Le vendredi 13 septembre 2024, le Projet Arcadie a mis en lumière une proposition de loi constitutionnelle de Jean-Luc Warsmann, député (UDI) de la troisième circonscription des Ardennes. Elle obligerait le gouvernement à prendre rapidement les décrets permettant l'application effective des lois votées par le Parlement, ce qui n'est pas - voire jamais - le cas actuellement.
C'est la rentrée aussi à l'Assemblée nationale. Si pas mal de petits nouveaux prennent leurs marques, parmi les députés les plus rôdés, on s'active déjà.
C'est le cas de Jean-Luc Warsmann. Le député (UDI) de la troisième circonscription des Ardennes (autour de Sedan) est en poste depuis 1995, et réélu pour la huitième fois en 2024 (découvrir son portrait). C'est légèrement moins que l'indéboulonnable Charles de Courson, député (ancien UDI, actuel Utiles) de la cinquième circonscription de La Marne (autour de Vitry-le-François). C'est le doyen de l'Assemblée en termes de durée de mandat (mais ce n'est pas le plus âgé).
Si Charles de Courson a été fort occupé en réclamant à cor et à cri les lettres plafonds liées au futur budget, Jean-Luc Warsmann n'est pas en reste. Il brille particulièrement dans le top et le flop du vendredi 13 septembre 2024, une petite chronique publiée chaque semaine par Tris Acatrinei, à l'origine du Projet Arcadie. Il s'agit d'un observatoire de la vie parlementaire, bourré d'informations et d'actualités, reconnu par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), et se finançant grâce aux dons mensuels de son audience.
Amender la Constitution pour forcer le gouvernement à appliquer les lois
Le député des Ardennes y est épinglé - favorablement - pour la proposition de loi (PPL) constitutionnelle qu'il a déposée le vendredi 27 août (et mise en ligne le mardi 10 septembre). Celle-ci est aussi brève que précise : elle propose d'amender l'article 37 de la Constitution. Il porte sur l'étendue du pouvoir qu'a le gouvernement de prendre des décrets.
Cela concerne les décrets d'application des lois votées par le Parlement. Ces décrets avaient fait la une, juste avant la démission du gouvernement Attal, quand plusieurs d'entre eux avaient été publiés (16 juillet) pour appliquer certains aspects de la loi Asile et immigration (pourtant promulguée en janvier).
Jean-Luc Warsmann était présent à la station de France 3 Champagne-Ardenne le vendredi 13 septembre, à l'occasion de l'enregistrement de l'émission Dimanche en politique consacrée à la crise politique causée par Emmanuel Macron après sa dissolution. Il en a profité pour répondre à quelques questions relatives à sa PPL.
Ça décrédibilise l'action publique.
Jean-Luc Warsmann, député de la troisième circonscription des Ardennes
"Il y a aujourd'hui trop de temps entre le Conseil des ministres, où on annonce un projet de loi du gouvernement [PJL, marche aussi avec les PPL qui sont d'origine parlementaire; NDLR], et les décrets d'application. Ça décrédibilise l'action publique."
Il prend l'exemple de ministres qui, voulant "travailler efficacement", prenaient le décret d'application au moment du vote de la loi. "Des ministres, pendant le débat sur le texte, montraient le décret d'application qu'ils s'apprêtaient à prendre." Pour Jean-Luc Warsmann, "un temps normal pour prendre ces décrets d'application, c'est six mois".
Il faut des délais plus courts
Il pointe aussi le problème "des textes de loi mal écrits, trop bavards, qui nécessitent des décrets d'application. Quand j'ai rédigé l'amendement pour le casino de Sedan, j'ai bien fait attention qu'il n'y ait pas besoin de décret d'application. Quand la loi est publiée le lendemain, eh bien c'est fini : elle est applicable." (voir l'emplacement évoqué sur la carte ci-dessous)
"Dans beaucoup de matières, il faut éviter d'avoir des décrets d'application. Et quand il y en a, il faut un calendrier qui soit rapide. C'est vraiment important. Quand le citoyen entend dans les médias qu'un ministre a décidé, pour lui, c'est presque déjà fait. Alors qu'il faut le temps de vote de la loi, avec les deux assemblées. Et si on rajoute un temps encore plus long pour les décrets d'application, c'est la parole de l'État qui s'affaiblit."
Un énoncé qui rejoint un intéressant article du Projet Arcadie : les député(e)s sont sous pression, doivent voter avec une grosse cadence et parfois sans débat (merci le 49 alinéa 3)... Mais le gouvernement ne suit pas avec ses décrets d'application. De quoi se retrouver, comme en 2023, avec un taux de seulement 50% des lois appliquées, rappelle l'article. Insupportable pour l'élu des Ardennes (et ses collègues, on n'en doute pas).
Le député reconnaît que sa proposition a peu de chance d'aboutir, même si elle peut sembler consensuelle. Il faudrait que la majorité de l'Assemblée soit d'accord (alors que ses principales forces n'arrivent même pas à s'entendre sur un gouvernement stable depuis deux mois), puis le Sénat à la virgule près. Ensuite, c'est par référendum qu'il faudrait approuver ça (ou un vote aux 3/5 de l'Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès, quand c'est l'exécutif qui en est à l'origine).
"C'est symbolique. C'est pour ouvrir le débat sur ce projet, qu'on remette le sujet au sein de cette législature. Ce que j'attends de Michel Barnier [le nouveau Premier ministre; NDLR], c'est une autre manière de travailler." Il était d'ailleurs prévu qu'il le rencontre pour lui en faire part. Nul doute qu’il trouvera une oreille attentive.