Le conseil municipal d'Auray vient de voter l'achat d'une ferme maraîchère, malgré l'abstention des élus de l'opposition. L'objectif est de produire des fruits et des légumes bio pour les cantines scolaires. Il y a trois ans, Vannes s'est lancée dans l'aventure, il existe d'autres exemples en France. Ces fermes maraîchères municipales ont-elles un avenir?
Ronan Bétin est un maraîcher-fonctionnaire. Il est embauché par la ville de Vannes pour cultiver un champ de 7000 m2 et deux serres.
En ce moment, il récolte environ 80 kilos de légumes chaque semaine : des carottes, des blettes, des pommes de terre ou des radis noirs. "Ca reste du petit maraîchage, dit-il, on sait ce qu’on a planté et ensuite on sait si ça a plu ou pas, avec le retour des cuisinières". Car tous ces légumes bios sont livrés à trois crèches de Vannes, et aident à fabriquer 170 déjeuners par jour pour des enfants de 0 à 4 ans.
Pas de candidats
C'était un engagement de campagne du maire de Vannes, David Robo: installer une régie de maraîchage bio, municipale.
Avant d'embaucher un maraîcher municipal, les élus avaient sollicité les maraîchers des environs. En vain. Compte tenu des quantités faibles et des exigences de traçabilité pour l’alimentation des enfants dans les crèches, la ville de Vannes ne trouvait pas de maraîcher intéressé, et passait par des grossistes.
"Ce n'est pas le nombre de très bons maraîchers qui manquent autour de Vannes, mais aucun n'était intéressé par le marché des trois crèches de la ville" explique Gérard Thépaut, adjoint à la biodiversité, au climat et aux finances à la ville de Vannes
Quand l'équipe municipale a décidé de produire elle-même des fruits et des légumes, il y a 3 ans, elle possédait déjà les terres. 7000 m2 voisines des serres municipales.
Auray se lance dans l'aventure
A Auray, la ville ne possédait pas de terres agricoles, jusqu'à présent. Le 25 janvier dernier, les élus ont voté l'acquisition de l’exploitation maraîchère du village de Rostevel; à Brec’h de 4,5 hectares.
L'objectif : produire des fruits et des légumes pour les cantines scolaires et les ehpad de la ville. "C'était une opportunité qu'il ne fallait pas laisser passer", explique Claire Masson, la maire écologiste de la ville. C'était aussi une promesse de campagne.
Avant de cultiver des légumes, il faudra construire une cuisine municipale
Mais à Auray, le projet ne verra le jour qu' en 2024. Car, aujourd'hui, il n'y a pas de cantine municipale. Les enfants des écoles d'Auray et les résidents des ephads reçoivent des plats préparés par la cuisine centrale de Lorient.
Claire Masson explique que la transition se fera progressivement, car la construction de la cantine municipale prendra du temps.
L'objectif à terme est de relocaliser la fabrication de près de 800 repas par jour.
Pour le moment, l'équipe municipale n'a pas décidé si les terres seront exploitées en régie municipale ou si la Ville installera un maraîcher sur l’exploitation.
un deuxième maraîcher municipal à Vannes
Auray vise des repas composés à 100 % de produits issus de l’agriculture biologique, comme dans les crèches de Vannes. A Auray, cela représenterait 26,5 tonnes de légumes, par an, contre 4,7 tonnes (chiffre de 2021) à Vannes.
La ville de Vannes souhaite d'ailleurs augmenter sa production. Cette année, un deuxième maraîcher va être embauché. L'objectif est de fournir les cinq crèches de la ville et à terme les écoles primaires.
Nous sommes confrontés au manque de foncier.
Gérard Thépaut, ajoint au maire de Vannes
Reste le problème du foncier, introuvable. Gérard Thépaut reconnaît que sans mètres carrés en plus, la ville ne pourra pas augmenter sa production.
7000 m2 se seront pas suffisants pour nourrir tous les enfants de Vannes.
Des coûts maîtrisés
Quant au surcoût que ce système représente, l'élu de Vannes n'a pas de chiffre précis à donner : "ramené au coût du repas, le surcoût est très supportable. Et cette différence s’estompera quand on augmentera la production", dit-il.
A Mouans-Sartoux dans le Sud-Est de la France, ville de 10 000 habitants qui fait figure de pionnière en la matière et qui est citée par les élus de Vannes et d'Auray, les coûts sont maîtrisés grâce à une politique de l'anti-gaspillage.
L'exemple de Mouans-Sartoux qui mise sur l'anti-gaspillage
Selon Gilles Pérole, adjoint à l'enfance-éducation-alimentation interrogé par France Culture, "le coût de revient est estimé à 8,39 euros, contre 10 euros celui d'un repas en cantine pour la moyenne nationale". Il explique que les agents de la ville ont pris l'habitude de tout peser : "les restes dans les assiettes, les restes à la cuisine, etc". Ainsi, ils adaptent les quantités proposées et donc consomment en moins grande quantité. Par exemple, les pommes sont toujours proposées aux enfants en quartiers.
Mouans-Sartoux a mis en place sa régie municipale agricole qui fournit toutes ses cantines en légumes bio, en 2011. Sur ses 6 hectares, la ferme produit 22 tonnes de légumes bio par an. De quoi satisfaire 80% des besoins de ses écoles.
Pour une réelle réussite, Bérengère Trenit, ingénieure "environnement et urbanisme" à la ville de Vannes insiste aussi sur l'investissement des cuisinières des trois crèches et du maraîcher. "Il y a vraiment une symbiose entre le maraîcher municipal et les cuisinières de la crèche" explique-t-elle.
Car cuisiner les légumes de la ferme maraîchère municipale demande du temps. Il faut cuisinier des produits frais et qui ne sont pas pré-préparés, comme le sont les produits surgelés ou en conserve.
Des modèles pour les autres communes
Beaucoup de communes s'interrogent, comme le constate Gérard Thépaut. " Nous avons beaucoup de demande de renseignements et également des visites sur place."
Des élus de l'IIe d'Yeu, de Quimper ou Noirmoutier ont fait le déplacement. "C’est un projet qui devrait se développer dans beaucoup de municipalités à l’avenir" explique l'élu, confiant.
Il faut dire qu'avec 3,7 milliards de repas par an, en France, pour 11 milliards de chiffres d’affaires, selon l'Insee, le marché de la restauration collective représente un important débouché pour les filières agricoles à l’échelle locale. Dont elles ne profitent guère à l’heure actuelle.