
Pour ce nouvel épisode de gel, la procédure de « calam » commence à peine, avec une première mission d’enquête menée par la Direction départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) pour constater les dégâts, notamment dans les vergers de Rachel de Kerautem, puis à l’automne au moment de la récolte, pour évaluer les pertes réelles. En Ille et-Vilaine, la FDSEA a donc fait une demande pour le "classement en calamité agricole", pour le département, après les deux vagues de gel. Selon le syndicat agricole, les producteurs de pommes à couteau, les plus touchés déplorent entre 50 et 90% de pertes sur leurs vergers, selon les variétés et l’avancement de la floraison.
[#CP] Gel brutal : la solidarité nationale doit s’exprimer ! La mobilisation doit être générale et se traduire par un soutien massif de la Nation envers ses agriculteurs, qui ont parfois tout perdu. C’est tout l’enjeu de notre#souveraineté alimentaire. #gel2021 @J_Denormandie pic.twitter.com/5sk9TRMpUL
— La FNSEA (@FNSEA) April 12, 2021
Contre le gel, les grands moyens
En attendant, pour contrer le froid, et protéger ses futurs fruits, Rachel de Kerautem et son fils ont allumé des feux dans la nuit de dimanche à lundi.
Passée en bio en 2016, elle utilise aussi des produits naturels, du sucre avant le gel pour rendre le bourgeon plus résistant, du calcium après pour « déstresser la plante ». Mais cette fois, ce nouvel épisode la décide à investir dans un équipement beaucoup plus lourd et imposant. Plusieurs solutions existent pour les arboriculteurs, et après avoir étudié la question, après les pertes liées au gel de 2017, elle a opté pour la tour anti-gel. Un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Elle devrait signer le bon de commande dans les prochains jours.