Procès du double assassinat de Bastia-Poretta : "vous avez la preuve devant vous que mon père s'est fait sauter tout seul", affirme Jacques Mariani

Sur demande de Jacques Mariani, ses avocats ont remis un extrait d'un rapport de police au président de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône. Dans le document, qui se base sur la sonorisation d'une cellule à la prison des Baumettes, il est écrit que Jean-Luc Germani a dit que la mort de Francis Mariani - père de l'accusé - était un accident. Un élément qui ferait tomber, selon la défense de Jacques Mariani, la thèse d'une vengeance personnelle.

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Derrière la vitre du Box, Jacques Mariani trépigne d’impatience. Il discute beaucoup avec ses avocats et cherche du regard la cour afin de demander la parole.

Pendant ce temps, le président Jean-Yves Martorano lit les dépositions faites face aux enquêteurs des accusés détenus qui refusent toujours de comparaître au procès du double assassinat de Bastia-Poretta. Alors que la cour et le public - peu nombreux - semblent "assommés" par cette longue lecture fastidieuse, les défenseurs de Jacques Mariani lui remettent un document, à la demande de leur client. Ce qui vient quelque peu "réveiller" la salle des assises du Palais Monclar d’Aix-en-Provence.

"Francis Mariani s’est fait exploser en voulant préparer une bombe pour un autre"

Le texte, qui a été lu à l’audience ce jeudi 20 juin par le président, est la retranscription d’une sonorisation policière effectuée entre septembre 2015 et mars 2016 dans la cellule de Jean-Luc Germani, alors incarcéré à la prison des Baumettes, à Marseille.

Fiché au grand banditisme, cet homme de 59 ans est présenté par les services d’enquête comme faisant partie de la même équipe criminelle que Jean-Luc Codaccioni et Tony Quilichini, les deux victimes du 5 décembre 2017 à l'aéroport de Poretta.

Dans cette conversation avec plusieurs codétenus, qui avait pour thème le maniement des explosifs, Jean-Luc Germani déclare, d'après le texte remis au président Martorano :

"Francis Mariani s’est fait exploser en voulant préparer une bombe pour un autre."

Présenté comme un membre du gang de la Brise de mer, Francis Mariani avait été tué en janvier 2009 dans l’explosion d’un hangar sur la commune de Casevecchie, près d’Aleria. À défaut d'avoir pu identifier d'éventuels auteurs, le dossier sur son décès avait été frappé d'un non-lieu.

Selon l'accusation, le double assassinat de l'aéroport aurait pour mobile la vengeance des fils de Francis Guazzelli - assassiné en novembre 2009 et considéré comme faisant partie de la Brise de mer -, auxquels se serait allié Jacques Mariani. Ce que conteste ce dernier.

Pour ses avocats, cette déclaration attribuée à Jean-Luc Germani "est la preuve que la thèse de la vengeance ne tient pas".

"Si on a décidé avec mon confrère Maître Maharsi de verser ces éléments, expose Me Hedi Dakhlaoui, l'un des trois défenseurs de Jacques Mariani, c'est notamment parce que le parquet général a fait le choix il y a quelques jours de verser aux débats l'ordonnance de non-lieu qui est consécutive aux investigations réalisées à la suite du décès de Francis Mariani. Les avocats généraux nous ont dit à plusieurs reprises qu'il y avait plusieurs analyses qui concluaient à un assassinat. Le problème, c'est que cet assassinat serait le mobile d'une éventuelle implication de Jacques Mariani dans les faits du 5 décembre."

Voyez-vous, les écoutes téléphoniques et les sonorisations, c’est un peu comme les PGP. On ne pense jamais qu’un jour on va être écouté.

Jacques Mariani

"Vous avez devant vous la preuve dite par Monsieur Jean Luc Germani que mon père s’est fait sauter tout seul. Je ne vois donc pas pourquoi je me serais vengé, lance Jacques Mariani en direction de la cour. Ça fait longtemps que je le savais et que je disais que mon père était mort dans un accident, pour Voyez-vous, les écoutes téléphoniques et les sonorisations, c’est un peu comme les PGP. On ne pense jamais qu’un jour on va être écouté. Là, il y a une écoute, elle est réelle. Les mots lui sont sortis de sa bouche, pas de la mienne."

"Certains peuvent affirmer des choses qui les arrangent"

Ce document, Jacques Mariani l’avait évoqué mardi dernier, lors de son interrogatoire sur les faits. "Si vous me titillez, je le sors", avait-il lancé, sourire en coin, aux avocats généraux.

Debout dans le box, dans lequel il est toujours tout seul à comparaître (Jimmy Bailleul a refusé d’y revenir aujourd’hui), l’homme de 58 ans poursuivi pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime" brandit alors un gros paquet de feuilles, qu'il présente comme étant le rapport de police entier :

"Voyez-vous, j’ai 40 pages. Je ne peux pas vous les donner sinon je déclenche la troisième guerre mondiale. Ce que je ne comprends pas, c’est que ça vient d'un service central de lutte contre le crime organisé (la brigade nationale de lutte contre la criminalité organisée corse, ndlr). Ici, on parle d’association de malfaiteurs parce que j’ai laissé des messages, et là, il n’y a jamais rien eu. Je peux vous dire que je l’ai là", mime-t-il en montrant sa gorge.

"Il semble que ce document soit un procès-verbal de la sonorisation de la cellule de Jean-Luc Germani lorsqu’il était détenu aux Baumettes et d'une conversation avec un certain nombre de codétenus, tempère l'avocat général, Yvon Calvet. Il se peut que ce soit un PV tiré d'une procédure mais rien ne le certifie. Comme on le sait, certains peuvent affirmer des choses qui les arrangent. Je crois que c'est quand même un peu éloigné de ce qui nous occupe." 

"Ce sont des sonorisations qui m'ont été transmises, je le dis ouvertement devant la cour d'assises, par un policier, dont je tairai le nom, qui est scandalisé par ce qu'il se passe, répond Me Yassine Maharsi, l'un des défenseurs de l'accusé. C'est une preuve matérielle. On vous donne la sonorisation d'une cellule qui est dans la spontanéité la plus absolue. Ces écoutes sont connues et ne figurent pas dans le dossier de la mort du père de Jacques Mariani." 

Ce sont les neuf personnes qui auront à juger qui feront la synthèse de tout ça."

Jean-Yves Martorano

Président de la cour d'assises

L'avocat général s'interroge alors sur "la légitimité de Jean-Luc Germani" : "Je ne vois pas en quoi Monsieur Germani est légitime ou quelle autorité il a pour décider s'il s'agit d'un accident ou pas. Il a la seule légitimité d'avoir été suspecté d'être à l'origine de l'explosion." 

"Il a plus de légitimité que Jérôme Tousaint (l'ex-repenti qui le met en cause, ndlr)", rétorque Jacques Mariani, d'un ton sec.

Maître Hedi Dakhlaoui s'approche du micro. Il fait alors un parallèle avec les messages des téléphones PGP qui constituent le socle de l'accusation dans ce procès.

"On ne peut pas finalement nous présenter des sonorisations pendant deux mois, nous dire qu’elles valent tout et, lorsqu’on vous présente une autre sonorisation qui va dans un autre sens, nous dire que l’on peut mentir sur une sonorisation."

"Ces propos sont parfaitement clairs, poursuit le pénaliste parisien. Vous avez dans ce cas-là celui qui est censé être impliqué de très loin (dans l'explosion du hangar, ndlr) qui dit qu'il n'a absolument rien à voir là-dedans et que c'est un accident."

Le président Martorano reprend la parole, afin de conclure l'échange qui aura duré une vingtaine de minutes.

"Cette pièce est maintenant versée aux débats, précise-t-il. Ce sont les neuf personnes qui auront à juger qui feront la synthèse de tout ça."

Le verdict du procès devrait être rendu le vendredi 28 juin.

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