La demande de récusation du président de la cour d'assises qui conduit les débats à l'audience du "procès Poretta" a été rejetée. La décision a été rendue ce lundi en fin de journée par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Elle fait suite à une requête déposée en fin de semaine dernière par deux accusés détenus qui refusent de comparaître.
Le président de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, Jean-Yves Martorano, ne sera pas récusé du procès du double assassinat de Bastia-Poretta.
Lundi 17 juin, le premier président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Renaud Le Breton de Vannoise, a rejeté la demande de récusation du magistrat déposée par Abdel-Hafid Bekouche et Richard Guazzelli, deux des huit accusés détenus qui refusent toujours de comparaître à l'audience.
Le magistrat aixois devait en effet statuer, après avoir pris connaissance de l'avis du procureur général, sur cette requête datée du 14 juin dans laquelle les deux hommes renvoyés pour "assassinat en bande organisée" dénonçaient la "partialité patente" du président Martorano dans l’organisation des débats. Ce lundi, à l'audience, cette demande de récusation n'a pas été évoquée.
Cette requête portait sur la modification du planning, opérée mi-mai, par le magistrat en charge de la conduite et de l’organisation des débats. Invoquant la prise de congés anticipés des enquêteurs de police en prévision des Jeux Olympiques de Paris, le président Martorano avait décalé leurs auditions, initialement prévues le 15 mai, au 10 juin. Un motif considéré comme faux par les requérants et qui, selon eux, constituerait "une atteinte gravissime à la cohérence des débats, à leur intelligibilité et à l'exercice effectif des droits de la défense".
Dans son ordonnance rendue ce lundi en fin de journée, le premier président de la cour d’appel explique que "contrairement aux affirmations des requérants, une concertation sur la modification du calendrier a bien été effectuée par une réunion informelle." Le magistrat précise que "les requérants n’y assistaient pas" mais que cette réunion s'était déroulée "en présence du ministère public, des assesseurs et des avocats". Il indique également que "le président a expliqué l’ensemble des éléments pris en considération pour élaborer un nouveau calendrier".
Les déclarations de l'enquêtrice
L’instauration de ce nouveau planning avait été à l’origine d’un bras de fer entre les avocats de la défense et le président Martorano. Ces derniers avaient demandé le renvoi du procès, ce que le magistrat avait refusé. Récusées par leurs clients, la plupart des robes noires avaient quitté l'audience, estimant que "cela portait gravement atteinte au principe de l’oralité des débats, et privait de sens toutes les dépositions pouvant être recueillies jusqu’à cette comparution". Depuis le 23 mai, huit des neuf accusés détenus refusent de comparaître.
Dans son ordonnance, le premier président de la cour d'appel estime que "les requérants n’ont pas démontré en quoi la modification de l'ordre de déposition des témoins entraînerait des difficultés de compréhension des jurés et un empêchement pour eux ou leur conseil de poser des questions". Et d'ajouter : "Ils n’ont pas plus démontré d'ailleurs que les parties présentes et assistées au procès n'ont pas eu la possibilité de poser les questions de leur choix aux témoins et aux enquêteurs tandis qu'ils ont fait le choix, quant à eux, de récuser leurs défenseurs et de ne plus comparaître à l'audience, se mettant eux-mêmes dans la situation qu'ils prétendent dénoncer."
La modification du planning d'audience - survenue à la suite de la mort par balles de deux agents pénitentiaires dans l'Eure - avait trouvé un nouvel écho la semaine dernière, lors de l’audition de la directrice d’enquête. À la barre, elle avait indiqué qu’elle et ses collègues s’étaient toujours tenus à disposition de la cour, et ce à partir du 15 mai. Des déclarations qui venaient remettre en cause les motifs avancés par le président Martorano pour justifier le changement de planning.
Là aussi, le premier président de la cour d’appel d'Aix-en-Provence met en avant d’autres contraintes organisationnelles, notamment "l’organisation de plus de 71 auditions de témoins et experts, la disponibilité des salles de visioconférence, la semaine d'indisponibilité d'un des avocats plaidant dans une autre juridiction entre le 3 et le 6 juin, qui a été respectée par le président par égards aux droits de la défense de son client détenu, ainsi que le souci de cohérence et d'intelligibilité des auditions des enquêteurs".
"Décision prévisible"
Selon nos informations, tous les accusés détenus dans ce dossier s’étaient montrés solidaires de cette demande de récusation du président, à l’exception de Jacques Mariani, le seul à être revenu dans le box depuis trois semaines. L’un de ses avocats, Me Jean-Sébastien de Casalta, évoque une décision du premier président de la cour d'appel "somme toute particulièrement prévisible", avant de revenir sur la position de son client :
"Jacques Mariani fait partie des accusés qui ont choisi de demeurer à l’audience, de s’employer, pour ce qui le concerne, à contester l’infraction d’association de malfaiteurs. Pour ma part, j’accomplis ma mission d’avocat dans la plénitude de mes prérogatives et fort de la conception exigeante que je me fais des droits de la défense."
Avant que la décision ne soit rendue par le premier président de la cour d'appel, cette requête ne suspendait pas la tenue du procès qui est entré, ce lundi matin, dans sa septième semaine d’audience.