Alors qu'une loi qui ambitionne de restaurer 30 % des surfaces terrestres et marines dégradées d'ici à 2030 est en discussion au Parlement européen, des particuliers et collectivités agissent seuls. En Alsace, les haies et prairies se multiplient ainsi pour favoriser la biodiversité.
Alors que la commission environnement du Parlement européen a voté, le mardi 27 juin 2023, le rejet du projet de loi sur la restauration de la nature, ce dernier devrait être soumis au vote des eurodéputés au mois de juillet. Le texte prévoit d'inscrire l'accord de Montréal dans le marbre, c’est-à-dire l'objectif de restaurer 30 % des surfaces terrestres et marines dégradées d'ici à 2030.
En Alsace, certains n'ont pas attendu cette loi pour commencer le chantier. Dans la vallée de Guebwiller (Haut-Rhin), Alain Schill, jardinier amateur, a décidé de recréer, depuis plusieurs années, un puits de biodiversité sur son terrain. Il a mis en place des habitats favorables aux coccinelles, abeilles et autres insectes et animaux. "J’ai planté des haies de fruits rouges autour de mon petit potager et ça permet d’attirer les insectes, oiseaux, papillons, notamment durant la période de la pollinisation", confie-t-il à notre équipe qui s'est rendue sur place.
Non loin de ses haies, Alain Schill a construit un muret de pierres sèches pour permettre de créer un espace de vie aux lézards. "Cela leur permet de se reproduire", se réjouit-il. Il a aussi installé un bassin aquatique. "C’est un biotope particulier [un milieu de vie délimité dans lequel les conditions permettent l'épanouissement des êtres vivants qui y résident, NDLR], avec des grenouilles, des serpents, des libellules et des couleuvres qui peuvent revenir", ajoute le jardinier.
Une biodiversité accessible à tous
Pour créer ces espaces de biodiversité, rien de plus simple. Il suffit de laisser la nature faire son travail sur quelques espaces, et de les connecter entre eux. "C’est possible de le faire en lotissement, ou sur un balcon, que ce soit en milieu citadin ou dans les villages. Chacun a son rôle à jouer", estime Alain Schill.
Il est possible d’aménager son balcon avec des jardinières suspendues, avec des plantes qui ont besoin de beaucoup de lumière telles que les marguerites, les sauges des prés, ou les coquelicots. Il est aussi important d’installer des plantes mellifères comme le bleuet et la coriandre.
Pour son jardin, il est utile de créer un espace sauvage, et de laisser place aux plantes et insectes que l'on pense indésirables, comme les pucerons ou pissenlits. Tant qu'ils ne deviennent pas envahissants, ils restent les bienvenus en participant à la chaîne alimentaire des espèces utiles à votre terrain.
Les prairies comme habitats complémentaires
Les collectivités se mobilisent aussi. À l’instar de la communauté de communes de la Vallée de la Bruche, qui a été récompensée du titre de "capitale française de la biodiversité" en 2022. Pour ce faire, des prairies permanentes, c'est-à-dire naturelles, ont été créées en coupant des monocultures d'épicéas.
Ces espaces sont reconnus pour permettre une préservation des sols, notamment pour l'érosion et l'épuration de l'eau, mais aussi le stockage de carbone. La flore y est diversifiée et les insectes pollinisateurs y prolifèrent plus facilement.
Les forestiers reconnaissent l’intérêt de recréer ces prairies car ils deviennent des habitats complémentaires
Jean-Sébastien Laumond, chargé de mission paysage environnement
La prairie de la vallée alsacienne, qui a mis une dizaine d'années à s'établir, offre de nouveaux habitats pour des plantes qui deviennent rares. "Nous avons même un retour de la reine-des-prés", sourit Jean-Sébastien Laumond, chargé de mission paysage environnement à la communauté de communes de la Vallée de la Bruche.
"Il faut beaucoup de forêts, c'est important, et les forestiers reconnaissent l’intérêt de recréer ces prairies et fonds de vallée, car ils deviennent des habitats complémentaires pour la biodiversité".
Des haies autour des champs
Recréer ces prairies permanentes en plaine d'Alsace reste plus compliqué. En effet, avec l'activité agricole, les champs offrent moins de possibilités d'espace. La solution réside dans la plantation de haies en bordure des cultures. "Ça a un intérêt pour les sols. Cela apporte de l'humidité qui fait diminuer les températures. C'est un atout majeur au vu du réchauffement climatique", rappelle Amélie Mandel, directrice de l'association Haies vives d'Alsace.
Malgré leurs avantages, deux tiers des haies ont été détruites en 70 ans. Elles sont parfois perçues comme des contraintes pour les agriculteurs, notamment pour laisser passer les machines.
Elles présentent un intérêt économique, en particulier dans la lutte contre les ravageurs. "Une parcelle de céréales peut être attaquée par des pucerons à différents moments dans le cycle de production. Les haies, avec la présence de coccinelles dedans, permettent de prévenir leur arrivée", constate Véronique Stangret, chargée de mission au lycée agricole d'Obernai.
La biodiversité est d’autant plus importante pour les humains et l'économie que 50 % du PIB mondial dépend d'elle, selon le Forum économique mondial.