La CCI Alsace et la Chambre des métiers de la région dénoncent à nouveau, dans une lettre ouverte le 23 juin 2023, la nouvelle tarification du stationnement à Strasbourg. Plusieurs professionnels situés dans le quartier de la Krutenau font état d'une perte de chiffre d'affaires couplée à des charges qui menacent leurs activités.
Une décision qui n'en finit pas de faire débat. La Chambre de commerce et d'industrie Alsace (CCI), la Chambre de métiers de la région et l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie du Bas-Rhin, avec le soutien d'autres professionnels strasbourgeois, ont publié une lettre ouverte à Jeanne Barseghian, maire EELV de Strasbourg, ce vendredi 23 juin. Ils dénoncent la nouvelle politique de stationnement et la tarification en hausse mise en place depuis le 3 avril dans la capitale alsacienne.
Réunis ce vendredi matin en compagnie de plusieurs commerçants strasbourgeois, ils espèrent que leurs revendications seront enfin entendues par la municipalité. Leurs attentes : la mise en place d'un abonnement mensuel pour les collaborateurs des entreprises et les véhicules professionnels, la gratuité du stationnement entre 12h et 14h et enfin l'abrogation du classement en zone orange de nouveaux quartiers du centre-ville.
Depuis le mois d'avril, le quartier de la Krutenau est passé en zone rouge et a vu son tarif de stationnement augmenté de 1,7 euro pour une heure à 3,5 euros. Au bout de trois heures, la facture devient salée et monte à 35 euros. Même chose pour le quartier Gare et la Neustadt.
Dès l'instauration de cette nouvelle tarification, plusieurs commerçants avaient exprimé leur mécontentement. Pour tenter de les satisfaire, la Ville a décidé une expérimentation du stationnement de courte durée, avec 200 places à un euro l'heure pour "faciliter l'accès aux commerces". Le forfait professionnel à 11 euros par jour a aussi été élargi à d'autres corps de métiers comme la coiffure à domicile ou la fabrication de matériel dentaire. Pour les signataires de la lettre ouverte, il ne s'agit là que de "mesurettes" sans "aucune avancée".
Des restaurateurs désemparés
Plusieurs commerçants dénoncent le manque de concertation par les élus strasbourgeois et les prises de décisions abruptes. "Il faut donner l'exemple et prendre ces décisions après consultation des professionnels concernés. On ne veut pas d'une dictature de l'écologie, mais bien une écologie constructive", s'insurge Jean-Luc Heimbruger, président de la CCI Alsace.
En plein cœur de la Krutenau, le restaurant La Patrie subit de plein fouet la nouvelle tarification. Son propriétaire depuis douze ans, Luis Ferreira, appelle d'une voix tremblante la mairie strasbourgeoise à agir. "Je connais une baisse de 40 à 50% de clients en moins tous les midis depuis le mois de mai, regrette-t-il, il y a des midis où on n'accueille plus personne".
Après le Covid, l'inflation, voilà le stationnement qui augmente... On fait quoi, on ferme ?
Luis Ferreira, gérant du restaurant La Patrie
Avec ses cinq salariés, il craint de ne plus pouvoir joindre les deux bouts. "Avec 15 à 20 couverts en moins chaque midi, cela devient inquiétant. De plus, j'ai un propriétaire qui me demande une hausse de mon loyer. Après la crise Covid, l'inflation, voilà le stationnement qui augmente... On fait quoi, on ferme boutique ?", ajoute-t-il. Plusieurs restaurateurs du quartier, et l'UMIH veulent une gratuité du stationnement entre 12h et 14h pour que "les clients puissent venir manger sans que le parking ne leur coûte le prix d'un plat du jour".
Un impact sur la clientèle et les employés
À quelques rues de "La Patrie", le salon "Séduction coiffure" fait le même constat. "Le quartier de la Krutenau n'est plus le même. Ce changement de tarification m'a fait perdre pas mal de clientèle extérieure à Strasbourg", déplore Sabrina, gérante du salon.
Avec la hausse des prix de stationnement, plusieurs clientes lui demandent de se dépêcher pour ne pas payer 35 euros. "Lorsque l'on fait des mèches ou des coiffures complexes, c'est trois à quatre heures de travail. Plusieurs râlent de devoir payer aussi cher pour venir en voiture". Pour tenter de récupérer la perte de chiffre d’affaires, la coiffeuse travaille plus tard le soir et même le dimanche.
J'essaye de m'adapter à chacun, mais il faut aussi boucler les fins de mois
Sabrina, gérante du salon "Séduction coiffure"
L'une de ses employées n'a pas d'autres choix que de venir au salon en voiture. "Je ne pouvais pas me séparer d'elle. Je prends donc à ma charge une place de parking privé à 120 euros par mois, explique-t-elle, j'essaye de m'adapter à chacun, mais il faut aussi boucler les fins de mois".
De son côté, Jimmy Gless, boulanger dans le quartier de l'Orangerie, s'inquiète pour ses salariés qui doivent venir travailler à des horaires où les transports ne fonctionnent pas. "Certains commencent à minuit et n'habitent pas à côté. On est à 4,5 euros les trois heures dans notre quartier. C'est impossible pour un employé de payer autant chaque jour", s'inquiète-t-il. Le professionnel recherche toujours quatre nouvelles personnes à temps plein, mais peine à recruter. "Je pense que les gens hors de Strasbourg font marche arrière".
Les modifications de tarifications instaurées en avril par la Ville seront discutées le 26 juin 2023 lors du Conseil municipal. L'opposition avait, de son côté, déjà déposé un recours devant le tribunal administratif pour dénoncer une "mesure brutale".