replay

INSOLITE. L'épopée du champagne alsacien dans des galeries mystérieuses : "les critiques étaient élogieuses"

Dans les anciennes caves de "champagne alsacien" à Pfastatt (68).

Les galeries de Pfastatt (Haut-Rhin) ont servi tour à tour de carrières pour la fabrication de tuiles, de réfrigérateurs à bière, d'abri anti-aérien, mais surtout de caves à champagne, le fameux "champagne alsacien". À environ 8 mètres de profondeur, sur plusieurs kilomètres, ces caves et galeries méconnues, arpentent encore les sous-sols de la ville. Elles provoquent parfois l’effondrement de maisons.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

L’Alsace, terre de champagne, cela vous étonne ? Et pourtant ce fut le cas entre 1883 et 1918.

A l’époque, l’Alsace est en territoire allemand. Pour contourner les droits de douanes s’appliquant aux vins de champagne, particulièrement exorbitants, des entrepreneurs alsaciens ont eu l’astucieuse idée d’acheter du moût de raisin de la région de Champagne.

Le moût de raisin, c'est le jus du fruit fraichement broyé après les vendages, avec sa peau, ses graines, ses tiges. Ce jus n’a pas encore subi de fermentation alcoolique. Ce n’est pas du vin : donc pas de taxe.

"Après un long voyage en carioles" explique Daniel Schaerer, le président de la Société d’histoire de Pfastatt (Haut-Rhin), "il ne restait plus aux vignerons alsaciens que d’élever ce moût dans les caves où nous nous trouvons pour qu’il devienne du vin de champagne, puis de l’embouteiller". C’est ainsi qu’est né le fameux "champagne allemand" qui eut un formidable succès et qui fut distribué dans tout le Reich et dans ses pays limitrophes.

Subterfuge fiscal

C’est Charles Schirmer, originaire de Mulhouse (Haut-Rhin), qui a introduit le premier ce concept. Il avait précédemment travaillé dans une célèbre maison de champagne de Reims (Marne). Il commença à développer son champagne alsacien à partir de 1883 à Mulhouse, confiant la direction de son entreprise à un chef de cave expérimenté.

Le succès fut très rapide. "Les critiques étaient élogieuses" confie Daniel Schaerer. Le jeune entrepreneur mourût hélas en 1890 à l’âge de 32 ans. La société fut immédiatement reprise par la maison de champagne M.P. Cossé d’Epernay. Elle substitua la marque Schirmer à la sienne.

"C’est seulement à partir de 1893 que les champagnes P. Cossé & Cie vont s’installer au-dessus des anciennes caves de Pfastatt". Sous le siège social qu’elle fait construire, l’entreprise fait agrandir "les anciennes galeries existantes qui avaient servi de carrières de terre pour fabriquer des tuiles au XVIIIème siècle, puis de lieu de stockage réfrigéré pour les brasseurs", poursuit Daniel Schaerer. Au total, neuf immenses galeries supplémentaires vont être creusées. "L’entreprise alsacienne de champagne est tellement prospère qu’elle va même ouvrir une succursale à Varsovie, située à l’époque en Russie".

Finalement nous savons peu de choses, et il y a encore beaucoup à découvrir sur l’histoire de ces galeries

Daniel Schaerer

Président-fondateur de la Société d'histoire de Pfastatt (68), depuis 1991.

C’est la fin de la Première Guerre mondiale qui va mettre un terme au subterfuge fiscal. L’Alsace redevient française. La législation concernant les origines et la fabrication du champagne s’applique désormais à elle. Le "champagne alsacien" prend alors l’appellation de vins mousseux et les ventes s’effondrent. L’épopée aura durée presque 40 ans. Les caves sont abandonnées une première fois.

Un abri durant la Seconde Guerre mondiale

"Les galeries vont tout de même être de nouveau utilisées", rappelle l’historien. A partir de 1943, les caves profondes de Pfastatt (Haut-Rhin) vont servir d’installation militaire pour l'armée allemande et d’abri anti-aérien pour les civils. "A quinze mètres de profondeur le Kreisleiter (sous-préfet) de Mulhouse venait se réfugier ici avec ses services, dans un autre réseau de galerie qui se trouve sous le nôtre. Mon rêve est de percer un jour cette porte murée par les Allemands pour aller voir ce qu’ils y cachaient. D’après des témoignages, un escalier descend jusqu’à ce second réseau".

Les vestiges de la guerre sont encore nombreux : des anciennes latrines, des inscriptions en allemand sur les murs, des murs anti-souffle, une ancienne immense glacière qui accueille les déchets des bombardements. Lorsque les soldats français libérèrent l’abri, le 20 janvier 1945, ils trouvèrent 800 civils dans les caves. Cela faisait deux mois qu’ils étaient sous terre.

"Pour éviter les effondrements nous avons dû réhabiliter les conduits d’aération. Ici la température est constante, environ 15 degrés toute l’année", ajoute l’adjoint au maire de la ville. "L'élément déclencheur de la prise de conscience qu'il fallait s'occuper de nos galeries a été l'effondrement sous la résidence Hirschler en 2002. D'autres éboulements sont venus rappeler ces menaces, notamment en 2016 avec l'important fontis dans le bosquet d'un institut d'éducation motrice"

Des caves hantées ?

Ingénieurs, spéléologues, chercheurs ultra sensoriels, de nombreuses personnes, avec une autorisation, ont eu l’occasion de visiter les caves de Pfastatt pour percer leurs secrets. "Car finalement nous savons peu de choses, et il y a encore beaucoup à découvrir sur l’histoire de ces galeries", affirme Daniel Schaerer.

Il termine son témoignage par cette anecdote. "Juste en bas de la colline où nous nous trouvons se trouvaient un hôpital qui accueillaient pendant la Seconde Guerre mondiale des personnes qui souffraient de trisomie. Un jour les nazis les ont conduits dans ces galeries. On ne les a jamais revus, ni retrouvé leurs corps. Un sourcier qui effectuait des recherches pour retrouver leurs cadavres m’a dit : ici, c’est la mort. Je ne vais pas plus loin. Ils veulent qu’on les laisse tranquille. Il ne faut pas fouiller. Je ne sais pas si c’est vrai, mais d’autres visiteurs ont raconté avoir vu leur fantômes".  

Les galeries de Pfastatt (Haut-Rhin) ne se visitent pas.

Pour en savoir davantage sur le site, Daniel Schaerer est le co-auteur avec Dominique Mercier et Eric Zipper d'un beau livre consacré à l'histoire des galeries. Il s'intitule Les galeries et mystères des sous-sols de Pfastatt, aux éditions BAOBAB. 

Vous connaissez un endroit ou un personnage insolite en Alsace et vous voulez le faire connaître ? Contactez l'Alsace insolite par courriel à l'adresse eric.vial@francetv.fr. L'Alsace insolite, une collection de reportages à découvrir sur france.tv.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information