Témoignage. "Je ne vous pouvais plus ni marcher ni parler", elles déclarent avoir été droguées à leur insu dans des bars d'Orléans

Publié le Écrit par Camille Verkest
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Plusieurs femmes affirment avoir été droguées, ces dernières semaines, dans des bars du chef-lieu du Loiret. Au moins trois victimes ont déjà déposé une main courante pour alerter sur cette situation. Ce 1er mars, la police d'Orléans affirme avoir ouvert une procédure.

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Le nombre de cas exacts reste difficile à déterminer. La plupart des victimes, indiquant avoir été droguées à leur insu, renoncent à déposer plainte. En ce début d'année 2024, plusieurs femmes auraient été droguées dans des bars d'Orléans. "J'ai eu un trou noir de la soirée et je ne pouvais pas tenir sur mes jambes. J'étais constamment au bord du malaise vagal. J'ai vomi dans la rue, j'étais vraiment dans un état bizarre avec peu de consommation", explique Emma* 31 ans.

Pourtant, son amie qui l'accompagnait le 26 janvier n'avait absolument pas les mêmes symptômes. "Elle avait un comportement plus agressif. Le lendemain, elle se sentait très fatiguée", poursuit-elle. 

"Il aurait pu y avoir un tremblement de terre, ça ne m'aurait pas réveillé"

Ces récits ressemblent à ceux d'autres potentielles victimes, du 16 février dernier. Ce vendredi-là, Clara* se rendait dans un bar pour boire un verre avec une amie. Arrivées à 18h30, les deux femmes de 45 ans boivent trois bières de 25 cl chacune jusqu'à 22h15. "On n'a pas quitté notre table de la soirée, quand l'une partait aux toilettes, l'autre restait", avance Clara. Rentrées à leurs domiciles vers 22h40, les premiers symptômes ont fait leurs apparitions. 

"Je me suis mise au lit en voulant regarder un film. Puis je suis tombée de fatigue, il aurait pu y avoir un tremblement de terre, ça ne m'aurait pas réveillé, j'étais dans un sommeil très lourd", explique Clara. Un état de fatigue soudain que son amie a aussi ressentie dans son canapé. Ensuite, les deux personnes se sont subitement réveillées entre 2h00 et 2h15. "Je ne sentais plus mes jambes, la tête me tournait, j'avais des acouphènes, je n'arrivais plus à parler [...] Je pensais vraiment que j'allais perdre connaissance", détaille l'Orléanaise. Et lors de son réveil le lendemain matin, Clara "n'arrêtait pas de pleurer et là j'ai compris que ce n'était pas du tout mon état normal et qu'il y avait autre chose"

Je n'ai pas compris ce qui m'arrivait. Je n'avais qu'une angoisse, c'était de m'évanouir parce que j'étais toute seule chez moi.

Clara*

À leurs réveils, les deux amies échangent par téléphone et comprennent qu'elles ont eu plus ou moins les mêmes symptômes durant la nuit. De fil en aiguille, les deux femmes en parlent avec leurs entourages et apprennent qu'elles ne sont pas les seules à avoir eu ces types de réactions. Selon elles, d'autres personnes auraient été droguées dans ces bars orléanais, sans aller voir la police ensuite. 

Dès le samedi (le 17 février), Clara est allée voir un médecin pour faire contrôler son état. "Je lui ai dit que je voulais faire une prise de sang mais il a seulement pris ma tension", avance Clara. Le médecin semblait surpris et ne pas vraiment croire sa patiente, "il avait juste envie de me dire que j'avais trop bu", pense Clara. 

Une plainte prise à la légère 

"Il m'a dit qu'il ne pouvait pas me prescrire une prise de sang et que je devais aller au commissariat et que ce sont eux qui devaient lui donner une autorisation pour ce genre d'ordonnance (pour une prise de sang toxycologique, ndlr)", explique l'Orléanaise de 45 ans. 

Les deux femmes se sont ensuite rendues au commissariat pour porter plainte. Mais "ils ont vraiment pris ça à la légère", témoigne Clara. "Ils nous ont dit que l'on ne pouvait pas porter plainte... La personne ne savait pas trop et a demandé conseil à son collègue à chaque fois... S'il n'y a pas eu de viols ou d'abus sexuels, vous ne pouvez pas porter plainte parce qu'il n'y a aucune preuve", aurait expliqué le policier à Clara. 

Des symptômes encore présents le lendemain

Au vu du refus de la police, les deux femmes ont alors posé une main courante. Le dimanche, après d'autres discussions avec leurs entourages, Clara a décidé d'appeler les urgences et leur expliquer sa situation. "La personne au téléphone a été très à l'écoute et m'a prise au sérieux. Elle m'a passé un médecin du Samu qui m'a expliqué qu'il fallait chercher quelque chose de précis sur la prise de sang. Il y avait peu de chances que l'on trouve quelque chose aussi tardivement", détaille Clara.

Après des échanges avec les femmes potentiellement droguées, le patron d'un des bars concernés affirme "être là pour écouter les potentielles victimes". Il encourage même les clients à venir lui parler des problèmes de ce type et ajoute rester disponible "pour regrouper le maximum de témoignages pour avoir le plus de précisions possibles"

Bien sûr qu'il y a de la drogue, mais on ne peut pas contrôler tout le monde.

Un patron de bar d'Orléans

Les potentielles victimes ont d'ailleurs, avec l'accord du bar, placardé plusieurs affiches de prévention pour alerter de la situation.  

Une procédure ouverte

Contactée, la police d'Orléans confirme avoir reçu "les prises de déclaration des deux femmes pour les faits cités". Une procédure a été ouverte tandis que les deux victimes vont être reçues au commissariat ce lundi 4 mars pour déposer plainte. La police d'Orléans ajoute "regretter la manière dont les deux femmes ont été reçues"

En 2021, une initiative baptisée "balance ton bar" avait pris son envol sur les réseaux sociaux, permettant à de nombreuses victimes de franchir le cap pour témoigner et partager ce qui leur était arrivé. Dans le chef-lieu du Loiret, la police avait mené en 2022 une action de sensibilisation à une époque où les piqûres de seringues et de GHB s'étaient multipliées dans la région Centre-Val de Loire.

 * Les prénoms des potentielles victimes ont été modifiés. 

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