Témoignages. Amyotrophie spinale: le traitement "à la dure" pratiqué dans les années 80 a laissé des traces

40 ans après, les malades atteints d'amyotrophie spinale infantiles reviennent sur les douloureuses séances de soins.
40 ans après, les malades atteints d'amyotrophie spinale infantiles reviennent sur les douloureuses séances de soins. ©Rémi Gendarme-Cerquetti
Publié le Mis à jour le Écrit par Michelle Ruan

Atteint d'amyotrophie spinale, Rémi Gendarme-Cerquetti est retourné sur les lieux de son enfance, l'hôpital de Garches, là où, dans les années 1980, on réparait "les corps différents". Il raconte dans son documentaire "Fils de Garches", ces années qui pour lui sont restées marquées "au fer rouge".

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Toute son enfance, chaque semaine, pour bénéficier de soins orthopédiques, Rémi Gendarme-Cerquetti s'est rendu au centre des maladies neuromusculaires de l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches. Et, chaque semaine, il ressentait la même appréhension au pied de ce bâtiment massif aux briques rouges.

C'est là qu'il était suivi pour soigner son amyotrophie-spinale.

Une maladie génétique

L’amyotrophie-spinale infantile est une maladie génétique qui affaiblit progressivement les muscles, jusqu'à la paralysie.

"La maladie de l'amyotrophie spinale atteint les cornes antérieures de la moelle et entraîne un déficit moteur exclusivement", explique dans le documentaire "fils de Garches" le professeur Christophe Glorion. Le chirurgien en orthopédie infantile à l'hôpital Necker à Paris précise que les enfants qui naissent avec cette maladie "ont un déficit musculaire important, on parle d'enfants poupées de chiffon." 

L'hôpital de Garches, un lieu sans âme

Pour réaliser son documentaire, Rémi Gendarme-Cerquetti est retourné dans les couloirs froids et sans âme de l'hôpital Poincaré. Il interroge ses parents et ceux qui ont connu comme lui le traitement "à la dure" subi pour redresser coûte que coûte ce corps différent.

À l'intérieur de l'hôpital, une grande salle avec des lits occupés par des enfants "où la peinture s'écaillait. Dans ce dortoir, il y faisait toujours froid, et l'odeur d'hôpital prenait à la gorge" témoignent ceux qui y ont passé dans ces lieux des journées d'atroces souffrances, physiques et psychologiques.

La torture du corset

À l'époque, les soins orthopédiques et respiratoires se résumaient le plus souvent à la pose "d'appareils de correction". On manipulait les enfants pour les enduire de plâtre afin de mouler un corset, conçu pour faire ralentir l'évolution de la scoliose et favoriser la position assise.

L'acte était vécu comme une "torture", se rappelle Marie-Antoinette. 

Il fallait qu'on soit droit pour être comme les autres. C'était plus de la normalisation qu'un réel besoin physiologique... Les enfants n'avaient pas le droit de se plaindre. On nous disait que c'était normal que ça fasse mal, qu'il ne fallait pas être douillet.

Marie-Antoinette Vicaire

ancienne patiente

Pour corriger la posture coûte que coûte, le corset était, par définition, considéré comme un appareil de correction : "Il fallait qu'il aille à l'encontre de la direction que prenait notre corps".

Le désarroi des parents 

Les parents n’avaient aucune référence médicale sur laquelle ils auraient pu s'appuyer pour se rassurer : "Nous étions la première génération où les soins orthopédiques faisaient que vous restiez en vie. Un développement intellectuel normal avec une paralysie quasi complète, ça n'existait pas" expliquent Irène Cerquetti et Michel Gendarme les parents de Rémi, le réalisateur. 

"Il s'agissait de donner à mon fils des soins pour que ce ne soit pas pire. Mais des mois et des années après, la santé de mon môme était pire en fait. Pour les soignants, c'était difficile à accepter. Ils se battaient contre un truc plus fort qu’eux" ajoute Irène Cerquetti.

Un acharnement thérapeutique

Tous se souviennent des souffrances corporelles mais "c'est l'acharnement thérapeutique pour être comme tout le monde qui a fait le plus de mal", témoignent-ils.

Après tout, avoir des pieds qui tournent, à la limite, tant que ça nous fait pas mal, c’est pas grave, ça va pas nous empêcher de vivre !

Une ancienne patiente, soignée à l'hôpital de Garches

La pression du Téléthon

Malgré les recherches médicales avancées et prometteuses, grâce aux dons, le Téléthon a pour beaucoup d'entre-deux parfois été difficile à vivre.

"Le Téléthon, ça nous a porté préjudice dans un certain sens. On porte cette image angélique de l’enfant handicapé qui combat tous les jours avec son épée et son bouclier contre la maladie, ça nous met beaucoup de pression… Quand on a un minimum de conscience sur notre monde, il y a plein de gens qui combattent tous les jours. Est-ce qu’il faut faire un podium ? C’est très malsain tout ça" témoigne Dimitri Daniloff.

Tous ces témoignages forts et sensibles sont à voir dans le documentaire de Rémi Gendarme-Cerquetti sur France 3 Bretagne, ce jeudi 1er décembre 2022, à 22 h 55. Et en replay sur francetv.fr

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